Commentaire sur :
"Essais, articles, lettres" de
George Orwell, Éditions IVREA, Éditions de l'encyclopédie des Nuisances,
1995-2001
20 mars 2002
Tout le monde a lu "1984". Les
"Essais" d'Orwell nous font découvrir un homme sensible, rigoureux,
honnête : beau caractère d'Anglais qui rappelle le héros de "The
Loneliness of the Long Distance Runner" de Tony Richardson, ou encore le T.
E. Lawrence de "The Mint".
Les parents d'Orwell appartiennent à une classe moyenne qui
veut vivre au dessus de ses moyens, la classe des "sahibs" de
l'administration coloniale britannique. Il est inscrit dans des écoles
"huppées" où ses camarades se moquent
de sa pauvreté. Il sera très attentif aux différences de
langage, d'habillement, de comportement qui caractérisent la classe sociale et
qui étaient (et sont encore) si marquantes en Grande-Bretagne.
Orwell a commencé une carrière de policier en
Birmanie mais il l'interrompit tôt, navré de n'avoir pu établir des
rapports simplement humains avec les indigènes, pour revenir en Angleterre et
se consacrer à l'écriture. Il plongea dans le milieu ouvrier, vécut un temps
comme un vagabond, étudia avec une précision d'entomologiste et une
sensibilité d'écorché vif les mœurs des diverses catégories sociales. Il
s'engagea en Espagne dans la milice républicaine, expérience qui lui laissera une horreur durable
du stalinisme.
Ses essais couvrent la période 1920-1950. Ils contiennent des analyses littéraires et politiques. Il admire James Joyce et
Arthur Miller, mais déteste les écrivains prétentieux ou maniérés, ou
encore ceux qui comme James Hadley Chase flattent les instincts pervers du
public (sa critique de "No Orchids for Miss Blandish" est
dévastatrice). Il accorde beaucoup de soin à la limpidité, à la simplicité directe
de l'écriture. Son propre style le rend immédiatement sympathique au lecteur.
En lisant ses analyses de la société et de la
politique anglaises, je me dis que nous aurions grand besoin aujourd'hui, nous
Français, d'un essayiste de cette trempe. Il décrit sans complaisance
l'imbécillité des dirigeants et la vanité des intellectuels, qui font
contraste avec une classe populaire inculte mais saine par son patriotisme et son réalisme. Je crois cependant notre société plus ambiguë que celle qu'il décrit : la tâche d'un Orwell
français serait des plus difficiles.
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