Tous les experts en systèmes d'information citent le
Chaos
Report qu'a publié le Standish Group en 1994. Le titre correspondait au
contenu : d'après ce rapport 31 % des projets informatiques sont arrêtés
en cours de route, 52 % n'aboutissent qu'au prix d'un important dépassement
des délais et du budget et en offrant moins de fonctionnalités qu'il n'en était
demandé ; seuls 16 % des projets peuvent être considérés comme
des succès.
Par la suite le Standish Group a mis à jour ses
évaluations. Une amélioration est apparue mais les ordres de grandeurs sont
restés inquiétants (voir p. 453 de
De l'Informatique). Comme
tous ceux qui veulent alerter les dirigeants sur les risques que comporte un
projet informatique, j'ai souvent cité ces statistiques qui d'ailleurs ne me
paraissaient pas invraisemblables.
Or un article publié dans Communications of
the ACM, revue respectée dans la profession, met en doute les résultats du Standish Group .
Glass dit qu'il n'a pas pu, malgré plusieurs
demandes, obtenir d'information sur les méthodes d'enquête du Standish Group. Il
les soupçonne d'être biaisées, les questions étant
formulées de façon à obtenir un résultat pessimiste. Il cite une phrase, extraite du
rapport, qui donne à penser qu'elles sont en effet orientées : "Nous
avons, par téléphone ou par la poste, interrogé de façon confidentielle un
échantillon aléatoire de DSI à qui nous avons demandé de nous parler de leurs
échecs" [2].
Glass estime qu'il n'est pas
possible que les statistiques du Standish Group soient exactes : si nous nous
trouvons
dans "l'ère de l'informatique", dit-il, c'est parce que beaucoup de projets ont
réussi.
On peut lui objecter qu'il existe une grande différence entre les projets qui
construisent l'informatique - systèmes d'exploitation, langages de
programmation, "briques" de l'architecture technique -, auxquels
se consacrent des armées de professionnels très qualifiés, et les projets qui,
réalisés par ou pour les entreprises dans des conditions sans doute moins
favorables, utilisent
l'informatique.
Ce sont ces derniers projets que le Standish Group a étudié et
notamment ceux, les plus fragiles, qui sont destinés à l'informatique de gestion
(voir
Ingénierie de système et système d'information).
Il faudrait en tout cas que le Standish Group
décrivît clairement ses méthodes d'enquête, sans quoi aucun expert sérieux ne
pourra plus citer les résultats qu'il a obtenus - et ce serait grand dommage.
Post Scriptum : On trouve un intéressant
échange avec le patron du Standish Group, ainsi que quelques statistiques utiles
et une poursuite du débat, dans Deborah Hartmann, "Interview:
Jim Johnson of the Standish Group", InfoQ 25 août 2006.
__________________
Robert L. Glass, "The Standish Report:
Does It Really Describe a Software Crisis?", Communications of the ACM,
août 2006, p. 15.
[2]
"We then called and mailed a number of confidential surveys to a random sample
of top IT executives, asking them to share failure stories". |