Commentaire sur :
Allegra Goodman,
Intuition, The Dial Press 2006
14 avril 2006
Ce roman est comme un oignon :
on peut rester à sa surface mais on peut aussi le peler pour découvrir une
couche plus profonde, puis une autre couche et ainsi de suite.
A la surface, une intrigue
simple : dans un laboratoire, un chercheur découvre les effets d’un virus qui
s’attaque aux cellules cancéreuses. La direction publie au plus vite ses
premiers résultats car elle a besoin d'obtenir des crédits. Mais elle a été trop
rapide : la recherche aboutit à une impasse. Il faudra faire marche arrière.
Cette manœuvre provoque de la casse : soupçons de fraude, amitiés et carrières
brisées. Ici le soupçon de fraude, d’abord émis par une ancienne amie du
chercheur, sera repris par les politiques qui supervisent l’attribution des
crédits et qui ont des comptes à régler avec les chercheurs.
Ceux-ci passent leurs journées
autour des cages où sont élevées des souris qu’ils nourrissent,
contaminent, soignent puis tuent et dissèquent. Ils vivent comme des
sous-mariniers, loin du jour et de la vie normale.
Les ressorts qui les animent
sont divers. Certains ambitionnent la gloire, la renommée, le prix Nobel.
D’autres voudraient percer les énigmes de la nature. D’autres encore souhaitent
faire œuvre utile, trouver le produit qui guérira le cancer.
Le directeur du laboratoire
s'emploie à obtenir les crédits qui lui permettront de
faire tourner le laboratoire. Il se soucie peu de la solidité des résultats,
pour peu qu’ils aient assez bonne allure pour inspirer confiance aux bailleurs de
fond. Sa démarche, essentiellement médiatique, le met en conflit avec ceux pour
qui prévaut la qualité scientifique.
Les plus fragiles sont ceux qui
ambitionnent la gloire académique. L’espoir du prix Nobel est, comme la cocaïne,
une drogue qui stimule mais pervertit. Ceux qui sont parvenus au sommet
deviendront des mandarins à qui sera confiée l’autorité sur la recherche des
autres mais qui ne cherchent plus rien eux-mêmes, triste aboutissement.
Les portraits des personnages
secondaires sont ciselés avec justesse : un chercheur chinois résiste à la
hiérarchie sans jamais l’affronter ; un ancien enfant prodige met son
intelligence au service de personnes moins brillantes que lui mais plus
créatives, etc.
Le choix des produits à tester
– molécules ou virus – est tâtonnant. Certes, le succès d’une recherche dépend
du soin apporté aux opérations (hygiène des souris, qualité des observations,
rigueur de la prise de notes et de la documentation) mais il y faut aussi de la
chance. L’explication d’une réussite viendra après la découverte. La théorie est
loin en effet d’éclairer tous les phénomènes en jeu : il faut avoir le flair qui
permet d’avancer sur un terrain inconnu.
Lorsqu’un chercheur piétine
trop longtemps, son directeur lui dit « vous devriez vous tourner vers
l’enseignement ». Mais former des étudiants maladroits, dans un laboratoire à
petit budget, c’est une déchéance pour qui a goûté à la recherche... |