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Commentaire sur :

Denis Robert et Ernest Backes, Révélation$, Les Arènes 2001

12 juin 2001

C'est un drôle de livre. Ernest Backes, cadre qui fut l'un des responsables de la mise en place du système de clearing international Clearstream (compensation des transactions interbancaires internationales), se fait virer ainsi que le DGA avec lequel il avait travaillé. Ce dernier meurt peu après dans des conditions troublantes. 

Backes ne comprend pas ce qui lui arrive, se révolte contre l'injustice etc. Puis viennent les soupçons : le système ne serait-il pas utilisé à d'autres fins, notamment pour blanchir l'argent de la mafia ? Des salariés de l'entreprise, restés fidèles à leur ancien patron, l'alimentent en informations et documents. Backes stocke des archives. Il connaît par cœur les procédures de Clearstream, puisque c'est lui qui les a conçues ; cela lui permet d'interpréter des listings informatiques qui pour tout autre seraient opaques. Il sert d'informateur à des magistrats, au FBI ; il est mal vu par la profession bancaire, et après une période de chômage il doit trouver un autre métier.

Quand Denis Robert fait sa connaissance la première impression est défavorable : les explications de Backes sont confuses, le personnage semble travaillé par la paranoïa. Des recoupements permettent à Denis Robert de vérifier que les déclarations de Backes, malgré leur étrangeté, sont solidement étayées. Petit à petit, la confiance se crée.

D'où le livre. Certains passages sont lumineux, d'autres confus. Le style est tantôt excellent, tantôt négligé. Le texte tient parfois en éveil comme un roman policier, ou bien il assomme par sa technicité. Les documents photocopiés sont étonnants. Si l'on s'applique, on comprend ce que c'est que le clearing, et on entrevoit les tentations auquel ce système très technique, et donc difficile à comprendre de l'extérieur, a pu donner naissance. 

Le livre démontre que toutes les transactions interbancaires sont "tracées" par les organismes de compensation (Swift, Euroclear, Clearstream). Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il faut que les transactions laissent une trace quelque part ? Il est donc possible, si on a la volonté politique, d'obtenir l'assiette qui permettrait le calcul de la "taxe Tobin" sur les flux de capitaux. 

A la suite de la publication de ce livre, la justice a lancé une enquête sur Clearstream ; certains des dirigeants de l'entreprise ont démissionné pour la durée de l'enquête. Les archives accumulées par Backes, son désir persévérant de revanche, auront servi à quelque chose. Les entreprises sont protégées de l'opinion, dans leurs actions plus ou moins répréhensibles, par la technicité des métiers et l'opacité des langages spécialisés ; ici, c'est l'inventeur du procédé lui-même qui a dévoilé ses possibles utilisations mafieuses. 

(voir La boîte noire)