Commentaire sur :
James Ross "Une poire pour la soif"
Gallimard Folio Policier 1999
9 mars 2000
Lorsque je passe à la librairie Tschann, j'écoute les
conseils de Yannick et Fernando : l'expérience m'a montré que ces conseils étaient
utiles. Yannick m'a donc recommandé "Une poire pour la soif" ; comme je ne lis
pas souvent les romans policiers, c'était une occasion à saisir.
Ce livre maudit n'est connu que de quelques connaisseurs. Il
n'a pas connu le succès aux Etats-Unis lors de sa publication en 1940, parce que les
critiques l'ont jugé "choquant". Sa traduction en français a été mal
diffusée à cause de difficultés rencontrées par son éditeur. Pourtant Chandler avait
repéré "ce récit sordide et complètement corrompu d'une petite ville de Caroline
du Nord".
C'est un des rares livres qui donnent une sensation de
contact immédiat avec la réalité ; c'est sans doute cela qui a choqué, d'autant que la
réalité en question est parfaitement sordide, et que les lignes consacrées à la
violence sont insupportables. Ce naturel est obtenu par une construction habile au point
de se rendre invisible. D'autres écrivains, comme Steinbeck, aiment les architectures à
poutres apparentes : ici rien ne se voit, tout semble couler de source, on est
délicieusement dupe de l'art de l'écrivain et la recherche des procédés qu'il a si
bien cachés fascine. Le sommet est atteint au chapitre 15, point d'orgue du livre. Les
héros, petits truands imbibés d'alcool, se partagent pendant un moment de calme le
journal du coin ; ils lisent et commentent à leur façon la rubrique "courrier du
coeur". Dickens n'aurait pas renié ce passage - et il aurait d'ailleurs certainement
aimé le livre dans sa totalité.
Rejoignez le club des amateurs, lisez "They don't dance
much" (le titre anglais est bien meilleur).
|