Commentaire sur :
Marjane Satrapi, Persépolis, L'Association
2002 (trois volumes)
19 janvier 2003
Il est rare qu'une bande dessinée conjugue
autant de simplicité et d'efficacité. Marjane Satrapi raconte sa vie de petite
fille en Iran, puis d'étudiante en Autriche. Elle a dix ans lorsque la
révolution chasse le Shah ; le régime des mollahs supprime les
écoles mixtes, sépare les filles de leurs copains et les coiffe d'un voile. Évidemment
elles n'ont de cesse de jouer des tours aux bigotes qui les encadrent, mais il
leur faut ruser pour éviter le fouet ou pire. La répression est en effet féroce. Les Iraniens cultivés plient sous les mollahs qu'ils trouvent
ridicules. L'attaque irakienne provoque une réaction patriotique.
La famille de Marjane l'envoie faire ses études
en Autriche. Elle découvre la vie en Occident. Les contraintes ne sont pas les
mêmes qu'en Iran, mais bien réelles cependant. Son petit ami l'exploite, elle
se drogue, les religieuses qui l'hébergent l'insultent. Elle sombre dans la
dépression et manque d'en mourir.
Le dessin, sobre, en noir et blanc, est très
expressif. Certains détails sont savoureux : on voit en ombres chinoises les
silhouettes des personnes qui se précipitent cul par dessus tête dans un abri
lors des bombardements irakiens ; après l'alerte elles remontent d'abord en
courant, puis de plus en plus lentement pour arriver tout essoufflées à leur
étage. Les personnages (bigotes de Téhéran, petit ami de Vienne, religieuses,
logeuse hystérique) sont décrits avec justesse.
La vie en Iran sous les mollahs est étouffante ;
la vie des étudiants en Europe l'est aussi, pour des raisons différentes.
Marjane Satrapi décrit comment une personnalité se construit par accumulation
de déceptions et d'expériences. Elle m'a rappelé La Vagabonde, de
Colette, autre hymne au courage et à la lucidité. Les trois volumes de cette
bande dessinée se lisent
d'un trait, en une longue soirée de lecture passionnée et passionnante.
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