A propos de Boris Vian
16 janvier 2000
Grande nouvelle : publication des oeuvres complètes de Boris
Vian par Fayard. Quelques volumes sortis, 14 volumes prévus.
Ses écrits des années 40 anticipent l'esthétique des
années 60. Ainsi sont les créateurs : hypersensibles, ils élaborent le langage, la
musique, les images dont chacun aura besoin dix ans, trente ans après, et qui resteront
dans l'histoire comme les plus belles fleurs d'une époque.
Pour ceux qui avaient 20 ans vers 1960, il était fraternel.
Il aimait et respectait, avec la même pudeur que nous, ce que nous aimions et respections
; il se moquait de ce dont nous nous moquions, et nous fûmes une génération très
moqueuse ! Sa pataphysique revitalisait le surréalisme en le liant à une tradition
populaire française de savoureuse rigolade. La façon dont il conjuguait appétit
érotique (débridé) et délicatesse amoureuse (infinie) nous allait.
Le style de Vian, ce n'est pas seulement la création
verbale, la musique de la phrase, c'est surtout l'architecture dynamique du texte. Dans
"Et on tuera tous les affreux", comme dans "L'écume des jours", il
avance vers l'explosion finale selon un rythme de jazz haletant. Vian n'y est pas parvenu
partout, mais il ne faut pas demander de miracle à répétition. La Fontaine non plus n'a
pas tout réussi.
Certains petits textes ("Mon épouse au volant")
évoquent justement, par leur fine simplicité, les fables de La Fontaine. Des poèmes,
des chansons restent gravées dans la mémoire. Certains vers deviennent proverbes :
"Puis je suis allé chez Satan / Et en bas c'était épatant" (dans "On
n'est pas là pour se faire engueuler").
Cet écrivain, l'un de nos plus grands, n'a sa place ni dans
l'Encyclopaedia Britannica (sauf une mention de "L'écume des jours" dans
l'histoire de la littérature française), ni dans la version anglaise d'Encarta. Ohé, amis anglo-saxons, c'est
un sujet de PhD ! Et cela vous aiderait à comprendre la France d'aujourd'hui.
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