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A propos du fameux bogue de l'an 2000

Résumé de ce que l'on voit dans les médias : "Ouf, on a échappé au bogue ! Mais n'a-t-on pas trop dépensé ? 120 milliards, c'est cher ! ".

C'est à côté de la plaque. Voici du modeste bon sens :

1) L'informatique est souvent un château de cartes

Nous savons que nos systèmes informatiques sont fragiles. Certains codes sources sont perdus : les automates marchent, mais nous prions pour qu'ils continuent car nous aurions du mal à les réparer en cas de pépin.

Cette fragilité concerne aussi les produits industriels. Un de mes amis, ingénieur de talent et individualiste résolu, gagne sa vie comme "free lance" en développant dans les langages récents (Java, Corba, etc.). Il a pour client de grands industriels. On fait appel à lui au dernier moment : les clients doivent présenter leur prototype dans un mois, il faut le logiciel dans 15 jours, etc.

Mon ami pose toujours la même question : "Choisissez : je peux faire un logiciel documenté, vérifié, évolutif, etc. : ça prend un mois et ça coûte 150 kF ; ou bien je fais en 15 jours un logiciel pas documenté, qui marche sans plus, et il coûte 75 kF".

Le client choisit toujours la deuxième solution ! Mon ami dit : "Je me demande comment les équipements peuvent marcher avec ces logiciels à la va-vite empilés les uns par dessus les autres. Certains sont sur des machines sensibles, ça me fait peur !".

Voilà le vrai risque de l'an 2000 : le bogue n'est qu'une chiquenaude, mais une chiquenaude mal placée peut faire tomber une construction fragile. Les journalistes qui pensent que le bogue relève du passé, qu'il n'y a rien eu etc. seraient bien avisés d'attendre encore quelques mois, nous n'avons pas tout vu. Il est vrai que pour les réveiller il faut une catastrophe : qui s'intéressait à l'état des bateaux avant les marées noires ?

Il y aura des incidents. les industriels prendront conscience des problèmes de qualité des logiciels. On pourra enfin faire de l'informatique sérieusement.

2) A qui la faute ?

Avant que l'on commence à dire que tout cela a coûté cher, on considérait les informaticiens comme des héros qui allaient nous sauver du bogue en passant des nuits d'astreinte etc. Mais enfin, avant de nous sauver de la noyade, ils nous avaient bien fichu à l'eau, non ? coder l'année sur deux chiffres, c'est bien une erreur informatique, non ?

Notre société, qui aime tant trouver un responsable pour chaque chose qui va de travers, semble ne pas avoir osé le faire avec l'informatique. Est-ce parce que celle-ci est trop technique, qu'elle intimide ? Ou parce que l'on a peur que les informaticiens ne nous laissent tomber si on les vexe ?

D'où vient qu'aucun journaliste ne recherche le docteur Garetta du bogue de l'an 2000 ? S'agit-il d'une erreur collective ? Est-on certain que personne ne l'avait signalée dans les années 60, 70 et 80 ? Si elle l'a été, qui est responsable de l'aveuglement devant le signal ?

3) Un bogue opportun

Les 120 milliards ont dû contribuer à la relance (comme ces "mines billétifères" auxquelles pensait Keynes : mettre des billets de banque dans des bouteilles, les enterrer profond, employer des mineurs à les déterrer).

Mais la véritable opportunité était ailleurs. Dans bien des entreprises (pas toutes, c'est vrai) les relations entre informaticiens et utilisateurs sont tendues. Le bogue de l'an 2000, ajouté pour faire bon poids à l'Euro, est tombé au mieux. Il a permis de clouer le bec aux utilisateurs qui avaient des besoins et des idées, car les budgets devaient être consacrés en priorité aux choses sérieuses et non aux fantaisies des utilisateurs.

Au fait : les SSII n'ont pas à s'inquiéter. Le travail préventif sur le bogue est terminé, mais il y aura du travail curatif. Les maîtrises d'ouvrage qui ont rongé leur frein pendant trois ans vont sortir les projets des tiroirs. Les appels d'offres vont fleurir !