Aventures
d’un maître d’ouvrage délégué
27 octobre 2001
NB :
Ce témoignage m'est parvenu par la messagerie. Je l'ai jugé assez
représentatif pour demander à son auteur d'en établir une version publiable.
Même s'il est le reflet d’une réalité, toute ressemblance avec une
entreprise spécifique serait donc parfaitement fortuite.
Je
reçois toujours avec intérêt votre courrier et j'ai toujours plaisir à
profiter de votre expérience. J'ai réintégré la coordination des maîtrises
d’ouvrage qui continue d’ailleurs d’être rattachée à la direction
informatique, on baigne dans le progrès.
En
effet, mon patron précédent ne s'est jamais intéressé à son SI donc à sa
maîtrise d’ouvrage déléguée (MOAD). Sans compréhension et sans écoute,
on est à la merci de n'importe quelle idée ou bruit stupide véhiculé par le
moindre Directeur qui n’y entend rien même s’il est polytechnicien (mais on
est important quand on est en mesure de décider sur des sujets que l’on ne
connaît pas).
Trouvant
sans doute que les choses n’avançaient pas assez vite, on est allé chercher
un informaticien pur et dur qu'on a placé près du Directeur industriel pour
pouvoir lui "remonter" plus vite les problèmes des
utilisateurs français et européens. En bonne intelligence les choses auraient
pu se passer correctement, mais ce bel informaticien s'est octroyé (avec la bénédiction
du Directeur!) le titre de pilote de tous les projets, et il est donc devenu
MOAD à la place des MOAD. Par une conviction dogmatique d’inspiration sans
doute divine, il a décidé que la MOAD n’aurait plus le droit de voir les
utilisateurs sans son autorisation, et exigé de valider lui-même tous les
livrables qu’elle produit, toujours avec la bénédiction du Directeur !
Ce
fut la consternation dans la MOAD ainsi devenue manchote. Avant cette décision,
nous avions démarré et réussi 6 projets dont 3 importants, lancé 15 autres
projets selon un plan SI cohérent accepté par tout le monde et doté des
moyens correspondants. On était en plein délire ! J'ai donc travaillé comme
un malade pendant 4 ans avec une équipe de 50 personnes que j'ai recrutée et
soudée difficilement pour en arriver à cette situation grotesque !
Je
ne pouvais accepter une situation qui conduisait au plantage et j’ai interdit
à mon équipe de travailler avec cet "informaticien de haut niveau",
ce qui a provoqué la colère du Directeur et mon désir d’intégrer
d’autres instances.
L'équipe
MOAD est aujourd'hui complètement démotivée, bien que mon successeur tente de
trouver un consensus plus que difficile. Je vous raconte cette anecdote parce
qu'elle illustre bien la relation entre Maîtrise d'ouvrage et Maîtrise d’œuvre,
l'immaturité de nos dirigeants en matière de SI, et enfin l'incapacité du
management à percevoir et redresser ce type de dérapage. Ces erreurs de
management des hommes et de conduite des organisations provoquent parfois des
catastrophes.
Aujourd'hui,
je m'attaque à un gros dossier qui s'appelle « Urbanisation du SI »
dans l’entreprise. C’est un sujet des plus intéressants mais le travail démarre
difficilement de par la conjoncture actuelle difficile, d’autre part je suis
en attente d’une impulsion de la DG et de la direction informatique qui est
empêtrée dans des dogmes techniques internes et oublie l’importance des
stratégies et visions des métiers. M’intéressant à ce qui se passe à
l’extérieur, et à l’occasion de mes nombreux déplacements en France et en
Europe, je me rends compte aussi que les autres entreprises se cherchent encore
et restent plutôt frileuses.
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