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Un précédent historique à la crise actuelle[1]

20 septembre 2002

Au début des années 1870, les chemins de fer ont suscité aux États-Unis une expansion économique analogue à celle qu’ont procuré les télécoms et l’Internet dans les années 1990. Les lignes intercontinentales avaient unifié le marché. Le long des lignes, le commerce de détail s’était développé, la valeur des terrains s’était accrue. Le transport du fret à longue distance, qui demandait auparavant plusieurs semaines, ne prenait que quelques jours. Les spéculateurs s’enrichissaient, les barons du rail utilisaient leurs relations politiques pour obtenir des concessions fédérales, la corruption régnait.

Tout s’effondra en 1873. Un des spéculateurs les plus endettés, Jay Cooke, fit faillite. Cela provoqua une panique à Wall Street. La bourse de New York ferma pendant dix jours. Le cours des actions des compagnies ferroviaires diminua d’un tiers entre 1873 et 1877, une compagnie sur cinq fit faillite.

Puis l’expansion reprit d’une façon si explosive que les journalistes inventèrent pour la décrire le mot « boom ». En 1880, les progrès techniques (locomotives plus puissantes et meilleur système de signalisation) permirent une baisse des tarifs ; la mise en œuvre des wagons frigorifiques en 1881 lança le transport des produits alimentaires. La demande s’accrut, le trafic reprit, le cours des actions remonta.

Il en est de même avec les réseaux de transport en fibre optique des opérateurs télécoms : aujourd’hui surdimensionnés, ils constituent un capital fixe en réserve pour de futures utilisations. La demande pourrait redémarrer avec des innovations dans le commerce électronique, l’imagerie médicale, l’information génétique, l’audiovisuel etc. qui réclament des transmissions à haut débit. L’éclatement d’une bulle financière suscitée par l’innovation technique peut masquer le pouvoir économique des technologies sous-jacentes. Un capital fixe aujourd’hui dévalorisé peut devenir la pierre angulaire de l’économie de demain.


[1] Bob Davis, « The Lessons of History Are Full of Significance For Today’s Economy », The Wall Street Journal Europe, 26 septembre 2002.