Que c'est vrai ce que tu dis sur la censure des clercs...
J'ai vécu ça mille fois chaque fois que, dans une structure
hiérarchique, j'essayais de proposer une nouveauté.
J'ai eu droit à :
"On ne vous demande pas de dire quel type de machines il
faudrait faire en France. Laissez la France où elle est (sous-entendu : entre nos
mains)" (L'auteur est très haut placé à l'Académie des Sciences) ;
"Je n'ai pas du tout apprécié que vous osiez prendre la
parole pour dénoncer l'inefficacité des programmes européens" (dans un auditoire
où j'étais le seul vrai praticien de ces programmes) ;
"On ne vous demande pas de donner un avis critique sur les
applications de ces recherches " (dans un grand labo européen où j'étais l'un des
6 membres du conseil scientifique ! ) ;
"Mais pourquoi, toi, as-tu été faire des
recherches dans ce domaine ?" ;
"Mais, comment, toi, as-tu fait pour trouver ça
?" ;
"Mais de quel droit, toi, mais quelle mouche t'a
piqué, toi, de t'intéresser à ce sujet (Prolog) " (ce n'est pas de ton
niveau) ;
(A ce sujet, rappelons quAlain Colmerauer, inventeur de
Prolog, l'une des dernières grandes découvertes en logiciels, a eu un blâme du CNRS
pour le " manque de qualité scientifique " de ses travaux).
"On ne peut pas publier ton papier, il n'y a pas assez de
références bibliographiques" (de la part des trois "papes" des bases de
données en France, après ma découverte de la "méthode d'Alexandre",
première, et à ce jour inégalée, méthode de mariage des bases de données et des
règles de logique) ;
A l'opposé, les Japonais ont été les premiers à la publier
avec enthousiasme et continuent à travailler dessus. Le président du Computer Science
Lab de Stanford m'a reçu spontanément, et, un peu mauvais perdant, s'est contenté d'un
"Nous, on pouvait pas trouver ça, car ce n'était pas ça qu'on cherchait".
" My foot ! ", comme ils disent en anglais ...
Je ne parle pas de ce qui m'est arrivé chaque fois que,
rapporteur de thèses d'Etat, j'osais formuler des critiques autres que de pure forme sur
les manuscrits des dites thèses.....
Plus généralement, une des choses qui a tué l'informatique en
France, c'est que l'INRIA a été managé par des gens pour qui la seule valeur était la
capacité à démontrer des théorèmes mathématiques. Des générations de chercheurs
ont ainsi passé leurs plus fécondes années à ne voir dans l'informatique qu'un
prétexte à des mises en équations, et à trouver des méthodes de résolution de ces
équations. Cela conduit à des travaux d'un ridicule total, à des Trissotin à la
puissance N. Il faut les lire pour le croire....
Et maintenant, ils sont profs, et ça se perpétue
indéfiniment. Tout travail informatique doit se traduire par des équations et des
théorèmes pour espérer accéder à un poste, à une chaire. De l'autre côté de
l'Atlantique, l'industrie de développe sans AUCUN théorème...
A l'opposé, quand j'étais à Grenoble (1967-1973), avant la
création de l'INRIA, nous étions dans un contexte de centre de Recherche IBM, avec un
pragmatisme, une créativité, un souci d'expérimenter que je n'ai jamais retrouvé
ailleurs. J'ai d'ailleurs l'impression d'avoir tout appris là bas, et presque rien
depuis....