Une hirondelle annonce-t-elle le printemps ?
Un article du Monde décrit une entreprise qui, me
semble-t-il, gère comme il le faut son système d'information :
"Petra Friedmann, directrice d'Odopo, numéro deux du voyage en ligne en France,
a choisi de gérer directement la relation client et l'informatique".
Les activités qu'un stratège "gère directement" sont
celles qu'il considère comme stratégiques. Dans d'autres entreprises les activités stratégiques sont la finance et la communication ; dans
celle-ci, c'est la relation client et l'informatique.
Enfin un dirigeant qui pose les pieds par terre, qui se
préoccupe de la solidité de son entreprise ! Mme Friedmann décrit
ainsi le rôle de son système
d'information :
"Tous les aspects de notre activité passent par l'informatique
- un service clients efficace ne peut exister sans outils adaptés (...) Pour
réagir rapidement aux changements du marché, pour innover, il faut supprimer
tous les tiers intervenants. L'internalisation de l'outil informatique garantit
d'abord la possibilité de définir et maîtriser sa propre philosophie de
développement par un dialogue permanent entre les équipes utilisatrices et les
informaticiens. Elle offre une réactivité incomparable et la réversibilité de
toute modification. Chez nous, aucun projet ne dure plus de trois mois.
L'internalisation a aussi favorisé l'utilisation de logiciels "libres" (les
développeurs peuvent intervenir librement sur le logiciel), facteurs de
souplesse et d'économie".
En quelques phrases tout est dit : Odopo a pris en main son
informatique en tournant le dos à la pratique la plus courante, qui est de se
fier à un ERP, à des progiciels, à des SSII,
les informaticiens de l'entreprise étant des acheteurs d'outils et de
solutions, des gestionnaires de contrats qui perdent progressivement leur
expertise et leur savoir-faire.
Les développeurs d'Odopo sont, eux, de véritables
informaticiens : capables de lire et d'écrire du code, de concevoir l'architecture d'une
solution, d'intégrer ses divers éléments. J'aimerais beaucoup voir de près
comment ils travaillent.
* *
Les logiciels libres favorisent ce retour à l'informatique, à la
vraie informatique où les compétences se forment, se consolident,
s'enrichissent. Car alors que les progiciels sont des boites noires dont on ne
voit qu'une interface éventuellement trompeuse, et dont on ne connaît pas le
fonctionnement intime, le code source d'un logiciel libre est lisible, ceux
qui possèdent un savoir-faire suffisant peuvent le modifier.
L'informaticien n'est alors plus quelqu'un qui empile des boites
noires comme autant de briques, composant une architecture qu'il ne
pourra pas maîtriser, mais un responsable capable de comprendre les conséquences
de ses décisions.
Capable en principe, bien sûr : même si l'on peut lire le code
d'un logiciel libre il faut du travail le comprendre, et plus encore
pour comprendre l'interaction entre divers logiciels. Mais au moins cette
compréhension est possible à condition de travailler tandis que celui qui ne
fait que gérer des contrats cesse rapidement de comprendre quoi que ce soit et
devient captif de ses fournisseurs, seuls maîtres des techniques.
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François Bostnavaron, "L'internalisation permet une réactivité incomparable", Le Monde,
12 mai 2009
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