Shirley et Dino
4 mai 2002
Je n'ai jamais parlé de mes sorties sur ce site,
mais je dois faire une exception : j'ai vu hier soir le duo de Shirley et Dino
au théâtre Marigny.
Il n'y est question ni de
politique, ni de sexualité, ni d'actualité, ni de violence, mais de rapports humains
familiers et de vie quotidienne. Le spectacle est essentiellement un dialogue (entre les
acteurs, entre eux et le public) entrecoupé de "numéros" tous plus
ou moins ratés.
Pendant que le public riait de tout son cœur et
réagissait aux sollicitations des acteurs, j'imaginais
Molière partageant l'allégresse générale. On sent en
effet, derrière cette simplicité raffinée, une longue expérience des petites
salles, des tournées en province, des tréteaux improvisés que
l'"Illustre Compagnie" pratiqua longtemps.
On devine que les acteurs ont renoncé à
toute prétention pour mieux reconstruire l'image de nos
bêtises, hésitations, contresens et erreurs. Je dis "reconstruire"
car l'acteur qui ne trouve pas ses mots ou les estropie, qui rate ses numéros
de prestidigitation, se mêle les pattes en dansant et chante horriblement faux
n'est pas un maladroit mais un virtuose maîtrisant l'artifice à tel point que nous y
retrouvons notre naturel.
C'est le rôle même de la culture que de
représenter notre vie symbolisée et schématisée par l'art de sorte que nous
puissions voir fonctionner notre propre mécanisme pour en rire et détendre sa
contrainte, puis pour le méditer à loisir. Il est difficile, mais
utile de prendre pour thème les rapports humains dans la vie quotidienne ; cela
vaut mieux, je crois, que de jouer la comédie de la profondeur en ressassant
les poncifs de la violence, de la politique ou de la sexualité
"libérée".
Je suis sûr qu'un intellectuel parisien typique
(a) n'ira jamais voir ce genre de spectacle, trop populaire pour son goût (b)
se gardera bien de rire si malgré tout il y va, car il est vulgaire de rire (c) si par mégarde il a ri, l'oubliera par la suite et prétendra
s'être ennuyé.
Mais que dis-je ! c'est ainsi que les
"intellectuels" du XVIIème siècle (on disait "les
précieux") réagissaient aux spectacles de Molière.
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