Petite typologie des
cadres
31 janvier 2003
Pour segmenter la population
des cadres supérieurs, j’ai souvent utilisé la typologie ci-dessous.
Attention ! l’être humain réserve
des surprises au classificateur : il m’est arrivé de voir quelqu’un
passer d’une catégorie à l’autre.
Le crustacé
Il est protégé par une
carapace hérissé de piquants. Ses affirmations péremptoires, son manque de
sensibilité, ses réactions colériques ont fait croire qu'il était énergique.
Cependant, si l'on perçoit les
fluctuations de ses propos, on devine la mollesse du contenu que recouvre sa carapace.
La place naturelle du crustacé
est l’équipe
de direction, le « panier de crabes » où chacun s’active,
avec ses pinces, pour couper une patte à l'autre.
Le vertébré
Sa charpente, ferme et articulée,
est enveloppée d’une chair élastique. Il est avenant, son regard est attentif
; il sait apprendre, évaluer et décider.
Le fonctionnement de la
boutique l’intéresse. Il la fait tourner et règle les incidents sans faire
d'histoires. Heureuse d’avoir un si bon exécutant, l’entreprise préfère
le maintenir dans une position relativement subalterne : il est trop compétent pour être
commode. Il aura des déconvenues s'il s'imagine qu'il suffit d'être efficace
pour « réussir » (voir Comment faire
carrière).
Le gastéropode
Il a obéi à des ordres
contradictoires, il a été mis au placard, il en est sorti, sa personnalité s'est brisée : on ne discerne plus chez lui d’autre structure que celle qui
sert à s’alimenter.
Il fera tout ce qu’on lui
demande. Il produira des audits et des études pour étayer des décisions déjà
prises. A la holding, il sera le censeur sourcilleux des filiales. Dans les négociations,
il réduira ceux d’en face au désespoir jusqu’à réception du feu vert
politique. C’est lui que l'on chargera de vider d’autres cadres, de rompre
les contrats passés avec des entreprises qui ne peuvent pas se défendre.
Rantanplan
C'est
le chien de Lucky Luke. Il n'est pas dépourvu de qualités canines, il est
affectueux, il inspire la sympathie, mais il est totalement dépourvu de discernement.
Tout projet mis entre ses mains échoue. La direction lui confie les projets dans lesquels
elle ne croit pas mais qu'elle a lancés pour faire bonne figure, ces projets
dont le but est non d'aboutir, mais d'exister.
Une entreprise m'avait demandé de monter un service statistique. Lors de
l'étude je dis au directeur informatique :
"Ton entreprise a un problème de qualité des données". Il soupira et répondit : "Je le sais. J'ai voici trois ans
confié à Untel une mission
d'analyse des données et ça n'a pas beaucoup
avancé". Ce "Untel" était l'une des incarnations de Rantanplan.
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- Je vous invite
à un petit exercice :
1) passez en revue les cadres qui vous entourent et répartissez les entre
ces quatre catégories ;
2) si certains vous semblent inclassables, c'est qu'il manque (au
moins) une catégorie dans la classification ; comment la définiriez-vous ?
3) au fait, dans quelle catégorie vous classez-vous vous-même ?
4) méditez les résultats que vous venez d'obtenir.
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- A la suite de l'appel ci-dessus, des lecteurs
ont proposé de compléter ma typologie par les rubriques suivantes :
Le
boa
Il a beaucoup de sang-froid.
Volontiers grande gueule mais d'un naturel timide, il a les audaces du faible. Il
sait être patient, ramper s'il le faut, puis attaquer subitement. Il sait
aussi se montrer attentif, possessif, au risque d'étouffer sa proie. Il inspire
crainte et fascination.
Le fonctionnement de la
boutique l'intéresse et l'inquiète : il croit en être un dirigeant important
alors qu’il est l’exécutant de décisions prises sans lui.
Directeur d'un établissement régional dans une grande structure en apparence déconcentrée,
il téléphone MMS (matin, midi et soir) à la DG pour s'assurer de la conformité
des décisions qu'il prend en toute autonomie.
La savonnette
On l’appelle aussi « homme
à tout faire », « pâte à modeler », « consultant maison ». Il est
arrivé par hasard dans l’entreprise. C’est un généraliste capable de
s’adapter à tous les contextes et de s’intéresser à n’importe quelle
mission. Il touche à tout, parfois avec succès.
Personne ne saurait dire quelle
est sa spécialité. Si l’on cherche dans quel métier le classer, il glisse
des mains : on ne sait pas par quel bout le prendre.
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