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Vivre et travailler au pays, oui ! mais lequel ?

15 avril 2000

J’ai reçu d’un ami (disons, par discrétion, qu’il s’appelle L’Euro) le témoignage suivant dont je peux garantir la parfaite authenticité.

Faut-il donc, vous qui avez quelques années et du savoir, aller en Angleterre pour que vos compétences soient reconnues et utilisées ? Cette question ne concerne pas que les top models, ni les préoccupations fiscales.

Ce témoignage pose une question sérieuse qui devrait préoccuper nos managers et nos politiques.

_________

Vous avez tous lu cela dans la presse, plusieurs dizaines de milliers de français, plus sans doute (on parle parfois de 200 000) travaillent aujourd’hui au Royaume-Uni.

De nombreux articles ont été consacrés depuis plus d’un an à la " fuite des cerveaux ", des jeunes diplômés de nos meilleures écoles qui s’expatrient pour leur premier emploi, ne trouvant, au mieux, rien d’intéressant ou d’équivalent en France, au pire ne trouvant rien du tout !

Notre gouvernement s’en contente, minimisant le phénomène, se persuadant que ces jeunes reviendront, pour le plus grand bénéfice du pays, une fois formés. Et puis, après tout, les statistiques du chômage sont meilleures ; n’est-ce pas ?

Quelques sceptiques esprits chagrins ont bien émis quelques doutes sur cet hypothétique retour (pourquoi rentrer pour gagner moins et payer plus d’impôts ?), mais tout le monde ne rêve-t-il pas de vivre en France ?

Pourtant, nous sommes très loin d’avoir pris la mesure du problème.

Je travaille en Angleterre depuis le début de l’an 2000. Je ne suis pas un jeune diplômé de moins de 25 ans : j’ai 48 ans et, même si les médias n’ont pas encore découvert notre existence, je suis très loin d’être seul !

Qui suis-je ? Un cadre international expérimenté, ayant en particulier passé six ans à Tokyo, ancien directeur Marketing et Commercial, puis directeur du Développement pour de grandes entreprises françaises des secteurs de l’informatique et des télécommunications.

De retour de ma plus récente expatriation, et ma société s’avérant incapable de me réinsérer dans son équipe de management française, nous nous sommes quittés (à leurs frais, bien sûr) en Avril 1999.

Tout cela est fort banal, direz-vous ? Certes, mais la suite est plus originale :

En 6 mois passés dans le plus grand cabinet français d’ " outplacement ", ayant contacté par " mailing " tous les chasseurs de tête du marché, répondu à de nombreuses annonces et activé quelques réseaux, non seulement je n’ai pas reçu une offre d’emploi , mais je n’ ai pu rencontrer qu’ une seule entreprise française, qui m’a tenu les mêmes propos que les rares chasseurs de têtes rencontrés : je n’ai pas 35 ans !!!

Quelqu’un de plus de 45 ans ne pense plus qu’à sa retraite ; c’est bien connu (comment elle sera financée est une autre histoire). " De toute manière, vous être trop vieux pour le " high tech " et , d’ailleurs, vous étiez à l’étranger : vous ne valez plus rien sur le marché français, mon pauvre monsieur ".

Banal encore ? Tout le monde sait cela ?

Fort bien : voici la suite.

Deuxième semaine de Novembre, j’ai commencé à répondre aux annonces du Sunday Times. Je ne l’ai fait que Quatre semaines. Pourquoi cela ?

Parce qu’en quatre semaines, début décembre, j’avais un travail.

Mieux encore, je suis passé instantanément d’un taux de 0% de convocations pour entretiens à 70%. J’ai en fait eu jusqu’à six entretiens dans la même journée, pour des positions offrant de 800 KF à 1,5 MF annuels (hors stock options éventuels).

Un de mes CV, parti de Londres, a même atteint Singapour en transitant par la Californie.

Bien qu’en poste depuis trois mois, je suis toujours chassé aujourd’hui par des sociétés auxquelles j’ai écrit en Novembre, petites sociétés sans importance telles Motorola et Cisco…

Voilà pourquoi les cadres français internationaux expérimentés et multilingues, ceux dont on prétend manquer mais qui remplissent les couloirs des cabinets d’outplacement, partent aujourd’hui aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Voilà pourquoi le vivier de compétences de notre pays se vide actuellement par les deux bouts.

Que s’est-il donc passé ? Dans mon cas, la même personne, avec le même CV a été perçue de manière radicalement différente dans deux pays voisins.

L’âge est sans aucun doute l’un des paramètres ; il suffit de lire les annonces et de compter les ’35 ans maxi’, y compris pour les postes de management.

Ce qui veut dire que, dans beaucoup de cas, votre CV ira à la poubelle AVANT D’ETRE LU.

Dans les pays Anglo-Saxons, cet enfer de l’ultra-libéralisme, il est interdit de faire mention de l’ âge ou de la situation familiale.

Où est la démocratie, ou la simple honnêteté ?

Mais l’ âge n’est pas tout. Certains de ces cadres internationaux côtoyés pendant six mois avaient à peine 40 ans. En France, et contrairement à ce qu’affirme la presse, une carrière internationale reste largement incomprise, au pire fait peur.

Tous ceux qui le pouvaient sont repartis. Et la plupart ne travaillent plus non plus, aujourd’hui, pour des entreprises françaises.

Quant aux autres, ils attendent…