Profitant de cette période très très calme, j'ai enfin pris
le temps d'aller musarder sur le site pour y trouver des nouvelles d'une part, et plus
égoïstement, y découvrir sa substantifique moelle .... et pour ne pas le cacher, un peu
de détente !
... et c'est en lisant la réponse que vous faites aux
commentaires de F. Jacq sur le livre "Economie des Nouvelles Technologies" que
j'ai relevé votre attachement aux concepts de "stock" et de "flux".
Je n'ai pas lu l'ouvrage en question, et limiter ma réaction à
la simple lecture de ces extraits ignore le contexte dans lequel tout cela s'inscrivait,
mais je tiens malgré tout à vous faire part de mes quelques humbles idées sur le sujet
car je vous soutiens pleinement dans cette approche.
J'ai mené une réflexion personnelle il y a environ une dizaine
d'années sur la modélisation des "systèmes". Il s'agit là bien entendu de
"systèmes d'information" et non pas de "systèmes informatiques".
Pour bien cerner ce que j'entend par ce concept, on pourrait assimiler
"Système" à "Entreprise", en prenant soin d'assortir l'Entreprise
d'une contrainte d'homogénéité dans son métier principal, et en la regardant, on va
dire sous un angle "fonctionnel invariant", et non pas organisationnel qui
jouerait le rôle de miroir déformant. Moyennant ces quelques précautions, on a une
assez bonne approximation de ce que peut recouvrir le mot "Système" dans le
cadre de cette recherche de modélisation.
Je n'entrerai pas dans tous les détails de la méthode ni de
son mode de représentation. Mais je peux vous livrer quelques conclusions auxquelles je
suis parvenu en déroulant cette approche, et qui touchent directement les concepts de
"stock" et de "flux" que vous évoquez :
1 - le système d'information, à un instant t, n'est composé
que de stocks : des stocks de moyens humains, matériels, des stocks de produits et de
services, des stocks financiers, des stocks de clients, des stocks de savoir-faire, des
stocks de connaissances, etc. etc. (je n'ai décelé aucune exception, et je pense avoir
démontré qu'il ne peut pas y en avoir).
Ces stocks ne sont pas nécessairement réels; ils peuvent
n'être que potentiels, les "individus" qui le compose n'étant pas formellement
identifiés a priori (individu s'entend au sens d'une occurrence logique ou réelle d'un
concept).
Ces stocks ont une place prédéterminée dans le système
d'information (au sens conceptuel, cela va de soi).
2 - les stocks évoluent sous l'effet de flux générés par des
lois d'échanges visant l'équilibre permanent du système. En d'autre termes,
l'évolution d'un stock entraîne obligatoirement l'évolution d'au moins un autre stock,
sous peine de créer un déséquilibre qui se concrétisera dans la réalité par des
incidents et/ou dysfonctionnements.
Par exemple, ajouter un nouveau vol au programme de vol (stock
de vols) doit entraîner la diminution du stock d'avions disponibles, du stock de pilotes
disponibles, etc. Ce sont les contreparties obligatoires de l'existence du vol au
catalogue. S'il n'y a pas de moyens disponibles, il faudra chercher à les acquérir. A
défaut, le vol annoncé ne pourra pas avoir lieu.
Autre exemple : l'émission d'un coupon, qui fait évoluer le
stock de billets émis, a pour conséquence de faire évoluer les stocks passagers
réservés en échange d'une évolution du stock de chiffre d'affaire.
Il n'est pas nécessaire que l'échange soit synchrone. Dans ce
cas, on doit voir apparaître dans le système un stock échéancé, surveillant la bonne
réalisation du principe d'échange. Tout ce qui relève du domaine administratif et/ou
contractuel est assujetti en général à ce mode de fonctionnement. Typiquement, les
systèmes de relance, ou l'échéancier des factures fournisseurs à régler.
(Attention aux assimilations à des processus : si une loi
d'échange peut couvrir tout ou partie d'un processus, un processus n'est pas
nécessairement assujetti à une loi d'échange explicite).
Ce que je dis en fait, c'est qu'il existe une relation de
cohérence entre les stocks et qu'elle est entièrement prédéterminée dans tout
système (on peut montrer que le système est constitué d'anneaux de cohérence assurant
le lien entre les stocks et les lois d'échange.).
3 - La marche du système, ce que l'on appelle
"réalisation", est assurée par la loi des "rendez-vous" : il s'agit
en fait de réunir "physiquement" des occurrences de stocks, leur association
produisant de nouveaux éléments de stocks :
exemple simplifié : pour qu'un passager soit transporté, il
faut réunir à une date donnée, une heure donnée, un lieu donné, un avion, des
pilotes, des agents d'enregistrement pour réaliser le rendez-vous avec le passager.
Le "rendez-vous" n'est pas nécessairement
prédéfini; on peut très bien s'inscrire dans un logique de moyens mis à disposition en
un lieu donné, pour une période de temps donnée et attendant les sollicitations. C'est
typiquement le cas des centres de réservation. Cela n'enlève rien au principe du
rendez-vous, il est simplement "subi". ("date donnée" et "heure
donnée" sont en gras car le modèle met en évidence deux concepts d'échelle de
temps que je n'arrive pas à formaliser de la même manière. Cela me laisse perplexe,
mais je finirai bien par trouver la faille ... ou la réponse).
Le "rendez-vous" est la transition entre la prévision
et le réalisé. Pour imager, il fait l'effet d'un "trou noir" qui avalerait de
la donnée prévisionnelle pour créer un monde parallèle descriptif du passé. On y
retrouve la même philosophie de "stock", en parfaite symétrie, mais qui n'est
plus utilisable qu'à des fins de pilotage au sens large, incluant la pérennisation du
fonctionnement du système sur les cycles suivants. Les notions de flux n'existent plus
que sous forme de traces laissées par leur passage. C'est le monde chéri par les
statisticiens et autres chercheurs amoureux de la compréhension des phénomènes
économiques ...
Voilà ce que je voulais vous livrer. Rien d'extraordinaire par
rapport à votre conviction comme vous avez pu le constater; je pense que nous sommes
totalement en phase.
Je pousse peut-être le bouchon un peu plus loin en affirmant
que les atomes que constituent les stocks s'associent entre eux selon des lois invariantes
pour constituer une molécule complexe ... "Le Système d'Information", et que
tout cela n'est pas simplement le fruit du hasard (l'image chimique n'est pas totalement
anodine ...).
La diversité n'existe que par la différenciation des
modalités de mise en uvre : diversité dans les organisations, dans les procédures
... bref, tous les aspects du "Comment".
On peut dire encore beaucoup de choses sur le fonctionnement des
Systèmes d'information, notamment au plan des concepts généraux (lois de
sous-traitance, description complète de l'évolution d'un système par un nombre fini de
verbes "archilexemes", politiques d'Entreprise, indicateurs de cohérence et
localisation, etc. On peut même s'amuser à essayer d'établir la jonction avec les
disciplines scientifiques en déroulant les lois de sous-traitance.
Il reste malgré tout encore quelques points pour lesquels je ne
suis pas pleinement satisfait de la réponse que j'apporte.
Je finirai sûrement par trouver ce que je cherche, mais tout
cela demande du temps ....
Pour conclure, j'avoue que je serais très intéressé de
connaître les raisons qui vous ont conduit à cette conviction, si cela n'est pas un
secret, bien entendu !
Amitiés
Robert