Économie des nouvelles technologies
Chapitre 11
Quelques indications sur les systèmes dinformation
NB : ce texte sommaire n'épuise pas le sujet, auquel je
consacrerai prochainement un développement mieux construit.
Priorité des usages
Le rôle du système dinformation dans les entreprises est
en train de changer. La décentralisation de puissance et mémoire induite par la
dispersion des micro-ordinateurs les oriente vers de nouvelles architectures, ainsi que
vers un partage différent des responsabilités entre utilisateurs du système
dinformation et informaticiens. Un ensemble de techniques, regroupées sous le terme
de " nouvelles technologies ", modifie le champ du possible :
client-serveur, orienté objet, Intranet, Datawarehouse, Datamining, Workflow etc.
La définition habituelle du système dinformation
ressemble encore à ceci : " Le système dinformation est lensemble
des informations formalisables circulant dans lentreprise et caractérisées par des
liens de dépendance, ainsi que des procédures et des moyens nécessaires pour les
définir, les rechercher, les formaliser, les conserver, les distribuer".
Mais cette définition concerne lobjet, non sa
dynamique : elle nindique ni à quoi sert le système dinformation, ni
comment il est construit. Pour décrire cette dynamique, il faut distinguer les deux faces
du système dinformation : lune orientée vers les moyens (système
informatique), lautre vers les besoins et les usages, auxquels le
système dinformation donne une place de plus en plus prioritaire.
Les moyens de linformatique sont la puissance de
calcul (mesurée en MIP(1)), la mémoire (mesurée en octets),
l" intelligence " (logiciels), les réseaux (largeur de bande,
protocoles).
Loffre de machines et logiciels foisonne. Elle est
évolutive, la concurrence est féroce. Linformaticien doit connaître les produits
et les " passerelles " qui permettent de les faire communiquer. Il
faut être du métier pour interpréter les annonces des fournisseurs et choisir la
" solution " (combinaison de composants matériels et logiciels)
convenable en termes de rapport qualité/prix et de pérennité.
Le client de linformatique, ou " maître
douvrage ", cest la personne morale (entreprise, direction) qui
réalise des tâches opérationnelles ou prépare des décisions. Linformatique est
pour lui un outil. Il exprime ses besoins en formulant une demande; mais toute demande
résulte de la rencontre dun besoin et de la connaissance
dune offre.
Si quelquun veut se faire construire une maison, il faut
quun architecte laide à traduire son besoin en demande pertinente.
Sil sagit dun système dinformation,
l" architecte " sappelle " assistant à maître
douvrage (2)". Si seul le client est porteur légitime de son besoin,
lexpression de ce besoin nécessite laide dun spécialiste.
Architecture " client service "
Nous citons ci-dessous Evelyne Chartier (3) :
Aujourdhui 70% des Directions de linformatique sont
orientées " techniques et coûts ", en 2000, 70% seront orientées
" clients et business "...
En 2000, 85% des applications existantes auront été touchées par une
évolution liée à la technologie ou à des évolutions architecturales... 70% des
applications seront développées hors des directions informatiques
Le travail en groupe (workgroup) va devenir un modèle largement
répandu. Linformatique damélioration de la productivité ne disparaîtra
évidemment pas, mais elle sera encapsulée dans une informatique de valeur ajoutée.
Larchitecture du système dinformation est le modèle des
métiers de lentreprise....Il ne sagit plus seulement de structurer
linformation (modèle) en vue dun traitement informatique, mais aussi
détablir une cartographie de la réalité de lentreprise...Analyser avec
lucidité la vision externe du système dinformation tel quil est perçu par
le client, sintéresser aux services quil pourrait en attendre, sont des
préoccupations qui vont devenir vitales...Tous les moyens technologiques doivent être
utilisés pour valoriser au maximum les précieux instants de contact avec le client et
créer de lactivité commerciale...On passe de larchitecture client-serveur
vue par les informaticiens à larchitecture client-service vue par le business.
On va assister à lémergence dun marché de distribution
de composants logiciels sur létagère (catalogues de produits accessibles et
commercialisés via Internet).
Au lieu des applications fractionnées de linformatique de
production lourde, le système dinformation sera un maillage de serveurs internes et
externes et de services. Chaque utilisateur aura la vue qui correspond à son besoin du
moment, et en fonction de son activité.
Une organisation entièrement basée sur lutilisation des
nouvelles technologies va émerger avant cinq ans: cest le
" busyware ", ...qui recouvre un savant dosage de données,
transactions, documents, workgroup et workflow.
Processus
Le salarié d'hier était un ouvrier devant sa machine ; le
salarié d'aujourd'hui est un employé devant son micro-ordinateur. Les entreprises
sorganisent autour d'un système dinformation réparti sur des
micro-ordinateurs communiquant via le réseau. Le travail, devenu immatériel, se
résume à une manipulation de concepts et dinformations, les
" produits " de ce travail n'étant que les supports de ces
information (plans, rapports, notices etc.). Bien sûr des biens matériels sont
finalement produits, mais avec peu de travail physique.
Les NTIC bousculent la conception de la valeur. Elle réside non
dans les produits stockés ou immobilisés, mais dans leur conception. La part du capital
fixe dans l'actif de lentreprise décroît. Son actif essentiel est désormais d'une
part le stock des compétences, d'autre part son aptitude à en organiser la mise en
uvre (4). On peut distinguer dans ces compétences une gestion du stock (formation
et accumulation) et du flux (mise en uvre dans l'action).
Ce flux, c'est celui des processus qui concourent aux
décisions. Le bon décideur n'est pas celui qui s'attache à prendre en toutes
circonstances la meilleure décision (ambition surhumaine), mais celui qui prend soin de
mettre en place les processus minimisant le risque d'erreur. Lorganisation des
processus, cest le réseau de lentreprise (5). Lentreprise qui
sorganise pour parcourir efficacement ses processus devient
l" entreprise-réseau " dans laquelle une organisation
transverse permet aux personnes compétentes de coopérer sans perte de temps. Les
processus s'organisent en " workflows " reliant les expertises
concourant à la décision. Les " workflows " permettent de baliser
les circuits, maîtriser les délais, publier les avis et connaître l'état de la
procédure. Certains voient dans le " workflow " l'innovation la plus
importante dans le domaine des systèmes d'information (6). La hiérarchie intervient a
posteriori sur leur définition et leur évolution, et délègue la responsabilité
opérationnelle de leur mise en uvre.
Culture des usages
Cependant les NTIC ont quelques effets pervers :
- la mémoire de l'ordinateur, exhaustive, ne comporte pas le mécanisme d'oubli
sélectif qui facilite le travail de synthèse de lesprit humain. Tout garder en
mémoire, c'est ne rien comprendre.
- si les traitements de texte, tableurs etc. aident à traiter vite des problèmes
urgents, ils encouragent un activisme qui s'oppose à la maturation de la pensée et au
choix des priorités.
- la messagerie et surtout les forums supposent un savoir-vivre des utilisateurs,
(la " Netiquette "). Ils doivent prendre garde au ton de leurs
messages ; si ceux-ci sont écrits trop vite, ils seront jugés agressifs et les
relations entre collègues en pâtiront.
Une culture des usages doit accompagner la mise en uvre de
ces outils. On retrouve ici des préceptes classiques : il faut prendre le temps de
réfléchir, trier et élaguer l'information, prendre du recul pour maîtriser son
activité... Les règles dégagées par les humanistes de la Renaissance gardent toute
leur fraîcheur.
Souvent ces principes sont ignorés (7). Lutilisation des
NTIC retient rarement l'attention des responsables ; elle est laissée à l'initiative
d'équipes qui se livrent, dans la confusion, à d'épuisantes luttes pour des miettes de
pouvoir. Les directions informatiques ont dailleurs la nostalgie de l'époque où de
gros systèmes irriguaient des terminaux " bêtes ", et où il leur
était facile d'imposer leur langage à l'entreprise. Enfin, la bureautique reste marquée
par un esprit de bricolage incompatible avec toute ambition en matière de système
d'information.
Les entreprises ne tirent pas encore les conséquences du fait
que le micro-ordinateur communiquant devient le poste de travail de chacun. Elles confient
les tâches d'organisation à des cabinets qui vendent des méthodologies conservatrices,
et la bureautique à des techniciens mal payés.
Il en résulte que la mémoire de l'entreprise est négligée :
pas de gestion de la documentation ni des archives, donc pas daccumulation de
l'expérience technique ou commerciale ; les nouveaux doivent passer par un long
apprentissage. La documentation d'une équipe n'est pas utilisable par une autre, et sur
chaque site on ignore les produits fabriqués ailleurs : il est difficile de faire
travailler ensemble des entités distantes. Le partage des rôles entre partenaires d'un
consortium fait l'objet de négociations répétées parce que le texte du contrat est
difficilement accessible, etc.
Les personnes compétentes ne sont pas consultées lors de la
préparation des décisions. Le dossier va d'un bureau à l'autre, s'attarde dans une
pile. Les délais sont aléatoires. Il faut une longue recherche pour savoir où en est
une affaire et la débloquer.
Ces errements n'ont rien de nouveau. On a déjà vu cela dans
lusage des télécommunications :
- télécopieurs longtemps réservés aux secrétariats des
directeurs ;
- compléments du service téléphonique souvent ignorés (8) ;
- entreprises négligeant les économies quelles feraient
sur leurs réseaux multisites si elles observaient le trafic, optimisaient leur
architecture et choisissaient des PABX compatibles ;
- messageries souvent inutilisées ou débordant de messages
parasitaires ;
- câblages souvent inextricables, non documentés, redondants ;
- " méthodes " d'expérimentation
inadéquates (" nous avons essayé et ça ne marche pas "
signifie : " nous avons fait un essai rapide sans résultat
probant ", et non " nous avons fait une expérience en utilisant un
protocole tenant compte des effets taille et réseau, et le résultat est clairement
négatif " ;
- accueil téléphonique rébarbatif (9) ;
- etc.
Si les NTIC relèvent de techniques complexes, et si leur
conception a nécessité une réflexion d'excellent niveau, leur mise en uvre
réclame de la modestie, du bon sens, une énergie persévérante et du courage.
Transition vers les processus (10)
Les systèmes dinformation sorganisent désormais
autour des processus de lentreprise. Pour illustrer ce changement, nous décrirons
deux " modèles " nommés M1 et M2. Dans M1,
le système dinformation se construit autour des applications informatiques. Dans M2,
il se construit autour des processus des métiers. Le rôle de linformatique change
lors du passage de M1 à M2 (11) .
Modèle M1 : les applications
Une application, cest une suite de traitements appliqués
sur des données initiales (" input ") pour fournir un résultat
(" output "). Les données initiales sont soit
introduites dans lapplication par saisie ou comptage automatique, soit issues
dautres applications. Les traitements sont soit des additions permettant de mesurer
des agrégats à partir de données détaillées, soit des calculs plus spécifiques (12).
Le fondement dune application, tel que le définit Merise,
réside dans deux modèles : le modèle conceptuel de données comprend les définitions
sémantique (13) et technique (14) des données ; le modèle applicatif décrit les
traitements.
Nous allons décrire deux scénarios de mise en uvre du
modèle M1 : le premier, " rose ", montre comment les choses sont
censées se passer. Le second, " gris ", montre comment elles se
passent souvent.
Scénario " rose "
Lapplication limite la saisie au strict nécessaire,
automatise les traitements, et affiche sur lécran (ou imprime sur papier) les
résultats dont lutilisateur a besoin. La récupération des données issues
dautres applications sera automatique, seules les données nouvelles faisant
lobjet dune saisie manuelle.
Linformaticien, qui reçoit les demandes de divers
utilisateurs, construit son architecture de données et de traitements sous une double
contrainte de qualité (15) et déconomie. Il répartit ainsi les ressources
(mémoire, puissance de calcul, débit des liaisons télécoms) et définit des
applications intermédiaires. La cohérence des applications est alors réalisée au sein
du système informatique, cur du système dinformation.
La qualité de lécriture des programmes garantit
quil sera facile de les faire évoluer lorsque les besoins changeront.
Scénario " gris "
Lurgence, linsouciance, loptimisme, le
cloisonnement de lorganisation poussent à concevoir et développer les applications
au coup par coup, selon larrivée des demandes, sans que la relation avec les autres
applications soit maîtrisée ; des données de référence (16) sont redéfinies pour
chaque application ; les plates-formes techniques (machines, système dexploitation,
langage) sont choisies en fonction des ressources disponibles lors du développement ; les
interfaces présentées à lutilisateur sont hétéroclites (touches de fonction et
codages spécifiques à chaque application). La " gestion de
configuration " (documentation des versions successives dune application)
est laissée à la bonne volonté des chefs de lignes de produits, et certains la
négligent. Beaucoup dincidents restent inexpliqués.
Lentreprise, pour sa part, considère linformatique
comme un centre de coût, non comme un centre dinvestissement au service des
métiers. La pression budgétaire est exercée de façon mécanique et aveugle par une
" enveloppe informatique ". Une méfiance se crée entre les
informaticiens et lentreprise. Les engagements sur les coûts et délais ne sont
jamais tenus. Linformatique se divise en petites baronnies jalouses de leur
indépendance.
Modèle M2 : les processus
Le terme de " processus " désigne
lenchaînement des tâches réalisées pour remplir une fonction de
lentreprise. Ces tâches sont soit mentales (perception, jugement, décision) soit
physiques (imprimer un billet, le donner à un client, réaliser une opération de
maintenance), les tâches mentales préparant les tâches physiques (17). Le système
dinformation vise à assister lutilisateur dans la réalisation des tâches
mentales liées aux processus.
Formaliser un processus conduit à léquiper dun
" workflow ", cest-à-dire dune documentation explicite
des tâches et de leurs relations :
- préciser les interfaces nécessaires à chaque activité (on regroupe sur
le même écran les plages de consultation et de saisie nécessaires à une activité, ce
qui évite à lutilisateur la connexion à dautres applications, ainsi que la
navigation dans des codes et touches de fonction diverses),
- programmer les tables dadressage permettant de router
automatiquement les messages à lissue dune tâche (lorsque lutilisateur
tape sur la touche " valider " qui marque la fin de son travail, il
na pas à chercher à qui envoyer le résultat).
Le délai de réalisation dune tâche est surveillé par
un " timer " qui prévient lutilisateur en cas de dépassement,
ou qui reroute le message vers un autre utilisateur(18).
Exemple dinterface utilisateur (19)
Modéliser un processus, cest décrire la succession des
tâches qui concourent à une mission : ce que fait chaque acteur, les données quil
manipule, les traitements quil ordonne, les délais dans lesquels son travail doit
être exécuté, le routages de ses messages vers les autres acteurs, les compteurs qui
permettent au responsable du processus de contrôler la qualité.
La réalisation physique des tâches est décrite dans le
modèle, puisquil la documente, mais elle nécessite une action qui ne peut être
réalisée que par un être humain et échappe donc à lordinateur même si celui-ci
aide sa préparation. Le workflow relève de l " assisté par
ordinateur ", non de lautomatisation ; il aide lutilisateur
sans se substituer à lui, même sil automatise des tâches que lon
faisait auparavant à la main.
Représentation du processus
Un processus se décrit sous la forme dun graphe. Les
nuds représentent les tâches élémentaires (" activités "),
les arcs représentent les messages émis à la fin dune tâche, pour lancer les
tâches suivantes. Il est commode de donner à ce graphe la forme circulaire qui marque
que le processus est déclenché par un fait extérieur (réception dune
commande, dune lettre de réclamation, franchissement du délai de maintenance
dun équipement) auquel le processus répond par une action sur lextérieur
(livraison, lettre, opération de maintenance). Il convient de sassurer que cette
réponse a lieu dans un délai et sous une forme convenable : cest le contrôle
du bouclage du processus.
Il faut souvent introduire dautres compteurs (volume,
délai, valeur etc.). En effet, la formalisation du processus suscite une organisation
impliquant une délégation de responsabilité aux personnes qui réalisent les tâches.
Dès lors lintervention de lencadrement ne se fonde plus sur
lapprobation des actes un par un, mais sur un contrôle statistique a posteriori
et sur la diffusion de consignes nouvelles si des dysfonctionnements apparaissent ou si
lon veut faire évoluer le processus.
La réalisation dun processus suppose souvent des
sous-processus fournissant chacun des " livrables " intermédiaires
(exemple : expertise fournie lors de linstruction dune demande
dautorisation dinvestissement).
Le processus a une existence de facto, avant toute
description. Mais un processus qui na pas été pensé présente souvent des
défauts. Par exemple il ne boucle pas : la succession des tâches se poursuit sans
que lon vérifie quil a été répondu à chaque événement extérieur, et le
risque existe que le processus " se perde dans les sables "
(cest le cas lorsquune lettre de client passe de mains en mains, sans que
personne ne contrôle le délai de réponse : on finit par renoncer à lui répondre
lorsque le délai décent a été dépassé).
Organisation transverse
Les fonctions de la hiérarchie intermédiaire (transmission des
consignes vers le bas et des rapports vers le haut) sont remplacées par le workflow, ses
compteurs et lédition semi automatique des comptes rendus. Le nombre des niveaux
hiérarchiques est donc réduit, la communication entre " base " et
" sommet " devient plus facile. Par ailleurs, lapproche par les
processus est souvent " qualifiante ". La transparence, la diffusion
de linformation suppriment lopacité des procédures, la rétention de
linformation, les mille abus que ces pratiques permettent.
Processus et objets
Pour décrire une interface utilisateur, il suffit
dindiquer les données que celui-ci consulte, celles quil saisit, les
traitements quil lance, ainsi que lordre (éventuellement souple) dans lequel
il réalise ces opérations. Chaque utilisateur va consulter ou saisir quelques données,
déclencher un nombre limité de traitements : ceci conduit très naturellement vers la
programmation orientée objet.
Le langage UML (20), qui fédère les langages de modélisation
en matière dapproche objet, fournit les documents nécessaires pour décrire les
activités (" use cases " selon le vocabulaire de Jacobson), les
classes (" diagrammes de classes ") et la succession des opérations
(" diagrammes de séquences "). On construit ainsi le
" modèle complet " qui, établi par un maître douvrage et
communiqué au maître duvre informatique, indique à ce dernier ce qui doit
apparaître sur les écrans des utilisateurs, les actions que ceux-ci vont réaliser,
ainsi que les compteurs utilisés à des fins de contrôle.
Le modèle complet des processus est plus précis que les
spécifications qui étaient fournies à linformatique dans le modèle M1.
Il indique sans ambiguïté ce que lutilisateur veut faire, et aide à découper le
développement en petits modules, les classes, clairement reliées chacune à une
finalité pratique (cest pour cela que lon parle d" objets
métier ").
Lanalyse des activités fait apparaître que les mêmes
classes sont utiles à plusieurs acteurs ou que lon peut satisfaire les besoins de
plusieurs acteurs en construisant des classes dont la forme logique est identique ou
analogue (héritage, polymorphisme). Ces analogies font apparaître des êtres
sémantiques nouveaux concrétisant des concepts inédits. Les langages de développement
" orientés objet " exploitent ces possibilités qui allègent le
développement au bénéfice de la conception. Ils réduisent les coûts de maintenance et
facilitent lévolution du système dinformation.
Passage de
M1 à M2
Le passage de M1 à M2 suppose un
changement, tant pour le système dinformation que pour lorganisation.
La responsabilité du système dinformation passe de
linformatique, qui la détenait traditionnellement, aux métiers qui définissent
son contenu fonctionnel.
Linformatique cesse dêtre un centre de coûts et
devient centre dinvestissement au service des métiers. Lentreprise renonce à
la notion d " enveloppe informatique ".
Le soutien aux utilisateurs devient lactivité prioritaire
de linformatique, alors quil confine aujourdhui souvent au bizutage. Les
éléments essentiels du système dinformation sont les processus et les objets, non
plus les applications.
Ces changements de priorités auront des conséquences sur la
façon dont les informaticiens perçoivent leur rôle.
Transition de lorganisation
Lapproche par les processus fait passer lentreprise
du contrôle a priori (" le chef signe tout ") au contrôle a
posteriori (" on agit dabord, on fait le débriefing
ensuite "), de lopacité à la transparence (les retards deviennent
visibles, quil sagisse de la signature du décideur ou du travail de
lexécutant), de la rétention à la diffusion dinformation.
Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de cette
évolution. Ceux qui pratiquent la rétention dinformation, qui se protègent sous
lopacité des procédures, ne sont pas pour autant de mauvaises gens : ils se sont
adaptés à lentreprise et se protègent contre son comportement spontané. Passer
de M1 à M2 suppose une traversée du désert pendant laquelle ils
ne bénéficieront plus des protections que comporte M1 et nauront pas
encore atteint léquilibre que permet M2.
Lexhortation morale serait ici dérisoire : cet effort
nest raisonnable que si chacun comprend quil peut y gagner personnellement. La
communication, au sens médiatique du terme, est un épisode crucial de la migration. Il
faut susciter lespoir, éveiller lintuition, avant de chercher à régler les
problèmes techniques : ils se régleront souvent deux-mêmes (ou plutôt ils seront
réglés dans la foulée) si lespoir est présent.
Processus et système dinformation
Dans M1, la définition des applications reposait sur
l" expression de besoins ". Elle suppose une interprétation du
travail à faire par les utilisateurs, mais cette interprétation nest pas
nécessairement explicite et reste donc abstraite. Rien ne garantit quelle
permettra un bon contrôle du processus puisquelle nest pas construite pour
cette fin.
Si lon considère les processus, on ne part pas de la
question " quels sont les résultats quil me faut pour
travailler ", mais de la question " comment est-ce que je
travaille " : on découvre alors que tel processus ne boucle pas, ou nest
pas contrôlable, ou comporte une redondance (un même travail repris plusieurs fois), que
certains points sont fragiles (lorsquune décision dépend dun avis externe
dont le délai nest pas contrôlable). Structurer le processus rend visibles
certains phénomènes: un acteur doit répondre à un message dans un délai donné, ou
bien la décision lui échappera. Cen est fini des rétentions dinformation et
de signature qui constituaient autant de monnaies déchange.
Système
dinformation et système informatique
Le système dinformation est essentiellement sémantique
et fonctionnel ; il est défini par un " modèle complet ", qui
fait abstraction des moyens techniques. Le système informatique, par contre, organise ces
moyens ; il choisit les plates-formes, langages, interfaces, architectures (centralisée,
client serveur à deux ou trois niveaux), la localisation des traitements et mémoires,
les niveaux de conservation des données. Il repose sur une expertise attentive à la
diversité des outils du marché, aux innovations, à la pérennité des solutions. La
maîtrise douvrage doit se doter dune expertise spécifique, fonctionnelle,
garantissant la pertinence des demandes en regard des exigences du métier.
Dans M1, la frontière entre maîtrise douvrage
et maîtrise duvre était confuse : certes la première était responsable de
lexpression des besoins, et la seconde de la réalisation technique ; cependant la
solidarité des applications, et donc du système dinformation, se concrétisait au
sein de linformatique. La tentation était alors grande de confier à celle-ci
davantage quune mission de maîtrise duvre, et den faire le
concepteur du système dinformation se substituant aux utilisateurs pour définir
leurs besoins.
Dans M2, la séparation devient claire. A lun
la responsabilité du modèle complet, à lautre celle de la solution technique.
Cette répartition ninterdit pas le dialogue : la maîtrise douvrage peut
sintéresser aux solutions techniques, le maître duvre avoir des idées
sur ce qui est utile au plan fonctionnel. Cependant à ce dialogue succède la décision,
et alors chacun doit prendre ses responsabilités propres.
___________
(1) Millions
dinstructions par seconde
(2) voici quelques définitions utiles :
a) maître douvrage : cette expression désigne simplement
le client ;
b) le maître doeuvre coordonne les travaux concourant à
la fourniture de la solution ;
c) lassistant à maître douvrage, ou maître
douvrage délégué (en américain " business
technologist ", est une équipe qui met sa compétence au service de
lexpression des besoins. Il doit donc (a) " baigner " dans les
préoccupations du maître douvrage, et pour cela lui être rattaché, (b) être
respecté par le maître douvrage (un spécialiste travaille mal quand il se sent
méprisé).
(3) Evelyne Chartier " Le Re-engineering du système
dinformation de lentreprise " Economica 1996.
(4) la valeur de l'entreprise s'évade du capital fixe, mesurable
et rassurant, pour se nicher dans les actifs immatériels que les comptables refusent de
valoriser en raison du principe de prudence ; l'appareil statistique public, détaillé
dans l'agriculture et l'industrie, est lacunaire sur les services qui emploient la
majorité de la population active... les institutions de la mesure sont prises de court
par cette évolution.
(5) réseau logique et organisationnel, qui utilise le support
des réseaux physiques (télécommunications, informatique) mais sen distingue.
(6) Philippe Penny et Michel Volle "La téléinformatique
dans l'entreprise" La Recherche Juin 1993
(7) Michel Volle " Le cheval qui a tout
faux ", Télécoms magazine juin 1990
(8) savez-vous transférer un appel à partir de votre
poste ?
(9) l'accueil de votre entreprise est-il efficace ?
(10) Les grandes SSII, les consultants, les entreprises ont
perçu au début de 1997 que les outils nécessaires à une nouvelle approche étaient
arrivés à maturité (workflow, langage UML de modélisation orientée objet, langages de
programmation orientés-objet etc.). Ils ont également perçu que la mise en uvre
simultanée de ces outils impliquait un changement de rôle de linformatique.
(11) Nicholas Negroponte " Being Digital "
Alfred A. Knopf 1995
(12) si les données élémentaires sont les coordonnées des
sommets dun polygone, il faut un calcul pour évaluer la surface de ce polygone ; et
la surface de plusieurs polygones peut être additionnée (agrégée), par exemple pour
calculer la superficie dune propriété.
(13) définition, type de donnée (quantitative, qualitative,
ordinale, cardinale etc.), champ dobservation, grain de détail, périodicité de
lobservation, etc.
(14) format, méthode destimation des données manquantes,
délai de mise à jour, conditions de la consultation (temps réel, temps différé),
droits daccès, etc.
(15) fiabilité (absence de pannes), délai de la mise à jour,
rapidité de la réponse.
(16) données partagées par plusieurs applications, et qui
devraient donc être répliquées dans ces applications à partir dun lieu de
stockage et de mise à jour unique : nomenclatures, taux de change etc.
(17) ainsi dans la conduite dune voiture la perception (je
vois le feu rouge), le jugement (il faut marrêter), la décision (je veux
marrêter) préparent laction (je freine) et son résultat (la voiture
sarrête).
(18) Voici une règle de reroutage typique : si X na pas
traité le message dans le délai voulu, router vers Y (collaborateur de X). Si chez Y le
délai est de nouveau dépassé, router vers Z (supérieur de X). Ce type de règle permet
dassurer un traitement rapide des dossiers ...
(19) A gauche une colonne de boutons dappels de services
(en haut services contextuels, en bas services génériques). A droite des indications
relatives à lactivité, avec des plages de consultation et de saisie.
(20) " Unified Modelling Language " ;
cf. "UML distilled", par Martin Fowler, Addison-Wesley 1997
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