Le métier de statisticien
CHAPITRE IX
L'évolution des découpages
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Les modifications les plus importantes du domaine des
observations statistiques sont survenues depuis la Seconde Guerre mondiale, car le
développement massif de l'appareil statistique s'est fait durant cette période ; et on
comprend que ce développement quantitatif ait été accompagné d'un bouleversement du
champ d'observation lui-même. Nous n'avons donc pas fait remonter très loin dans le
passé la description de cette évolution, car elle est pour l'essentiel proche de nous.
L'histoire des découpages, par contre, nous conduit à
considérer des époques plus anciennes ; en effet, alors même qu'aucune statistique
organisée et systématique n'existait, il fallait bien disposer de nomenclatures pour
classer les résultats des quelques enquêtes qui étaient réalisées. L'examen de ces
nomenclatures permet, mieux peut-être que d'autres approches, de comprendre la façon
dont une société se définissait et se regardait elle-même, et aussi de constater les
retards avec lesquels les questions nouvelles ont pu être perçues.
Nous pouvons ainsi approfondir et préciser le propos du chapitre précédent.
Nous nous limiterons à l'histoire de deux découpages, les seuls qui à notre
connaissance aient fait l'objet de recherches approfondies : les activités industrielles
(1) et les classes sociales (2).
Le découpage des activités industrielles
On peut définir une activité industrielle ainsi : à partir
d'un certain input (matières premières, demi-produits) et en usant d'une certaine
technique, elle procure un certain output (produit). Exemple : en partant de planches et
de clous, et à l'aide de la technique des coups de marteau, on produit des caisses.
Ainsi, une activité est logiquement un triplet (input, technique, output) ; lorsqu'il
s'agit de découper l'industrie - c'est-à-dire de limiter, dans la continuité et la
complexité de l'activité industrielle concrète, des sous-ensembles peu nombreux, aux
contours nets, susceptibles d'être utilisés dans un raisonnement -, on a d'abord le
choix de la liste des " activités élémentaires ", les postes les plus fins de
la nomenclature. Ces postes sont comme le " grain " d'une photographie : ils
déterminent l'ultime degré de détail auquel le raisonnement peut s'appliquer. Leur
choix ne peut que résulter de considérations d'utilité et de possibilité, prenant en
compte à la fois les difficultés de l'observation (d'autant plus grandes, en général,
que le détail est plus fin) et les besoins du raisonnement : ces difficultés et ces
besoins varient évidemment selon les époques.
Mais, en outre, les activités élémentaires sont des atomes
avec lesquels il est possible de composer, par regroupement, des ensembles plus vastes.
Toute nomenclature, nous l'avons vu, peut être présentée comme une suite de partitions
du domaine d'étude emboîtées les unes dans les autres. Le nombre des regroupements
formellement possibles à partir d'une liste élémentaire donnée est très élevé ;
selon les objectif visés, on considérera que tel regroupement " est naturel "
ou au contraire qu'il " n'a aucun sens (3) " : mais qu'est-ce qui est naturel,
qu'est-ce qui a un sens ? Lorsqu'on lit les textes des anciens statisticiens, on constate
qu'ils ont tranché cette question avec beaucoup de simplicité, comme poussés par une
évidence qui, en même temps qu'elle éclairait leur choix, les aveuglait sur les raisons
des choix de leurs prédécesseurs. Pour réaliser leurs regroupements, ils ont mis en
uvre des critères selon lesquels ils ont apprécié que telle activité était
proche ou éloignée d'une autre. Comme l'activité élémentaire se définit par trois
termes - inputs, techniques, outputs - on voit immédiatement se dégager trois grand
types de critères possibles : on classera les activités selon les inputs, selon les
techniques, ou selon les outputs. Dans l'histoire, ces trois critères ont été utilisés
: ils ont aussi été parfois combinés - c'est ainsi que procède la nomenclature
actuelle. L'examen des critères, et de la façon dont ils ont été mis en uvre, va
nous révéler ce que les statisticiens de l'époque considéraient comme naturel et
évident, et nous faire entrer en quelque sorte dans l'intimité de démarches parfois
oubliées.
La première nomenclature de l'industrie est due à Tolosan,
intendant général du commerce, et date de 1788. Elle sera utilisée jusqu'en 1847 et,
notamment, Chaptal s'en servira avec de légères modifications lorsqu'il publiera en 1812
une estimation de l'industrie de la France à partir des statistiques impériales. Cette
nomenclature n'est donc pas le produit d'une fantaisie individuelle, mais un instrument de
travail qui a longtemps été tenu pour le meilleur possible. Elle donne un découpage de
l'industrie éloigné de nos propres représentations : l'industrie est divisée en trois
grandes rubriques relatives à l'origine des matières premières employées :
" produits minéraux ", " produits végétaux ", " produits
animaux (4) ".
L'influence des physiocrates est sensible dans cette
classification l'accent est mis davantage sur la nature et sa " fécondité "
que sur l'activité humaine qui la fait " fructifier ". La représentation
s'opère dans le cadre d'une idéologie des " ressources naturelles ".
L'application du critère conduit à des résultats qui peuvent nous paraître étranges :
" l'industrie textile ", industrie principale à cette époque, ne peut pas
exister dans une telle représentation, puisqu'elle est éclatée entre les produits
végétaux (chanvre, lin, coton) et animaux (soie, laine).
La nomenclature de Tolosan sera utilisée notamment pour
présenter les résultats du recensement industriel de 1833. Cependant l'examen de ces
résultats fait apparaître, malgré la similitude des regroupements utilisés, une
profonde différence dans le regard porté sur l'industrie. Il n'apparaît pas que les
responsables de ce recensement aient accordé beaucoup d'importance à des totalisations
qui ne semblent mentionnées que pour mémoire : ils ne se sont pas souciés d'éviter ou
de signaler les doubles comptes dans l'addition des ventes, et les comparaisons avec les
recensements antérieurs sont faites sans sérieux. Par contre, ils publient de
véritables monographies : les résultats sont fournis pour chaque établissement pris
individuellement ; il n'est à aucun moment question de secret (5). L'industrie est alors
conquérante ; la concurrence entre industriels n'est pas très vive, et l'Etat se
contente d'impôts indirects. On n'a pas à cacher ses bénéfices, on est au contraire
fier d'en faire et de le montrer. Tout le problème est d'utiliser le personnel et le
matériel de façon à progresser le plus possible : la nouveauté, l'inconnu, ce sont les
performances que permet cette industrie toute nouvelle, qui étend son domaine en
écrasant l'artisanat. On s'intéresse bien davantage aux performances qu'aux moyennes :
on n'a pas vraiment besoin d'agrégats.
La nomenclature utilisée lors du recensement de 1861 est en
rupture complète avec celle de Tolosan. Elle opère des regroupements dits "
naturels " (ce terme vient toujours sous la plume de ceux qui ont construit une
nomenclature) fondés surtout sur la destination des produits : le critère est donc ici
du type output (6). Ce changement s'explique : la lutte extrêmement vive entre
libre-échangistes et protectionnistes a, depuis 1840, amené les industries à se
regrouper pour défendre leurs intérêts ; elle a habitué les esprits à raisonner par
famille de produits, car c'est en termes de produits que se posent les problèmes de
commerce extérieur. Les premiers regroupements patronaux sont nés à cette époque et
sur cette base (7).
Le souci d'apprécier les performances subsiste : la publication
fournit des renseignements par industrie au niveau de chaque arrondissement. Mais la
définition des industries elles-mêmes a changé, en raison de l'évolution des
préoccupations de politique économique. L'examen détaillé de la nomenclature nous
révèle un monde industriel très différent du nôtre : si la liste des postes agrégés
ne nous dépayse pas trop, il n'en est plus de même lorsqu'on examine leur contenu. Ne
résistons pas au plaisir d'une brève incursion dans le détail : le poste "
Eclairage " : usines à gaz, chandelles, bougies, cierges, ne correspond plus à rien
de nos jours. Le poste " Ameublement " : glaces, tapisseries, tapis et
moquettes, papiers peints, toiles cirées, chaises, n'a rien de commun - en dehors des
chaises avec ce que nous mettons aujourd'hui sous le mot " ameublement " : la
production de " meubles meublants " (meubles de salles à manger, chambres à
coucher, etc.) relevait alors de l'artisanat. Le poste " Habillement et toilette
" ne comprend que des produits que nous classerions aujourd'hui en dehors de
l'habillement : sabots, chaussons, chaussures, chapeaux, casquettes, parapluies, gants,
peignes et brosses, parfumerie. Les postes " Sciences, lettres et arts " et
" Luxe et plaisir " contiennent un assemblage qui nous semble hétéroclite :
papeterie, lunetterie et horlogerie pour le premier ; bijouterie, cartes à jouer, etc.,
pour le second. On voit ici pourquoi l'utilisation des résultats présentés selon les
nomenclatures anciennes pose des problèmes de traduction qu'il est impossible de
résoudre avec une parfaite rigueur.
Après le recensement de 1861, et jusqu'à 1940, il n'y a plus
de statistique industrielle en raison de la méfiance envers l'Etat qui s'est développée
chez les industriels et des conceptions libérales qui se sont répandues chez les
fonctionnaires. L'information sur l'industrie est obtenue par voie indirecte, grâce à
l'exploitation des recensements de population. Une nouvelle nomenclature est mise au point
par Lucien March ; elle servira pour la première fois lors de l'exploitation du
recensement de population de 18968. L'auteur de la nomenclature décrit clairement sa
démarche : on voit apparaître pour la première fois le " critère d'association
" (construire les agrégats de telle sorte que l'on trouve classées ensemble des
activités fréquemment associées au sein des entreprises). Mais March le résorbe dans
le critère technique : selon lui, " c'est l'analogie des procédés industriels qui
détermine généralement l'association de plusieurs individus dans un même
établissement ". Ainsi, en un siècle, chacun des trois termes du triplet "
input - technique - output " aura servi pour définir un critère d'agrégation. En
1896, l'économie française sort d'une longue dépression qui a débuté en 1870 ; elle
commence une phase de croissance qui durera jusqu'en 19309. La mise en avant du critère
" technique " correspond à la priorité accordée au problème de
l'investissement, et particulièrement au choix des équipements.
La nomenclature de March, ou d'autres qui en dérivent, est
utilisée jusqu'à la guerre de 1940. On commence en 1942 la mise au point d'une nouvelle
nomenclature, et les travaux aboutissent en 1949 à la Nomenclature des activités
économiques (N.A.E.) qui sera remplacée en 1973 par une Nomenclature d'activités et de
produits (N.A.P.) confectionnée dans le même esprit que la N.A.E.
La N.A.E. est construite à l'aide du critère d'association,
sans que celui-ci ne soit d'ailleurs explicite : on ne trouve sa première formulation que
bien plus tard, dans un texte de 1962 : " L'identité des groupements d'activités
définissant les rubriques d'une nomenclature d'industries avec les groupements
d'activités les plus fréquents dans les entreprises ou les établissements industriels
peut être posée comme une condition nécessaire à l'élaboration d'une nomenclature
d'industrie (10). "
Le critère d'association fait de la nomenclature un reflet des
structures industrielles existantes : il la relie donc clairement à l'histoire. Il
conduit à retrouver - mais sous forme subordonnée - les trois critères input,
technique, output : lorsqu'une matière première est rare, ou dépend de circuits
d'approvisionnement dont la maîtrise est stratégique pour les firmes, les activités
comportant l'usage de cette matière première se trouvent associées dans les mêmes
entreprises, et l'on trouvera donc un agrégat défini par l'utilisation d'un input :
" industrie du caoutchouc " ; lorsqu'une technique nécessite des
investissements ou un personnel très spécialisés, les industriels auront tendance à
l'utiliser pour fabriquer toute une gamme de produits, et la nomenclature regroupera
toutes ces activités sous une rubrique technique : " transformation des matières
plastiques "; enfin, lors que le point stratégique se trouve dans la maîtrise du
marché d'un produit, les entreprises utiliseront pour fabriquer celui-ci les techniques
et les matières les plus variées, et le critère d'association dégagera un agrégat
dont l'unité est définie par le produit : " jeux et jouets ". La nomenclature
ainsi construite pouvait paraître, à ceux qui raisonnaient volontiers selon un des trois
critères à l'exclusion des deux autres, comme une monstruosité : et il est vrai que son
mode de construction lui donne un caractère organique complexe. On comprend pourquoi les
auteurs de cette nomenclature ne sont parvenus que lentement à une définition claire de
leur critère, et ont longtemps travaillé en se fiant à leur " bon sens " et
à leur intuition. Mais ce " bon sens " était lui-même guidé par des
questions et préoccupations qui étaient et sont d'ailleurs encore " dans l'air
", et qu'ils respiraient sans même s'en rendre compte ; de sorte que leur démarche
n'est " naturelle " que par référence à la situation historique. Elle opère,
d'une façon instinctive certes mais très intelligente, la synthèse entre une situation
de fait et les besoins de la réflexion théorique.
La situation de fait, c'est l'exécution des enquêtes
statistiques par les organismes patronaux (comités d'organisation sous l'Occupation, puis
syndicats professionnels après guerre). Or les C.O. ont été construits comme des sortes
de cartels d'entreprises", et ils tendent donc à délimiter leurs champs de
compétence selon une application implicite du critère d'association : celui-ci permet en
effet de définir, par regroupement des activités élémentaires, des branches
d'activités qui découpent les entreprises le moins possible.
Les besoins de la réflexion théorique sont liés à la
différence entre " branche " et " secteur " que nous avons évoquée
au chapitre précédent. L'analyse des techniques employées dans l'industrie, ainsi que
celle de la production et des consommations intermédiaires, s'inscrit naturellement dans
le cadre des branches qui découpent les entreprises selon leurs diverses activités. Ce
cadre facilitait en outre la concertation avec les organisations patronales ; il a été
spontanément utilisé par les organismes de planification. Par contre l'analyse des
décisions de financement, d'investissement, de concentration, etc., devait se faire en
utilisant les secteurs, qui regroupent des entreprises entières. On peut dire qu'il y
avait contradiction entre d'une part les structures de la collecte d'information et
certains outils d'analyse économique comme les tableaux de Léontief, définis en termes
de branche, et d'autre part une approche visant à identifier les centres de décisions,
qui nécessite un découpage par secteur. Or l'usage du critère d'association permet, en
minimisant la différence statistique entre branche et secteur, de concilier autant que
possible les deux approches.
Ainsi la politique économique d'inspiration keynésienne
s'était dotée -par des médiations certes complexes, et sans que les personnes qui
intervenaient en aient une conscience très claire - des découpages de l'industrie qui
pouvaient lui convenir le mieux. Leur mise au point a été lente, en raison de la
difficulté qu'il y avait à percevoir et formuler clairement des principes nouveaux.
S'il s'avérait que, comme certains le prétendent, l'ère de la
politique keynésienne est révolue, nous verrions peut-être apparaître un jour un
nouveau découpage de l'industrie, produit une fois encore au nom du naturel et du bon
sens, mais adapté à la nouvelle politique économique. Il sera intéressant de voir si
les statisticiens s'en tiendront au critère d'association, ou reviendront à l'un des
trois critères anciens, ou imagineront quelque nouveau critère : mais nous risquons
d'attendre longtemps, car les mouvements des nomenclatures sont très lents -comme ceux de
l'histoire.
Le découpage des classes sociales
Comme l'a remarqué Ernest Labrousse (12), les hiérarchies
sociales se sont toujours fondées sur la naissance, la richesse et la fonction, avec bien
sûr des différences dans le jeu de ces trois facteurs. L'Ancien Régime a donné plus de
poids à la naissance qui, à de rares exceptions près, déterminait la place de
l'individu dans une société cloisonnée en castes héréditaires ; le système bourgeois
du XIXe siècle a davantage souligné les différences provenant de la fortune ; enfin,
les classifications actuelles donnent la priorité aux différences entre les fonctions,
différences que l'on relie à la hiérarchie de la compétence, du savoir attesté par un
diplôme ou garanti par une formation. Ainsi, en deux siècles, se sont succédées trois
approches différentes de la réalité sociale, dont chacune se réfère à une conception
particulière des fondements de l'autorité légitime. Il appartient aux historiens et aux
sociologues de montrer comment ces changements dans les critères ont pu cacher la
permanence des structures : dès lors que la fortune est héréditaire, la bourgeoisie
tend à former une caste à l'instar de la noblesse de l'Ancien Régime - même si les
frontières de cette nouvelle caste, définies autrement, fonctionnent autrement. De
même, dès lors que l'accès aux compétences qui légitiment l'exercice du pouvoir est
rendu plus facile à ceux que la naissance ou la fortune favorisent, les classes que l'on
établit selon les degrés du savoir perpétuent les anciens découpages plus qu'elles ne
les contredisent.
Considérées sous leur aspect purement formel, les
nomenclatures de classes sociales sont donc d'une interprétation délicate ; il semble
que, quel que soit le critère dont elles usent explicitement, celui-ci renvoie à
plusieurs jeux de significations entremêlées. Cette impression se confirme quand on
regarde les diverses fins en vue desquelles ont été construites ces classifications :
organiser la formation professionnelle ; délimiter statuts et carrières ; définir des
catégories fiscales ; répartir la main d'uvre pour la production, etc. Sans doute
beaucoup de nomenclatures n'ont eu, pour objet explicite, que dé décrire la
société : mais pour décrire, il faut bien se placer en un point de vue, se référer
d'une façon consciente ou non à une norme, elle-même liée à quelque projet. C'est
bien souvent lorsqu'on a prétendu " seulement décrire ", lorsque les normes et
les projets sont restés implicites, que ceux-ci ont exercé l'autorité la plus absolue
sur la description en fixant et figeant le point de vue d'où elle pouvait se faire.
En outre, dès que l'usage d'une nomenclature des classes
sociales devient lui-même un tant soit peu social, les catégories qu'elle découpe
deviennent des enjeux dans les luttes autour du statut social ; de telle sorte que des
classifications considérées par leurs auteurs comme des tentatives provisoires et
révisables se mettent à exister socialement (que l'on pense à la notion de " cadre
", d'origine récente), à définir des enjeux, à délimiter des conflits. Le ciment
dont elles sont faites, encore fluide dans les mains de leur constructeur, s'est
solidifié très vite : on ne peut plus rien y changer, sans risquer de casser ce à quoi
elles tiennent.
Il y a eu bien sûr des nomenclatures de catégories sociales,
en France, bien avant que les statisticiens n'entreprennent d'en confectionner. On peut
être assuré que sous l'Ancien Régime, société dans laquelle les droits de chacun
dépendaient expressément de son origine sociale, les différences de classe devaient
être ressenties dans leurs moindres nuances. Tocqueville dit les ridicules auxquels
pouvaient conduire le souci de se distinguer et le sens des préséances, notamment au
sein des corporations et des institutions urbaines (13). Saint-Simon montre que ce travers
existait aussi dans l'aristocratie.
Mais il y a une différence de nature entre des classifications
usuelles, souvent très subtiles mais rarement cohérentes et systématiques, et les
classifications à l'aide desquelles le statisticien entend découper l'ensemble du
corps social, en. acceptant au besoin que le grain de son découpage soit moins fin. C'est
à ces dernières classifications que nous allons nous intéresser.
Lorsqu'on considère dans son ensemble l'évolution des
nomenclatures de classes sociales en France, on est frappé par une ressemblance
-nullement prévisible - avec l'évolution des nomenclatures d'activités industrielles.
La première tentative notable est inspirée par les physiocrates ; la dernière grande
réalisation date de l'immédiat après-guerre, et relève d'une démarche qui comporte de
frappantes analogies avec celle du critère d'association. Cependant, s'il y a
ressemblance au point de départ comme au point d'arrivée, l'itinéraire entre les deux
n'est guère comparable : alors qu'il nous a été possible de relier l'évolution des
nomenclatures d'activité à celle de l'économie, nous n'avons pas trouvé, en ce qui
concerne les classes sociales, de principe d'explication aussi clair et aussi unificateur.
La première nomenclature des classes sociales est due au
physiocrate N. Baudeau et date de 1767 (14). En dehors de la classe dirigeante
(administrative, noble ou propriétaire, qui émane du souverain), il définit une "
classe productive " et une " classe stérile " conformément aux idées des
physiocrates.
L'accent principal est donc mis, ici encore, sur la fécondité
de la nature considérée comme seule productive. On notera l'ordre des rubriques au sein
de la "classe stérile " : on va de la production des produits de base à leur
commercialisation en passant par toutes les étapes intermédiaires.
Plusieurs autres nomenclatures sont produites par la suite ; A.
Desrosières cite celles de Moheau (1778), Lavoisier (1791), Moreau de Jonnès (1831).
Elles sont parfois difficiles à interpréter, et par exemple la " nomenclature
" de Moheau contient une liste hétéroclite de classes et de critères qui se
chevauchent (15) : texte vraiment étrange, qui ne mérite certainement pas le nom de
nomenclature. Ces confusions, ce désordre se comprennent : comme l'ordre ancien des
classes se dissout, il faut attendre que l'ordre nouveau soit bien installé pour que l'on
puisse repérer et nommer les classes qu'il comporte.
Les recensements de 1851 à 1891 ont une visée sociologique, à
laquelle se mêlent des préoccupations économiques : on cherche autant ou même
davantage à caractériser la branche d'activité dans laquelle travaille un individu que
la situation sociale de celui-ci. La tâche est J'ailleurs difficile : l'économie
comporte alors en France - comme dans beaucoup de pays pauvres aujourd'hui - un secteur
industriel naissant, voisinant avec de très petites unités artisanales. Il n'est pas
possible de plaquer sur ce mélange un système conceptuel unique'.
La présentation des résultats des recensements se fait donc
dans des tableaux construits selon un procédé qui paraît aujourd'hui bien compliqué
(16), et qui combine des classifications diverses.
A partir du recensement de 1906, l'exploitation tend à devenir
de plus en plus clairement une répartition des personnes par branche d'activité,
elle-même croisée avec le sexe et avec cette grille " sociale " très simple :
- personnel des établissements : chefs, employés, ouvriers
- employés et ouvriers sans emploi
- isolés.
Ainsi, alors que la structure sociale subit de profondes
modifications au XIXe siècle et au début du XXe, on ne trouve pas, dans les travaux des
statisticiens, trace d'un effort de réflexion approfondi sur ce thème, qui apparaît
comme secondaire par rapport à la connaissance de la répartition de la population par
branche d'activité. Il n'est nullement contradictoire que ce désintérêt relatif
voisine avec une grande curiosité envers les conditions de vie et de reproduction des
" classes laborieuses " : en concentrant les études sur une fraction précise
de la société, on l'isole du reste et on s'interdit une approche globale des classes.
A. Desrosières a d'ailleurs remarqué que, sauf exception (17),
la sociologie française dans ses débuts n'a pas accordé une grande attention aux
différences entre classes, préférant considérer les phénomènes sociaux comme
manifestation d'un tout social. Nous ne hasarderons pas d'hypothèses pour expliquer ce
fait ; en tout cas, des travaux de sociologie empirique, dans lesquels apparaissent des
notions nouvelles comme celle de " cadre ", sont publiées dans la littérature
anglo-saxonne entre les deux guerres alors que ce genre reste absent des productions
françaises.
Des travaux comme ceux d'A. Daumard, réalisés à l'occasion
d'études rétrospectives - et donc bien sûr sujets à des anachronismes volontaires ou
involontaires - permettent de repérer des glissements dans le contenu des classes. Les
" fonctionnaires " du XIXe Siècle correspondent à ce que nous désignons par
" hauts fonctionnaires ", catégories plus restreinte que nos " cadres
supérieurs de la fonction publique " puisqu'elle inclut les professeurs de faculté
mais non les professeurs des lycées et collèges assimilés à des employés. Les "
professions libérales ", caractérisées par un " travail hautement qualifié
exigeant des compétences intellectuelles ", incluent alors de nombreux salariés, en
particulier au service de l'Etat : la restriction des professions libérales au statut non
salarié remonte à la deuxième guerre mondiale. Les divers degrés de la richesse
bourgeoise font l'objet d'une classification très fine (18). Par contre, on ne trouve pas
trace dans cet univers des distinctions auxquelles la vie dans les entreprises nous a
habitués : s'il est déjà question d'ouvriers et d'employés (le contenu de ces mots
étant d'ailleurs différent de celui que nous lui donnons), on ne connaît pas les termes
de " technicien ", ni " agent de maîtrise ", ni " cadre ".
Ces dernières notions ont été introduites par les "
classifications Parodi " de 1945 qui définissent, branche par branche, les
catégories de salariés. Il s'agit de classifications réglementaires, publiées par
décret. On peut y voir l'aboutissement des discussions qui, en 1936, avaient accompagné
la rédaction des conventions collectives ; mais on peut aussi les considérer comme le
point de départ d'une nouvelle perception de la société, car ces catégories - et les
critères qui les déterminent -sont très rapidement passées dans le vocabulaire courant
; elles ont défini le langage dans lequel des aspirations se sont exprimées, des luttes
se sont déroulées. La catégorie des " cadres ", inexistante en France
jusqu'avant la guerre de 1940, surgit littéralement avec ces classifications. Elle est
définie, d'une façon remarquablement ambiguë, par référence à la formation reçue et
à la fonction exercée. Les cadres sont " les ingénieurs ou anciens élèves
d'écoles assimilées à l'enseignement supérieur. Par assimilation, les personnels qui
occupent des postes comparables reçoivent aussi la qualification de cadre ".
L'illogisme de cette définition (qu'est-ce qu'occuper un poste comparable à un diplôme
ou à une formation ?) révèle un malaise : le critère principal que l'on veut utiliser
est bien la formation, mais il est évident que, dans les entreprises, des fonctions
d'autorité ou d'expertise sont souvent exercées par des personnes formées " sur le
tas " et non dans les écoles ; on pratique donc une cote mal taillée. Cette
définition du cadre deviendra d'ailleurs encore plus paradoxale lorsque après
l'explosion scolaire des années 50 et 60 l'écart entre le diplôme possédé et l'emploi
exercé sera devenu fréquent.
Les mêmes classifications contiennent une description plus
détaillée des catégories ouvrières : manuvre ordinaire, manuvre gros
travaux et manuvre spécialisé, ouvrier spécialisé, ouvrier qualifié, ouvrier
hautement qualifié. Là aussi, le critère permettant de distinguer les catégories est
celui de la durée de formation nécessaire pour occuper un emploi.
Ainsi, le niveau de la formation (mesuré souvent par la durée
ce celle-ci) joue un rôle décisif dans l'organisation des classifications Parodi. Elles
se situent à l'intersection de plusieurs préoccupations : organiser la formation et,
pour cela, disposer de catégories qui permettent de bien percevoir les besoins de
l'économie ; définir les statuts professionnels dans un souci d'efficacité et de
justice, c'est-à-dire de telle sorte que chacun soit employé et traité selon ses
capacités ; mais aussi - et cela reste implicite - renforcer la légitimité du pouvoir
issu de la compétence ou plutôt de la formation et du diplôme : en hiérarchisant les
catégories selon ce critère, on tend à lui donner un caractère indiscutable,
c'est-à-dire sacré. A cet égard, la nouvelle échelle des catégories n'est ni plus ni
moins rationnelle que celle du XIXe siècle ; au XIXe siècle, le sacré est investi dans
la propriété et la fortune, là il est investi dans la formation reçue et la
qualification que celle-ci est supposée conférer. Notre propos n'est pas d'entrer dans
le débat sur le caractère plus ou moins " juste " de ces deux approches.
Le contexte historique et économique de l'après-guerre
explique sans doute que l'on ait pu et dû, alors, opérer le bouleversement des normes
sociales que les classifications Parodi ont à la fois sanctionné et concrétisé. Les
statisticiens participaient à ce mouvement. Ils s'efforcèrent de produire une
classification sociale conforme à la fois aux exigences de leur technique et aux normes
de cette société en cours d'émergence : ce sera le " code des catégories
socio-professionnelles " (C.S.P.), dont la première édition date de 195119. Alain
Desrosières a décrit dans le détail ce travail et sa démarche singulièrement complexe
-à la fois empirique, intuitive et normative, les normes étant d'ailleurs perçues par
l'intuition et mises en uvre longtemps avant d'être comprises et exprimées. Nous
ne suivrons pas les méandres de cette élaboration et présenterons simplement le schéma
logique qui en est résulté.
La règle qui sert à composer les catégories est la suivante :
" Les personnes appartenant à une même catégorie sont présumées : être
susceptibles d'entretenir des relations entre elles, avoir souvent des comportements ou
opinions analogues, se considérer elles-mêmes et être considérées par les autres
comme appartenant à une même catégorie. " Ainsi - comme pour le critère
d'association - la construction de la nomenclature peut être fondée sur l'observation
d'une situation de fait. On pourrait imaginer une vaste opération d'enquête, observant
les ressemblances et dissemblances entre positions sociales très fines, ainsi que les
relations d'appartenance ou d'exclusion ressenties, puis un traitement statistique
dégageant automatiquement des classes qui regrouperaient ces positions... mais cette
méthode ne correspondait pas aux moyens de l'époque. En fait, une fois sa règle de
conduite fixée, l'auteur de la nomenclature des C.S.P. l'utilisa non pour traiter une
information recueillie systématiquement, mais pour opérer la synthèse de ses propres
connaissances et guider son intuition. Lorsqu'on lui demanda, par exemple, pourquoi il
avait classé les contremaîtres avec les ouvriers - et non avec les cadres -, Porte
répondit : " Les contremaîtres, ce sont des gens qui ont de gros bras et qui
sifflent. "
Par ailleurs, Porte a construit le code des C.S.P. de telle
sorte qu'il soit, parmi toutes les classifications professionnelles, " celle qui
donne les corrélations les plus fortes avec les caractéristiques les plus diverses des
personnes classées (20) ". Cette classification est donc conçue comme une sorte de
plaque tournante, de point central à partir duquel on peut observer dans une grande
variété de directions. Sans doute on pourrait trouver, pour chaque domaine d'étude, une
partition plus appropriée : pour la pratique économique on classerait par tranche de
revenus, pour la pratique culturelle par type d'éducation reçue, pour la pratique
politique selon l'attitude religieuse, etc. Mais le code des C.S.P. vise à fournir un
langage commun qui, sans être le plus performant sans doute dans chaque domaine, permet
en tout cas de les aborder tous conjointement.
Fait remarquable : en définissant ces catégories, Porte ne
s'est référé à aucun moment aux classifications Parodi dont il ignorait même
l'existence. Or il apparaît clairement que le code des C.S.P. est profondément
influencé par ces classifications. En fait, les classifications Parodi étaient très
rapidement passées, en raison même de leur rôle réglementaire, dans le vocabulaire,
dans la vie et dans la tête d'une bonne partie de la population ; et lorsque Porte
construisit ses catégories -avec sa démarche organiquement logique et empirique à la
fois -, il retrouva dans le réel la marque d'une classification préexistante qu'il
ignorait. Ici se referme peut-être un piège : dans quelle mesure l'empirisme même de sa
démarche n'a-t-il pas conduit Porte à prendre pour du réel ce qui n'était que du
conventionnel, mais généralement accepté ? Mais aussi : qu'aurait-il pu faire d'autre ?
Quant à nous, nous pouvons nous demander si l'usage persistant
des classifications Parodi et du code des C.S.P., produits dans et pour une société dont
les problèmes étaient très différents des nôtres, ne confère pas une pérennité
excessive à des points de vue qui empêchent de voir ou de décrire des obstacles que
nous rencontrons. La production d'une classification est reliée à une situation
historique et à une problématique données : il est à certains égards dramatique que
la perception des choses se fasse si souvent dans des classifications fossiles. Assouplir
les découpages, les relativiser, les mettre à jour en fonction des besoins de l'action :
ce pourrait être au fond la tâche essentielle du statisticien. Mais il semble bien que
notre société, pour des raisons culturelles profondes, répugne à toute restructuration
de ses cadres de perception. Ceux-ci ne peuvent en pratique être modifiés que lors des
périodes de crise aiguë.
Les quelques années qui ont suivi la dernière guerre furent
une de ces périodes. Simultanément, et sans qu'il y ait de coordination explicite entre
les initiatives, la nomenclature des activités industrielles, le code des C.S.P., le plan
comptable général (21) ont vu le jour ; dans le même temps se dessinaient les cadres de
la comptabilité nationale. La conjonction de ces démarches est frappante, et suggère
l'existence d'un principe commun qui les anime. Celui-ci doit être cherché, nous
semble-t-il, dans le mouvement d'idées dont Keynes fut le représentant le plus connu ;
préparé dès les années 30, ce mouvement a accompagné et facilité la croissance
économique de l'après-guerre. Il a rompu avec des représentations claires mais
schématiques et normatives de l'économie, et leur a substitué une démarche organique
complexe, non exempte de risques de confusion, dans laquelle une observation ordonnée aux
fins de la régulation sociale et économique était nécessaire. Etudier cette "
ère de la classification " et procéder à une réévaluation critique de ses
produits nous permettrait de concevoir les instruments qu'appelle la crise et les temps
nouveaux dans lesquels elle nous a fait entrer.
- Bernard Guibert, Jean Laganier, Michel Volle : " Essai sur les nomenclatures
industrielles " in Economie et Statistique, no 20, février 1971.
- Alain Desrosières, " Eléments pour l'histoire des nomenclatures
socioprofessionnelles " in Pour une histoire de la statistique, I.N.S.E.E.,
1976.
- Par exemple, la nomenclature douanière classe ensemble (poste 84-10) les pompes
ordinaires, les pompes à essence et les pompes à injection pour moteur Diesel, parce que
son objet est de faciliter l'application de taxes différenciées, et qu'il est alors
commode d'utiliser des classements faciles à retenir (" toutes les pompes ensemble
"). De même, les chars de combat (87-08) sont classés dans la rubrique "
véhicules " tout près des voitures d'enfants (87-13). Il est clair que de tels
classements ne conviendraient pas à ceux qui veulent étudier l'organisation de la
production industrielle, car ils mêlent des produits provenant de filières de production
très différentes.
- Voici une description plus détaillée :
- I. Produits minéraux : Sel gemme et marin. Faïence, porcelaine,
verrerie, glaces. Fer brut. Plomb. Cuivre. Quincaillerie, mercerie. Orfèvrerie,
bijouterie.
- Il. Produits végétaux : Papeterie. Amidon. Savon. Raffinerie de sucre.
Tabac. Chanvres, lin, cordages, filets, rubans de fils.
- III. Produits animaux :Mode en soie. Tapisserie, ameublement. Pelleteries,
salaisons. Etoffes de laine. Serge. Camelots. Draps communs. Draps fins. Bonneterie de
laine. Chapellerie. Soieries. Bonneterie de soie. Rubans, blondes, gaze, passementerie.
(Statistique générale de la France ; " Industrie 1847. ") On ne s'étonnera
pas du classement de l'ameublement : ce terme désigne alors la production de tapis, qui
étaient en laine.
- Pour chaque établissement sont mentionnés : - la nature de l'établissement,
c'est-à-dire son activité (on ne dit pas comment elle est déterminée) - la commune où
il est situé ; - le nom du fabricant ou manufacturier ; la valeur locative ; - le montant
de la patente ; - la valeur des matières premières utilisées annuellement ; - le nombre
d'ouvriers (hommes, femmes, enfants) -1 les salaires moyens (hommes, femmes, enfants) ; -
les moteurs : moulins (à vent, à eau, à manège), machines à vapeur, chevaux et
mulets, bufs ; - les feux : fourneaux, forges, fours - les machines, dont la
curieuse répartition montre la domination du textile métiers, autres, broches.
(Statistique générale de la France, " Industrie 1847 ".)
- Les postes du niveau le plus agrégé de cette nomenclature sont les suivants 1)
industrie textile ; 2) industrie extractive 3) métallurgie 4) objets en métal 5)
industrie du cuir ; 6) industrie du bois 7) céramique 8) produits chimiques 9) bâtiment
; 10) éclairage ; 11) ameublement ; 12) habillement et toilette 13) alimentation ; 14)
moyens de transport ; 15) sciences, lettres et arts ; 16) luxe et plaisir. Statistique
générale de la France, " Industrie, enquête de 1861-1865 ", Paris 1873.
- Voir Roger Priouret, Les origines du patronat français.
- Statistique générale de la France. " Recensement de 1896. Industrie.
"
- Voir J. Marczeski, " Le produit physique de l'économie française,
Comparaison avec la Grande-Bretagne ", Cahiers de l'I.S.E.A., A.F., 4.
- J. Prévot, " Réflexions sur les problèmes des nomenclatures statistiques
d'industries et de produits ", Informations statistiques, n° 1, 2, de 1962
- Cf. H. W. Ehrmann, La politique du patronat français (1936-1955).
- Colloque de Saint-Cloud (1967) sur le thème " Ordres et classes ".
- Dans l'Ancien Régime et la Révolution (1856).
- A. Desrosières cite une nomenclature de 1695 : mais il ne s'agit que d'une liste
de situations sociales - d'ailleurs intéressantes - ordonnée selon les niveaux de revenu
présumés, et destinée à servir de base pour l'établissement d'un impôt. La
nomenclature de Baudeau est citée par P. Naville (" Population active et théorie de
l'emploi ", in Traité de sociologie du travail, tome 1, Armand Colin, 1961).
- Hommes mariés ou célibataires, hommes en état ou hors d'état de porter les
armes, habitants des villes et des campagnes, laïcs ou ecclésiastiques, notables ou
roturiers, gens de guerre, officiers de justice, employés de la finance, commerçants,
marchands, fabricants, artisans, cultivateurs propriétaires et manouvriers, maîtres et
domestiques, nationaux et étrangers.
- En ligne figure une liste de branches d'activités (agriculture, industrie,
commerce, transport), parfois éclatées en sous-rubriques distinguant les patrons, les
ouvriers, les employés. Puis figurent, toujours en ligne, les professions libérales, les
personnes vivant exclusivement de leurs revenus, les individus sans profession. En colonne
figurent les rubriques suivantes : individus exerçant réellement les professions
ci-dessous ; leur famille ; domestiques attachés au service personnel des précédents.
- A. Desrosières cite, parmi ces exceptions, Maurice Halbwachs (Budgets de
familles ouvrières et paysannes en France, 1907), Edmond GobIot (La barrière et
le niveau, 1925), et encore Maurice Halbwachs (Analyse des mobiles dominants qui
orientent l'activité des individus dans la vie sociale, 1938). Ces deux derniers
ouvrages relèvent d'une démarche très intuitive et " littéraire ".
- A. Daumard, Les bourgeois de Paris au XIXe siècle, Flammarion, 1970.
- Les éditions suivantes datent de 1952 et 1954. Ce code joue un rôle essentiel
dans les études sociologiques en France.
- I.N.S.E.E., Code des C.S.P., 4e
édition (1962).
- Voir A. Benedetti, " Le plan comptable ", (in Matériaux... op. cit.).