Éléments déconométrie
(voir système
de pilotage de l'entreprise)
Le but de cette fiche est de donner les éléments essentiels
permettant de comprendre les méthodes de léconométrie et dinterpréter ses
résultats sans faire derreur grave.
Nous donnons dabord quelques exemples illustrant
lapport de léconométrie. Puis nous donnons ses propriétés mathématiques
essentielles, et enfin examinons la présentation de ses résultats.
Ce résumé correspond assez bien à la pratique empirique des
modélisateurs ; une pratique " rigoureuse " demanderait dautres
précautions ; elle est en fait assez rare, car elle nécessite beaucoup plus de travail
pour un gain faible en ce qui concerne la qualité des résultats.
Quelques exemples
Explication de linvestissement
On constate après 1973, dans les comptes nationaux, un
ralentissement de linvestissement des entreprises. Mais, sur la même période, leur
production a ralenti aussi. Doit-on considérer que le ralentissement de
linvestissement est fort ou faible ? Il faut pour cela :
1) avoir une explication théorique de
linvestissement, qui le relie à des variables explicatives (ici : variation de la
production et rythme des déclassements) ;
2) avoir spécifié cette explication sous la forme
dune équation se prêtant au calcul, ici :
(1)
It = c ΔQt + ac Qt-1
3) avoir estimé les paramètres de cette équation par
ajustement sur les séries statistiques observées (ici : a = 3,5 % et c = 1,4 sur la
période 1963-1973).
Après quoi lon peut répondre à la question. En
loccurrence, il apparaît que linvestissement a moins baissé que ne
limpliquait le ralentissement de la production : on peut donc dire que,
contrairement aux apparences, le comportement dinvestissement a été soutenu.
Seule léconométrie, avec ses trois étapes (explication,
spécification, estimation), a permis de répondre à la question.
Élasticité prix
Supposons quune entreprise diminue son prix de vente.
Cette mesure a deux effets de signe contraire : augmentation des ventes en volume, baisse
du prix unitaire. Seule lestimation de lélasticité de la consommation au
prix, réalisée sur les séries chronologiques disponibles, permet déclairer cette
question.
Lélasticité prix est :
(2) η = (p/Q)
∂Q/∂p
η est le plus souvent négative.
Si 0 > η > -1, l’effet d’une hausse de prix sera d’augmenter le
chiffre d’affaires. Si η = -1, le chiffre d’affaires est indépendant
du prix. Si η < -1, une hausse du prix fait diminuer le chiffre
d’affaires.
On voit ici que le calcul (quantitatif) est indispensable
pour conduire jusquau bout un raisonnement qualitatif : sans estimation de
lélasticité, il est impossible de prévoir le signe de leffet
dune modification du prix sur le chiffre daffaires.
Économétrie et modèles
La théorie économique, notamment la macro-économie,
comporte un riche catalogue de spécifications : fonctions de Houtthaker-Taylor pour la
consommation, de Cobb-Douglas pour la production, de Bischoff pour linvestissement,
etc. Le choix des spécifications est varié (choix des variables et de leur forme : en
niveau, en taux de croissance, logarithmes, variations, quotient de variables, variables
retardées etc.). La finesse et la cohérence théoriques sont ici les critères
essentiels. On doit tenir compte aussi des limites des statistique disponibles.
La tâche propre de léconométrie est destimer
les paramètres des équations par ajustement sur les séries passées.
Lajustement conduit parfois à réviser la spécification : lorsquune variable
" ne sort pas " (coefficient non significatif, cf. ci-dessous), ou
quelle a un coefficient du " mauvais signe " (effet contraire à
celui théoriquement attendu).
Léconométrie ne donne que des indications, non des
preuves : on ne peut pas dire quune spécification a été
" prouvée ", mais seulement quelle na pas été rejetée
par les tests. Lusage de ses résultats doit donc être prudent.
On prend cependant un risque lorsque lon retient une
hypothèse rejetée par léconométrie (par exemple sur les élasticités). Celui
qui procède ainsi doit indiquer pourquoi il sestime autorisé à passer outre.
Régression
Supposons que lon ait spécifié une relation qui explique
la variable Y (repérée par une série chronologique, t varie de 1 à T) par un ensemble
de p variables explicatives, que nous noterons X1, ..., Xp. Nous
noterons Xk la variable explicative courante (k = 1, ...,p).
Léquation à estimer est :
(3) Yt = a1X1t + a2X2t
+ ... + ap Xpt, ou
(4) Yt = Σk
akXkt
A chaque ensemble des T observations relatives à une variable
peut être associé un vecteur de lespace à T dimensions. Supposons que p = 2 ; on
peut avoir une situation de ce type :
X1 et X2 définissent un plan. Si Y
appartenait à ce plan, tout serait facile : les coefficients ak seraient les
coordonnées de Y dans la base formée par X1 et X2. On les
obtiendrait par un calcul simple.
Dans le cas général, Y nappartient pas au plan formé
par X1 et X2 ; l" explication " de Y par X1
et X2 est " incomplète ". Il peut y avoir des erreurs de
mesure, des aléas, ou encore la spécification a négligé une variable explicative
importante.
Lors de la phase dajustement, on pose par hypothèse que
la spécification est vraie (quitte à tester cette hypothèse par la suite). On fait donc
comme si la seule raison pour laquelle Y nappartient pas au plan résidait dans des
erreurs de mesure sur Y, ou dans des aléas statistiques.
Sil ny avait pas derreur, on aurait trouvé :
(5) Y*t = Σk
akXkt
les ak étant les coefficients vrais.
Le " vecteur des
erreurs " ε a pour coordonnées ε t = Yt
- Y*t.
On ne connaît pas Y*, mais seulement
Y. On va estimer Y*. La solution qui se présente le plus naturellement à lesprit
est de prendre le point du plan (X1, X2) le plus proche du point
observé Y : nous noterons ce point Y. Cest la projection orthogonale de Y
sur le plan (X1, X2).
Les programmes de calcul permettent de trouver les coordonnées ak
du point Y dans le plan. Ces coordonnées sont les estimations des
paramètres de la relation (4).
Commentaires
1- Il n’y a généralement
pas de raison de supposer que le vecteur e est allongé dans une direction de
l’espace plutôt que dans une autre. La projection de Y en Y se fait
alors selon la définition canonique de l’orthogonalité : elle correspond à
la distance euclidienne canonique, (distance)2 = Σ
(différence des coordonnées)2. On dit que l’on utilise les " moindres
carrés ordinaires " (MCO).
Dans certains cas, on doit supposer quil existe entre les
coordonnées de e des relations
telles quil risque de se trouver plutôt dans certaines directions de lespace
: sa distribution de probabilité nest plus sphérique, mais ellipsoïdale.
On utilise
alors une métrique particulière, selon la méthode des " moindres
carrés généralisés " (MCG). Elle est notamment utile lorsque
ε t est fortement corrélé avec ε t-1. Le test
de Durbin et Watson (cf. ci-dessous) permet de savoir si l’on est dans ce cas.
2 - les variables Xk peuvent être presque
colinéaires (il existe, dans le paquet des p vecteurs Xk, des vecteurs faisant
un angle petit). La détermination des coefficients ak est alors entachée
dune imprécision. Le test de Student (cf. ci-dessous) permet de savoir si lon
est dans ce cas.
3 - léconométrie comporte des raffinements, mais la
plupart du temps les choses se passent simplement : on estime les ak par MCO,
et on ne fait autrement que si le test de Durbin et Watson est mauvais, ou si le test de
Student est mauvais pour une variable importante. Des méthodes préprogrammées dans les
logiciels déconométrie permettent alors de sen sortir.
Complément : présentation du résultat dune régression
Le résultat dune régression peut avoir une forme
apparemment compliquée, pour peu que le nombre des variables soit élevé.
Considérons léquation " partage de
loffre " du modèle METRIC, qui répartit loffre industrielle totale
entre production et importations. La présentation est très technique :
-
X = XI/(XI +
IMI) = 0,773 + 30,2/(T + 90) + 0,1 CAPA +
Σ
0≤ i≤ 5
ai PXI/PIMI
-
(24,1) (15,0)
(2,8)
-
a0 = - 0,032 a1 = - 0,034 a2 = - 0,034 a3 =
- 0,030 a4 = - 0,023 a5 = - 0,01
-
(3,5)
(7,6)
(9,3)
(6,5)
(5,0)
(4,2)
R2 = 0,99
DW = 1,55
SEE = -0,0033 (moyenne de X = 0,83)
Période destimation : 1965 à 1976
où les notations signifient :
- XI : production industrielle
- IMI : importations industrielles
- T : temps
- CAPA : marges de capacité disponibles
- PXI : prix de la production industrielle
- PIMI : prix des importations industrielles
Les coefficients ai décrivent une structure de
retard sur le rapport des prix relatifs production/importation.
Cette équation traduit trois idées a priori : 1)
ouverture tendancielle du marché aux produits étrangers ; 2) on importe dautant
plus quil y a plus de tension sur les capacités de production ; 3) on importe
dautant plus que les prix de production sont élevés par rapport aux prix des
importations.
Voici lexplication des indications techniques :
En dessous des estimations des coefficients figure entre
parenthèses le test de Student. En pratique, il faut que ce test soit supérieur
à 1,75 pour que lon puisse dire que le coefficient est significativement différent
de zéro. Cest le cas pour ceux de cette équation.
R2 = 0,99 : le R2 est le cosinus
carré de langle entre Y et Y. Plus il est proche de 1, plus Y est allongé
sur le sous espace engendré par les vecteurs Xk. Si lon a affaire à des
séries chronologiques, le R2 est souvent très fort sans que cela signifie
grand chose, car beaucoup de séries croissent avec le temps. Par contre, il faudra
sinterroger si le R2 est faible (disons inférieur à 0,6).
DW = 1,55 : cest le test de Durbin et Watson. Il
sert à vérifier si le vecteur des erreurs est distribué indifféremment dans
lespace. DW doit être situé entre 1,5 et 2,5 pour que lon puisse dire que
les MCO sont légitimes. On sinquiétera si DW < 1 (autocorrélation positive des
erreurs) ou DW > 3 (autocorrélation négative).
SEE = 0,0033 : cest lécart type de lerreur
qui affecte la variable expliquée. En le divisant par la moyenne des X (ici 0,83), on
obtient une idée de la précision de la régression (ici 0,4 %).
Période destimation : indique lintervalle (1,
..., T) sur lequel les séries ont été observées. Cest une indication importante
: bien souvent, les paramètres changent lorsque lon change de période
destimation. La pérennité des " lois économiques " que
lon estime par léconométrie est donc souvent limitée.
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