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Nature de l'apport des NTIC à l'économie

15 décembre 2000

On peut représenter l’incidence des NTIC sur l’économie selon un modèle à trois couches :

wpe1A.jpg (17354 octets)

  • A la source, on trouve les technologies fondamentales, recouvrant ici d’une part  la maîtrise des propriétés physique et procédés d’ingénierie qui fondent la fabrication des microprocesseurs et mémoires ; d’autre part les systèmes d’exploitation, langages et outils de programmation. Ces deux sous-ensembles sont d’ailleurs reliés entre eux (on n’utilise pas les mêmes langages de programmation selon la nature des ressources physiques disponibles).

  • Immédiatement en aval de cette source, les équipements mettant en œuvre les technologies fondamentales (ordinateurs, réseaux, terminaux etc.), ainsi que les logiciels et progiciels applicatifs qui permettent de diversifier les utilisations.

  • En aval des équipements et logiciels, leur mise en œuvre par les entreprises, associée à la maîtrise des processus de production, à la redéfinition de la relation avec les clients, fournisseurs et partenaires, ainsi qu’à des formes nouvelles de concurrence et d’équilibre des marchés.

Pour étudier les effets des NTIC sur l’économie, on doit définir la frontière entre ce qui est appelé " NTIC " et ce qui est appelé " reste de l’économie ". On peut la placer de deux manières : la plus courante consiste à considérer que les ordinateurs et autres machines utilisant les technologies fondamentales relèvent des NTIC, et que la frontière se situe donc au niveau B ci-dessus. Ce choix correspond à une évidence pratique : personne ne nie que les ordinateurs, commutateurs etc. ne soient des représentants éminents des NTIC.

Les évolutions de ces machines résultent, pour l’essentiel, des progrès des technologies fondamentales ; par exemple l’évolution exponentielle des performances des microprocesseurs et mémoires dont la " loi de Moore " rend compte est déterminante pour l’évolution des performances des ordinateurs.

Si l’on souhaite isoler la source de l’évolution, qui réside dans les technologies fondamentales, il faut placer la frontière au niveau A. C’est ce que nous ferons ici. Il est important d’isoler la première couche, car son évolution obéit à une logique spécifique.

Une logique spécifique

Dans la couche finale, celle des utilisations, il s’agit de tirer le meilleur parti des évolutions permises par les ordinateurs, réseaux etc. ; dans la couche intermédiaire des équipements, il s’agit de tirer le meilleur parti des ressources offertes par les technologies fondamentales. Si chacune de ces deux couches obéit à sa logique propre, le moteur de son évolution se trouve donc en amont.

Dans la couche initiale, celle des technologies fondamentales, il ne s’agit pas d’utiliser des ressources produites en amont, mais de créer des ressources par la maîtrise des propriétés physiques du silicium, et (osons nous dire) par la maîtrise des conditions mentales de la production et de l’utilisation des langages informatiques - en utilisant le terme " mental " pour recouvrir un ensemble de dimensions intellectuelles, psychologiques et sociologiques.

Ainsi, alors que les deux autres couches résolvent un problème économique (car il s’agit de faire au mieux avec les ressources dont elles disposent), la couche initiale considère la nature elle-même, sous les deux aspects de la physique du silicium et de la " matière grise " des êtres humains, aspects dont elle vise à faire fructifier la synergie.

Un changement du rapport entre les êtres humains et la nature

Élargir, par des procédés de mieux en mieux conçus, les ressources que fournit la nature, c’est une tâche analogue à la découverte ou plutôt à l’exploration progressive d’un continent nouveau que des pionniers transformeraient et équiperaient pour lui faire produire des biens utiles. Découvrir un continent, puis l’explorer pour le mettre en exploitation, c’est transformer les prémisses de la réflexion et de l’action économiques. Tout raisonnement économique est en effet fondé sur des exogènes (technologies, ressources naturelles, fonctions d’utilité, dotations initiales). Il en tire les conséquences, élucide les conditions de leur utilisation optimale, mais il n’est pas de sa compétence d’expliquer leur origine. Bien sûr, la recherche du profit n’est pas pour rien dans l’ardeur des pionniers ni dans celle des chercheurs ; mais cette ardeur se dépenserait en pure perte si elle ne trouvait pas en face d’elle une ressource naturelle féconde (ici le silicium, la " matière grise ", et leur synergie).

On rencontre donc dans les technologies fondamentales un phénomène qui n’est pas de nature essentiellement économique, même s’il a des conséquences économiques : un changement du rapport entre les êtres humains et la nature. L’innovation qui se déverse dans l’économie à partir de ces technologies fondamentales est analogue à un phénomène naturel, extérieur à l’action humaine qu’il conditionne comme le sont le climat, les courants océaniques, la reproduction des êtres vivants, les gisements légués par l’histoire géologique de la Terre etc.

Il existe ainsi entre la couche initiale et les deux autres une différence essentielle : dans la première s’opère le changement des rapports avec la nature, dans les deux autres s’opère l’adaptation à ce changement. C’est pourquoi nous choisissons de placer la frontière entre la couche initiale et les deux autres, au niveau A du graphique ci-dessus.

Est-ce à dire que l’économie n’a rien à voir avec les NTIC ? certes non, puisqu’elle doit répondre aux problèmes bien assez compliqués que pose leur bonne utilisation :

  • les exogènes étant modifiées, comment " faire au mieux avec ce que l’on a ", et qui est nouveau ?

  • comment faire évoluer des institutions qui étaient bien adaptées aux exogènes d’avant, mais qui ne le sont pas nécessairement aux exogènes nouvelles ?

La tâche de l’économiste n’est pas facile ; jugeons en par les changements que doivent réaliser les entreprises :

  1. modifier les processus et les conditions de travail des opérationnels de la première ligne ;

  2. adapter les périmètres des directions, les missions et les espaces de légitimité des dirigeants, les indicateurs de pilotage ;

  3. équiper et faire évoluer les relations avec les clients, partenaires et fournisseurs.

Devions nous conserver la distinction entre les deux autres couches, ou encore distinguer les utilisations des NTIC par les entreprises de leurs utilisations par les consommateurs ? Nous avons choisi de ne pas le faire ici. D’une part, en regroupant toutes les activités productrices (y compris la production d’ordinateurs etc.) dans un seul secteur dont le rôle est de fournir des biens utiles aux consommateurs, nous avons implicitement traité la question. D’autre part, lorsqu’un utilisateur s’équipe (d’un téléphone, d’un ordinateur, d’un téléviseur), il concrétise son adhésion à un réseau commercialisant des services ; l’équipement en question peut d’ailleurs être indifféremment payé par l’utilisateur final, ou par l’opérateur du réseau.