VI - Scénarios de sortie de crise pour la statistique
européenne
Un plan d’action est en place pour réformer les missions
prioritaires et les méthodes de travail d’Eurostat. Il vise en premier lieu à
« réduire la voilure » en concentrant Eurostat sur son « core business » et en
supprimant une grande partie des travaux précédemment externalisés. On ne voit
pas comment cela permettra de fournir les informations statistiques en quantité
et qualité croissantes dont a besoin l’intégration européenne. A court terme,
ces décisions vont se traduire par une détérioration de la statistique
européenne, probablement sans que les utilisateurs ne se mobilisent pour faire
valoir leurs besoins.
A long terme plusieurs scénarios
sont envisageables. Les deux extrêmes sont les suivants :
* Scénario de crise
approfondie : la nouvelle Commission qui entre en fonction fin 2004, décide
de ne pas accorder de priorité à la mise en place d’une statistique européenne
efficace et de qualité. Les pays membres et les utilisateurs ne veulent pas ou
ne sont pas capables de mobiliser la Commission sur ce dossier. Eurostat
retrouve une situation semblable à celle du milieu des années 80, sans appui
politique, avec des ressources en décroissance et un service aux utilisateurs
qui se détériore. Comme dans les années 80, la commission utilise les postes de
Direction d’Eurostat pour y placer des candidats mal préparés à la fonction mais
qu’on veut remercier pour services rendus (parachutage de Chefs de Cabinets). Le
partenariat disparaît du Système Statistique Européen et le mode de
fonctionnement se « normalise » : seule la statistique qui s’appuie sur des
actes du Conseil continue à se développer, ce qui à 25 pays aboutit à paralyser
le développement. Des services politiques de la Commission développent de
nouveau leurs propres statistiques, mettant en cause le principe d’indépendance
qui doit accompagner la production de la statistique publique et accroissant le
manque de coordination et l’incohérence entre les travaux statistiques
d’Eurostat et de ces services.
Il faut s’attendre à voir la BCE
jouer un rôle accru car elle a besoin de statistiques à court terme de qualité
pour assurer ses fonctions.
La statistique communautaire
jouant un rôle plus important qu’en 80 pour les décideurs nationaux et
communautaire, il est probable que cette crise suscitera après quelques années
une réaction des utilisateurs. L’expérience montre malheureusement que ces
sorties de crise sont longues à gérer, de même que le rétablissement de modes de
fonctionnement efficaces. Un bon exemple est fourni par la statistique
britannique. Son indépendance a souffert sous le gouvernement Thatcher, et elle
a encore aujourd’hui de problèmes de crédibilité auprès du public alors qu’elle
a rejoint le meilleur niveau mondial.
Si ce scénario de crise
approfondie se déroule, il faudra se demander si la statistique européenne doit
être gérée au sein de la Commission. Le mode de fonctionnement professionnel et
serein et la continuité que demande la mise en place d’un SSE indépendant ne
sont pas compatibles avec des chocs politiques épisodiques comme ceux qu’a subis
Eurostat à deux reprises, au début des années 80 et à partir de 2003.
Un Institut statistique
communautaire indépendant devrait alors être crée. Son conseil d’administration
serait composé des DG des INS et d’un représentant du Parlement et du Conseil.
Il proposerait à la Commission et au Parlement des candidats pour le poste de
Président et négocierait avec ces deux institutions un cadre contractuel
pluriannuel pour fixer un programme d’activités et de ressources.
* Scénario de sortie de crise
rapide : grâce à une action conjointe des Pays Membres et de la BCE, et en
étroite relation avec le Parlement européen, la nouvelle Commission attache une
importance prioritaire au rétablissement d’une statistique européenne de
qualité.
- le partenariat entre Eurostat
et les INS devient l’un des modèles acceptés au sein de la Commission : dans
beaucoup de secteurs politiques l’activité essentielle consiste à gérer la mise
en œuvre et l’évolution des législations existantes, et le partenariat avec les
pays membres est un mode fonctionnement adapté.
- les procédures internes de
fonctionnement d’Eurostat sont réévaluées et renforcées sans détruire la réforme
mise en œuvre à partir du milieu des années 90.
- dans le cadre de son « Activity
Based Budgeting » et d’un CDIS rétabli, la Commission engage une discussion
politique sur les ressources de la statistique et sur la coordination
statistique au sein de la Commission. Le Parlement y est associé
Des scénarios intermédiaires sont
possibles, selon les secteurs sur lesquels s’exerce la pression des
utilisateurs.
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