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Structure des emplois en France

La France était il n'y a pas si longtemps un pays surtout rural ; puis elle s'est industrialisée, et depuis 1974 l'emploi se développe essentiellement dans les services. Nous étions à 65 % agriculteurs en 1806, nous travaillons à plus de 70 % dans les services maintenant.

Cette évolution qui s'étale sur des décennies est pourtant rapide. D'une génération à l'autre, la vie a changé à plusieurs reprises. Nous parlons une langue, nous disposons d'une culture, d'un imaginaire forgés dans des époques différentes de la nôtre, et dont nous restons prisonniers. Ces courbes dont l'évolution est loin d'être terminée nous invitent à une réflexion sur les origines et le destin de la collectivité humaine que nous formons, origines et destin que nous partageons d'ailleurs avec tous les pays riches.

Le modèle des physiocrates, qui voyaient dans l’agriculture (et les mines) la source de toute richesse, a reculé au XIXe siècle lors de l’industrialisation. Cependant le " productivisme ", qui assimile la richesse à la production de biens (et non à celle de la valeur ajoutée), résiste mieux car il a pour lui le poids d’une fausse évidence, la " réalité " que confère aux biens leur apparence matérielle. On sait cependant que la part de l’ " immatériel " dans certains biens, même très simples comme un pot de yaourt, représente plus de 70 % du coût de production. Cependant les activités " productives " au sens physique du mot (agriculture, industrie) occupent encore dans l’imaginaire collectif une place disproportionnée par rapport à leur importance dans l’emploi.

Pour comparer ces représentations à la réalité économique, il est intéressant de considérer des séries longues. Voici l’évolution de la population active française par grand secteur d’activité depuis 1806 (la série s’interrompt pendant les guerres) :

Source : Olivier Marchand et Claude Thélot, " Deux siècles de travail en France ", INSEE 1991, complété par les résultats des derniers recensements

Trois choses sautent aux yeux en regardant ce graphique : la croissance explosive de l'emploi tertiaire depuis la dernière guerre, l'effondrement de la population agricole, la cassure de l'emploi industriel en 1974.

En 1806, l’agriculture employait 65 % de la population active, l’industrie 20 % et les services 15 %. En 1996, l’agriculture emploie 4,50 % de la population active, l’industrie 25 % et les services 70 %.

On distingue trois périodes dans cette évolution longue : la première va de 1806 à 1936, la deuxième de 1949 à 1974, la troisième débute en 1974 et n’est pas achevée.

De 1806 à 1936, la croissance des services et de l’industrie se fait parallèlement, au détriment de l’agriculture. Les effectifs de l’industrie sont supérieurs à ceux des services. Vers 1936, l’emploi se partage par parts égales entre les trois secteurs.

Après 1949, l’emploi dans les services devient supérieur à l’emploi dans l’industrie. Le déclin de la part de l’agriculture se poursuit, mais l’évolution des services et de l’industrie est contrastée. Ils continuent à croître parallèlement jusqu’en 1974. La part de l’emploi industriel atteint alors son maximum historique avec 38,5 % de la population active. Puis elle entame une rapide décroissance, alors que la part de l’emploi dans les services croît fortement.

Le premier choc pétrolier a donc été pour l’industrie le signal déclencheur après lequel les effets de l’automatisation ont joué à plein : en effet, on n’observe pas de relance de l’emploi industriel à l’occasion du contre-choc de 1978, qui aurait logiquement dû compenser les effets du choc de 1974.

Si les services sont le secteur qui fournit le plus d’emplois, ils restent mal connus. L’appareil statistique public, dont la structure reflète les priorités collectives, s’est orienté d’abord vers l’agriculture, puis vers l’industrie. L’effort de connaissance consacré aux services reste faible.

Le contenu des services a fortement évolué. Au début du XIXe siècle, les emplois de service sont pour une forte part des emplois de domestiques, qui ont par la suite pratiquement disparu : ils représentaient 30 % des emplois tertiaires et 5,5 % des actifs en 1851, ils ne représentent que 2,6 % des emplois tertiaires et 1,4 % des actifs en 1982. La hausse de la part des services dans l’emploi serait donc plus rapide si l’on ôtait du calcul les emplois de domestiques.

Part des domestiques dans les emplois tertiaires et dans l’emploi total

Les emplois de service se répartissent ainsi : 20 % dans les services non marchands (État sauf PTT, collectivités locales, sécurité sociale) et 45 % dans le tertiaire marchand (transport, commerce, services aux entreprises ou aux ménages). Les services occupent plutôt des femmes : 75 % des femmes et 50 % des hommes ayant un emploi travaillent dans les services, alors que l’industrie occupe 18 % des femmes et 40 % des hommes.

A partir du début des années 60, le nombre d’employés et de cadres augmente d’environ 270 000 personnes par an jusqu’à aujourd’hui, avec un ralentissement en fin de période. La tertiarisation de la France succède à son urbanisation et son industrialisation. " Le bureau, l’hypermarché, l’hôpital l’école supplantent l’usine et l’atelier comme lieu de travail caractéristique. La classe ouvrière se réduit et se transforme. "

Le volume des services aux entreprises a été multiplié par 8 depuis les années 60 et ils représentent en 1995 deux tiers des services marchands. Ce sont les services informatiques, les télécommunications et le conseil qui ont eu la croissance la plus rapide.

Le constat de la tertiarisation ne peut pas être considéré comme une " preuve " de la validité de notre modèle (voir e-conomie). Toutefois elle ne le contredit pas, car elle est conforme à ce que l’on pourrait déduire du modèle.

Elle apporte en outre une indication sur la part de l’économie que l’on pourrait décrire avec ce modèle, ainsi que sur son évolution. Si l’économie était conforme au modèle, presque tous les emplois se trouveraient dans les services, la part de l’agriculture et de l’industrie se réduisant à peu de chose en raison de l’automatisation de la production. Le modèle est compatible avec une économie où la part des services dans l’emploi se situe autour de 70 %, et continue à croître.

Ajoutons que des évolutions analogues à celle décrite ici pour la France se rencontrent dans tous les pays développés (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Japon etc.), et qu’ils sont même souvent plus avancés encore que la France dans la voie de la tertiarisation.