La plupart des gens
n’utilisent sur leur micro-ordinateur que le traitement de texte, le tableur, le
logiciel graphique, le navigateur et la messagerie. Tout cela peut se faire en
se servant de la souris, des menus déroulants, des onglets et en tapant textes
et nombres au clavier.
Seule une minorité
ouvre l’ « invite de commande », cette fenêtre noire
qui comme son nom l’indique invite à taper une ligne de programme
et où l’on trouve le symbole « C:\> », que l'on appelle « le prompt ». Cette fenêtre est une
frontière. D’un côté, les utilisateurs lambda. De l’autre, les amateurs de
programmation.
Un lecteur, ayant lu
la fiche consacrée à LaTeX, m’a écrit : « Je me dis - sans
connaître LaTeX - que c'est le type même du logiciel à éviter : fait par des
techniciens pour des techniciens. Je rêve de logiciels dont la complexité
interne soit cachée, dont l'interface utilise des métaphores simples, dont la
prise en main puisse être progressive. La fracture numérique tient aussi à la
difficulté des logiciels livrés avec nos ordinateurs. »
Je suis, moi aussi,
amateur de logiciels faciles à utiliser. Mais j'aime à programmer un peu à l'occasion. C'est comme avec ma voiture : je souhaite qu'elle soit facile
à conduire, mais quand elle tombe en panne j'aime pouvoir la réparer. J'aime
aussi, dans mon petit atelier, travailler le métal, le bois, faire à l'occasion
un peu de chimie ou d'électronique, et je prends plaisir à cultiver un potager,
un verger, des fleurs.
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On peut considérer la voiture comme une interface entre la construction
automobile (concepteurs, ingénieurs, marketeurs, ouvriers) et les conducteurs.
De même, l'ordinateur de bureau est une interface entre les programmeurs, qui
écrivent les instructions auxquelles il obéit, et les purs utilisateurs, qui mettent
en oeuvre ces instructions sans jamais en écrire.
L'utilisateur curieux
peut éprouver l'envie de passer de l'autre côté pour
tenter de comprendre la programmation et maîtriser son ordinateur. Il prend
alors en mains une matière constituée de mots et de symboles. Certes,
ce qu'il fera aura peu à voir avec les outils et méthodes des usines à
programmes que sont les grandes SSII et les producteurs de progiciels
: elles sont, dans leur genre, aussi compliquées et imposantes que les
grands ateliers de mécanique industrielle. Mais il aura pu toucher la matière
et en expérimenter la résistance. Cela lui permettra d'entrevoir ce qui se passe dans la programmation à grande échelle.
Programmer, fût-ce à
toute petite échelle, cela fait sentir en effet que l'ordinateur est à la fois exigeant (car il ne pardonne aucune erreur) et docile,
souple, puissant une fois qu'on lui a donné des ordres sous la forme
requise. Cela fait sortir du carcan où enferme l'offre de
progiciels pour explorer le monde du possible en suivant sa propre fantaisie.
Il est amusant aussi de
faire des incursions dans le monde des fanas (souvent très savants) qui,
programmant pour le plaisir, peuplent des forums où ils échangent astuces et
conseils ; ce sont des gens généreux et souvent on peut télécharger les
outils qu'ils ont produits. Il faut, bien sûr, comprendre suffisamment leur
jargon...
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La plupart des utilisateurs, sans doute, préfèrent ignorer ce qui se passe de
l'autre côté de la frontière, de même qu'ils ne souhaitent pas comprendre
comment fonctionnent leur téléviseur et leur machine à laver. C'est leur droit.
Quelques-uns aiment cependant à faire des incursions de l'autre côté, et ils
forment un segment dans la population des utilisateurs. Pourquoi faudrait-il le
négliger ?
Si l'on veut d'ailleurs comprendre l'informatisation des entreprises, ne
faut-il pas faire la navette entre les deux côtés de l'interface pour les relier
par une couture dont la réflexion suivrait le fil ?
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