Benjamin M. Rosen
VisiCalc : briser le goulet d’étranglement du logiciel
(Traduction
de « VisiCalc:
Breaking the Personal Computer Software Bottleneck », Morgan Stanley
Electronics Letter, 11 juillet 1979)
Pour les mainframes et les
mini-ordinateurs, le développement du matériel a toujours été plus rapide que
celui du logiciel. Cela se répète maintenant avec les micro-ordinateurs. Les
seuls utilisateurs qui puissent aujourd’hui être satisfaits de l’offre de
logiciels sont les hobbyistes, qui programment eux-mêmes. Mais pour les
utilisateurs professionnels ou domestiques, pour les patrons de PME, pour les
enseignants, il existe peu de logiciels pratiques, utiles, universels et
fiables. Certes on fait de la publicité pour de nombreux packages et beaucoup
d’entre eux sont commercialisés, mais (1) ils ne sont pas complètement débogués,
(2) pas assez généraux, (3) ils ne fonctionnent pas bien et parfois (4) ils ne
présentent aucun intérêt.
Arrive VisiCalc : il se
pourrait bien que ce produit réponde aux besoins des professionnels et supprime
leurs frustrations. Nous avons vu VisiCalc, produit par Software Arts et
commercialisé par Personal Software, en mai au Personal Computer Forum à la
Nouvelle-Orléans puis en juin à la National Computer Conference. Il est prévu de
le mettre en vente en août, et pour le prix annoncé de 100 $ VisiCalc sera
peut-être une des meilleures affaires de notre époque.
Bien qu’il soit difficile à
décrire VisiCalc semble évident quand on le voit. En quelques minutes des
personnes qui n’avaient jamais utilisé d’ordinateur auparavant se trouvent en
train d’écrire et d’utiliser des programmes. Alors que vous travaillez tout
simplement en anglais, le programme est exécuté en langage machine – mais en ce
qui vous concerne, c’est transparent : vous écrivez sur ce tableau noir
électronique ce que vous voulez faire – et il le fait (…)
VisiCalc est tellement
puissant, commode, universel, simple d’usage, et son prix est si raisonnable
qu’il sera sans doute l’un des programmes qui se vendront le mieux. Il nous est
impossible d’imaginer qu’un utilisateur professionnel puisse ne pas s’équiper de
VisiCalc, et ne pas s’en servir souvent.
Il est important de souligner
que l’utilisateur n’a besoin d’aucune connaissance sur l’ordinateur ou la
programmation pour tirer parti de VisiCalc. Vous construisez votre programme sur
VisiCalc de la même façon que vous décririez votre problème sur un tableau noir
ou une feuille de papier – à ceci près que VisiCalc le traite automatiquement,
rapidement et exactement. Cela encourage à faire des variantes, cela permet de
fréquentes mises à jour ou des modifications. Les programmes que vous avez
créés, ainsi que leurs résultats, peuvent être enregistrés sur le disque dur ou
imprimés.
Même lorsqu’il est possible de
programmer dans un langage conventionnel, il sera souvent préférable d’utiliser
VisiCalc. J’ai ainsi récemment écrit un programme de calcul de rentabilité en
Basic : un assez joli programme, je dois dire, mais dont l'écriture et le
déboguage m’ont pris trop de temps (de l’ordre de vingt heures) et qui manque
encore de souplesse. Aujourd’hui j’ai programmé en quinze minutes le calcul de
rentabilité en VisiCalc ! Et il m’offre en plus souplesse et
visibilité : on peut voir un changement dans les hypothèses se propager pour
aboutir à la modification des résultats.
VisiCalc ne peut pas tout faire, il a encore de nombreuses lacunes (par exemple il est incapable de calculer
les fonctions transcendantes). Mais il permet de traiter les nombreux problèmes
qui réclament interactivité et souplesse. Et il semble unique en son genre dans
le monde du logiciel : les spécialistes du mainframe à qui je l’ai montré m’ont
dit que rien de semblable n’existait sur leurs machines.
Alors, qui sait ? VisiCalc est
peut-être la queue qui fera remuer (et vendre) le chien qu’est le
micro-ordinateur. |