A propos de l’effet de serre
(Cf. Jean-Marc Jancovici,
" Le réchauffement climatique, réponse à quelques questions
élémentaires ", La Jaune et la Rouge, mai 2000.)
On entend souvent mettre en doute
la réalité de l’effet de serre, à partir de l’argument suivant :
" personne n’a pu démontrer que la hausse actuellement constatée
de la température moyenne de la planète était due à l’effet de serre, car
on ne peut pas, statistiquement, la distinguer de celles qui ont eu lieu
historiquement soit par variation aléatoire, soit par variation
cyclique ".
Le fait évoqué par cette
argumentation est exact, et pourtant il porte à faux : il ne démontre
nullement que l’effet de serre n’existe pas.
Existence de l’effet de serre
L’examen des
" carottes " extraites des glaces polaires permet de
connaître avec exactitude l’évolution historique de la proportion des gaz à
effet de serre dans l’atmosphère :
Il apparaît clairement que la
proportion de dioxyde de carbone (CO2, le principal gaz à effet de
serre) croît exponentiellement depuis le milieu du XVIIIème siècle, c’est-à-dire
depuis le début de la révolution industrielle et de la consommation intensive
de combustibles fossiles qui l’a caractérisée.
La durée de vie du CO2
dans l’atmosphère est de 100 ans ; pour pouvoir faire diminuer sa
proportion, il ne suffirait pas de faire cesser la croissance des émissions,
car la proportion va croître si l’on émet plus de CO2 que les
océans ne peuvent en absorber (D'après le GIEC, la biosphère sait absorber
une émission de 3 Gt/an d’équivalent carbone. La quantité actuellement
émise est de 6 Gt/an). Les programmes politiques actuellement en
discussion sont donc très timides en regard des exigences de la
situation : il est vrai qu’il est très difficile d’infléchir une
exponentielle.
La croissance industrielle des
pays pauvres, notamment de la Chine, souhaitable à tous les autres égards, va
avoir pour effet au contraire d’accélérer la diffusion de CO2
dans l’atmosphère, et donc de continuer la croissance exponentielle de sa
proportion.
Les spécialistes ont construit
plusieurs modèles permettant de simuler l’évolution de la température
moyenne de la planète ; ces modèles donnent des résultats divers, mais
tous indiquent une hausse significative, comme le montre le graphique ci-dessous
où l’on a représenté tous les résultats des simulations :
L’augmentation future de la
température est donc certaine, contrairement au raisonnement indiqué au début
de cette annexe. Elle aura d’importantes conséquences géopolitiques, à
côté desquelles les tensions que connaît actuellement la planète
(Yougoslavie, Moyen Orient, Rwanda et Burundi) apparaîtront bien peu de choses.
Simulation du réchauffement
Nous allons pour notre part
simuler le réchauffement de la planète en utilisant le petit modèle
suivant :
Notons R le rayonnement reçu par
la terre (342 W/m2), R’ le rayonnement qu’elle réémet.
Supposons que R’ soit fonction
de la température moyenne t de la terre et de la concentration c du CO2
dans l’atmosphère, de la forme :
R’ = at - bc + e, avec a et b positifs.
Pour ce modèle, nous supposons que toutes les
fonctions sont affines : cela revient à supposer que l’on est dans le
domaine des petites variations, et que l’approximation d’une fonction par
son développement d’ordre un est valable. Cette approximation n’est pas
acceptable si (a) les variations considérées des variables exogènes sortent
de la zone où le développement d’ordre un est acceptable ; (b) il
existe des effets de seuil rompant la continuité de la fonction. Le modèle
représente donc une première exploration qui serait à compléter pour tenir
compte de ces deux limitations.
La valeur observée de c était
de 280 ppmv (parties par million en
volume) jusqu’en 1800, de 300 ppmv en 1900 et de 380 ppmv en 2000, soit
une croissance moyenne de 0,24 % par an pendant le XXème siècle.
Si R’ = R, la température
reste au même niveau t. La température d’équilibre est donc t
telle que :
R = at - bc - e, soit :
t
= (R + bc - e)/a
Il en résulte la conséquence
attendue : la température d’équilibre est d’autant plus élevée
que la concentration c en CO2 est plus forte.
Supposons que l’accroissement
annuel de la température est fonction linéaire du rayonnement
" piégé " R - R’ :
Dt = f(R - R’) =
af(t - t).
Nous voulons, pour rendre le
modèle réaliste, respecter deux contraintes censées résumer l’expérience :
-
les modèles montrent que si la concentration
de C02 montait de 1 % par an, cela entraînerait un
réchauffement de 1°C.
-
nous supposerons que la température moyenne
avec une concentration de CO2 de 280 ppmv est de 10°C.
Nous prendrons les paramètres
suivants, ajustés de façon à respecter les deux contraintes
précédentes :
R |
342 |
a |
46,12 |
b |
0,42 |
c |
280 |
e |
0 |
f |
0,005 |
Il en résulte les évolutions
suivantes : si l’on suppose que la concentration en CO2 passe
brusquement de 280 à 290 ppmv (hypothèse irréaliste, mais que nous essayons
" pour voir "), l’évolution de la température moyenne de
la terre a l’allure suivante :
La moitié de la hausse de la
température se produit en trois ans (la vitesse de cette convergence dépend de
façon cruciale du coefficient f, ici égal à 0,005).
Supposons que dès l’année 1
la concentration de CO2 se mette à croître de 0,24 % par an. Il en
résulte une augmentation régulière de la température moyenne :
La hausse de la température a un
léger retard par rapport à celle de la concentration en CO2, puis
les deux rythmes se stabilisent. L’augmentation de la température limite se
fait à un rythme qui est, au décalage près entre la température constatée
et la température limite, fonction croissante de la concentration du CO2
car :
Dt/t
= [bc/(R + bc)] Dc/c
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