Automatisme
et intelligence
Introduction
« Ne
tournons pas nos regards vers l’Amérique pour copier servilement les
institutions qu’elle s’est données, mais pour mieux comprendre celles
qui nous conviennent, moins pour y puiser des exemples que des
enseignements, pour lui emprunter les principes plutôt que les détails de
ses lois. »
(Alexis
de Tocqueville, avertissement de la douzième édition de La démocratie
en Amérique, in Oeuvres complètes, Gallimard, 1951, p. XLIV).
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L’histoire de
l’informatique s’éclaire si on la situe dans la perspective de
l’industrialisation du travail de bureau dont on peut situer le début vers
1880 à Chicago. Longtemps utilisée pour accroître la productivité du travail
en automatisant des tâches répétitives, elle s’est enrichie dans les années
1990 des apports de la bureautique communicante et équipe désormais les
processus de production au plus près de leur déroulement :
l’entreprise, entrée dans l’ère du travail assisté par ordinateur,
doit s’efforcer d’articuler au mieux deux ressources : l’organisation
de l’être humain et l’automate programmable. Cette tâche n’est pas aisée,
car l’ordre n’est pas l’état naturel du système d’information :
bien au contraire, une entropie inlassable sape sa qualité et y introduit un désordre
contre lequel il convient de lutter avec persévérance.
Même si la contribution des
Européens à l’informatique a été importante, ses progrès essentiels de
l’informatique ont tous été réalisés aux États-Unis. L’informatique étant
à la fine pointe de l’organisation de l’entreprise, elle est toute
naturelle pour les Américains dont le pays a, dès sa formation, attribué à
l’Entreprise l’hégémonie culturelle alors qu’elle appartenait en Europe
à l’État. Cela n’excuse en rien l’insouciance avec laquelle les Européens,
et plus particulièrement les Français, ont gaspillé leurs compétences.
L’informatique a des limites :
il existe des problèmes que l’ordinateur ne peut pas traiter. Soit ces problèmes
constituent un défi pour la logique elle-même, soit ils exigent une trop
grande durée de travail, soit ils butent contre les bornes de la précision du
calcul. Mais cela ne doit pas empêcher de continuer à explorer le vaste
domaine des utilisations possibles.
Pour réussir l’articulation
du travail humain et de l’automate, il faut percevoir clairement la différence
entre l’ordinateur et le cerveau humain : on ne peut pas en effet
articuler deux êtres dont on aurait postulé l’identité. Cette question a été
obscurcie par les discussions passionnées et passionnelles sur l’« intelligence
de l’ordinateur », discussions qui s’éclaire si on la situe sur
l’arrière-plan culturel se trouve des États-Unis : est-il possible de
planifier l’action au point que l’être humain, pour être efficace, doive
se faire l’exécutant d’un automate pré-programmé ? ou bien
l’action, avec ses incertitudes, nécessite-t-elle que l’on préserve la
capacité de synthèse, de compréhension et de décision qui est propre au
cerveau humain ?
16 novembre 2002
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