Commentaire sur :
David S. Bennahum "Extra Life"
Basic Books 1998
Un critique a dit que ce livre était "A Catcher in
the Rye for the Atari generation". Pourtant, et même si son style est plaisant,
Bennahum ne rivalise pas avec Salinger sur le terrain du langage. Mais il y a tout de
même du vrai dans cette appréciation.
L'auteur raconte comment sa personnalité s'est formée par
la rencontre avec les jeux vidéo, puis l'ordinateur personnel, enfin l'ordinateur
partagé et la programmation. Ce gamin des années 70 (Bennahum est né en 1967) était
gêné par son strabisme et une difficulté à coordonner ses mouvements ; il fut
désorienté par les nombreux déménagements de sa famille, puis par la mésentente entre
ses parents. Il avait trouvé refuge dans un monde imaginaire, "virtuel" avant
la lettre. L'ordinateur et la lecture lui permirent d'élargir ce refuge, de s'y livrer à
des explorations, d'échapper aux pièges de la drogue et de la délinquance.
Les livres nous transforment ; depuis la Renaissance les
effets de la lecture sur le développement personnel ont été souvent expérimentés et
décrits. L'ordinateur nous transforme aussi, mais avant ce livre cette expérience
n'avait pas été décrite dans ses détails et sa profondeur. En retraçant un parcours
singulier, Bennahum aide à mieux comprendre notre propre aventure. Nos relations, notre
expression, l'organisation de nos journées ont été transformées par la messagerie, le
traitement de texte, l'agenda électronique, la documentation en réseau. Les langages de
programmation nous ont ouvert un espace de liberté dont l'entrée se paie bien sûr par
un apprentissage pénible. Quant au Web, il va changer notre façon de travailler, de
faire du commerce, sans parler de l'accès à l'information...
Nous avons acquis, de façon confuse, de nouveaux savoir
faire, et nous cherchons de nouveaux savoir vivre. Il était bon d'en faire le bilan.
Particulièrement intéressants : un raccourci sur l'histoire
des ordinateurs pp. 159 à 164, et un commentaire sur
Microsoft p. 227.
Bennahum s'arrête toutefois au seuil de ce que nous
apercevons aujourd'hui : avec Linux, retour en force du développement en réseau dont il
a la nostalgie, recul prévisible du progiciel sur étagère, compilé, clos et
intouchable, et donc une ère pleine d'intérêt pour l'utilisateur. Avec UML, Java,
Corba, changement du rôle et de la nature du système d'information de l'entreprise. Avec
Jini, peut-être, extension de l'informatisation à nos équipements familiers. Ces trois
mouvements complémentaires constituent ce que j'appelle "la nouvelle
informatique". Bennahum en signale les prémices, mais ne la décrit pas dans ce
livre alors qu'il ne parle que d'elle dans sa lettre périodique "Meme" ( http://www.memex.org ).
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