J’avais feuilleté chez un
bouquiniste les œuvres de Paul-Louis Courier dans l’édition Firmin-Didot de
1877. J’ai été séduit par leur style, il m’est resté en mémoire. Je les ai
retrouvées en format pdf sur
http://gallica.bnf.fr puis imprimées pour les lire à loisir. Je ne saurais
trop vous conseiller de faire de même.
Son père l’avait élevé dans le
culte de l’antiquité et de la langue grecques. Formé comme officier
d’artillerie, il fait la guerre sous la République et l’Empire. Son caractère
indépendant l’empêche cependant d’avancer au-delà du grade de commandant.
Il décrit la guerre en Calabre
dans des lettres qui ont dû faire les délices de Stendhal. Cette guerre est affreuse :
parmi les soldats qui tombent dans une embuscade, les plus chanceux trouvent la
mort, les prisonniers « servent de jouet pendant quelques jours à leurs
bourreaux » qui « les font brûler bien doucement ». Des massacres répliquent aux
embuscades.
L’officier érudit se régale, entre deux
guets-apens d’où sa connaissance de l’italien, son éloquence et surtout la chance
le tirent de justesse, à découvrir des restes de l’antiquité,
traduire des inscriptions, dénicher des manuscrits inconnus. Ses traductions
du grec sont exemplaires ; la préface de son Hérodote est une bonne introduction
à l’histoire de la littérature.
Une de ses découvertes
occasionnera un conflit avec des bibliothécaires de Florence : je vous laisse le
plaisir de lire ce récit plein de verve.
* *
Courier n’aime pas les
massacreurs. S’il respecte le général Bonaparte, il n’estime pas l’empereur
Napoléon : « quand on s’appelle Bonaparte, se faire donner du Sire, c’est
descendre ». Il déteste les courtisans.
Sous la Restauration il reprend
l’exploitation agricole de ses parents. Les « cagots » qui sont alors au pouvoir
lui répugnent. Il publie des pamphlets qui s’inspirent des Provinciales de
Pascal : Pétition à la Chambre des Députés pour les villageois que l’on
empêche de danser (1820), Simple discours (1821), Pamphlet des
pamphlets (1824) etc. ; s'y s’ajoutent les lettres qu’il fait
publier par des journaux. Ces écrits étincelants lui valent une gloire que les
condamnations à des peines de prison ne font qu’accroître.
Il fallait du courage, à
l’époque, pour mettre les rieurs de son côté avec tant d’insolence ; mais sans
doute était-il difficile pour les cagots d’intimider un homme qui avait si souvent vu la mort de près.
Courier se savait menacé par
des ennemis politiques. Il finit à 52 ans, assassiné d’un coup de fusil par un
de ses domestiques.
Sa langue limpide et vive me
paraît supérieure à celle de Stendhal et peut-être même à celle de Chateaubriand ; elle
est évidemment supérieure à celle de Balzac. Il cite souvent et à propos Pascal,
La Fontaine et Molière qui étaient ses seuls maîtres après les Grecs. En le
lisant on prend deux leçons à la fois : l’une de français, l’autre de courage
civique. |