- Commentaire sur :
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- Jeanne Favret-Saada, Les mots, la
mort, les sorts, Gallimard 1977
L'anthropologie s'intéressait aux peuplades
dites primitives, non
aux Français. Jeanne Favret-Saada a pris le risque d'orienter son regard vers notre
propre culture en étudiant la sorcellerie dans le bocage normand, c'est-à-dire dans une de ces
campagnes dont nous sommes tous issus. Elle a failli le payer cher, tant sur le plan
personnel que professionnel.
On peut lire son livre comme le récit d'une expérience
scientifique passionnante. On peut aussi transposer les concepts qu'elle dégage, et
appliquer ses méthodes d'analyse à notre vie quotidienne, par exemple à nod entreprises.
Certes, il ne se répand pas de sel sur le seuil de nos bureaux, il ne se cloue pas de
chouettes sur nos "paper boards", il ne s'envoie pas de malédictions par e-mail
; mais symboliquement ... Regardez comment luttent les réseaux d'influence, comment
fonctionne l'exclusion des perdants, sur quels mécanismes médiatiques se forgent les
"images", ces doubles qui mènent une vie souvent plus agitée que les personnes
qu'ils représentent ; voyez cette foi idolâtrique en la pérennité de l'entreprise, en la pertinence des idées reçues par les corporations qui se partagent l'influence.
Jeanne Favret-Saada a écrit quelques lignes superbes sur
notre surdité lorsque nous entendons des propos non
conformes à nos préjugés.
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