Vous piochez dans la
bibliothèque d’un ami, feuilletez des livres, une phrase vous saute à la
figure. Alors vous notez le titre du livre ou vous l’empruntez.
Chien blanc, publié en
1970, nous parle comme s’il était écrit aujourd’hui. Romain Gary était un homme
sensible et impulsif et il avait du mal à se « tenir en laisse ». Les bons
sentiments politiquement corrects, le mensonge à soi-même (qui est le pire des
mensonges, voire le seul mensonge) le mettent hors de lui. Il respecte la
loyauté, la générosité, la droiture.
Son épouse, Jean Seberg, milite
pour la cause des noirs américains – mais que vaut cette cause si elle répond au
mépris par la haine et si elle fait porter aux blancs d’aujourd’hui, comme un
péché originel, la responsabilité de crimes commis par leurs lointains ancêtres ?
Pour soulager une mauvaise conscience douloureuse, Jean Seberg se ruine en signant
chèque après chèque à des escrocs à peau noire.
Gary a vu de près, lors de ses voyages,
la misère et l’oppression ; lorsqu’il arrive à Paris en mai 68, il
qualifie les « événements » d’une phrase qui frappe comme un coup de griffe : « une émeute de souris dans un
fromage ».
Il rapporte des propos de Robert Kennedy
d’une étonnante actualité : « Nous
vivons à une époque d’extraordinaire contagion psychique. Parce qu’un type tue
Martin Luther King, un « contaminé » à Berlin va immédiatement tenter de tuer un
leader des étudiants allemands. Il faudrait faire une étude profonde de la traumatisation des individus par les mass media qui vivent de climats
dramatiques qu’ils intensifient et exploitent, faisant naître un besoin
permanent d’événements spectaculaires. (…) J’en viens même à me demander si une
sorte de besoin de création ne finit pas par pousser à la violence ceux des
jeunes qui n’ont pas de talent artistique ou d’autres moyens de s’exprimer ».
En effet si l’imaginaire a pour seul horizon
de devenir vedette, prince ou princesse, de passer à la télévision, de faire
parler de soi dans les journaux, tous les moyens ne sont-ils pas bons ? Youssouf Fofana plastronne devant les journalistes,
des imbéciles s’inspirent de
son exemple, alors que celui qui fait effort pour maîtriser ses impulsions et
comprendre sa situation passe pour un pauvre type, que celui qui aime à lire est
méprisé...
Le goût pour la rigueur
classique, jadis signe de conservatisme et de conformisme obtus, n’est-il pas devenu une forme
de résistance envers la correction politique et culturelle ? Après avoir subi une
collision avec la musique techno, quelle
fraîcheur on trouve dans Haendel et Scarlatti... |