Ce petit livre est le texte
d’une conférence lors de laquelle Angus Maddison a condensé le résultat de ses
travaux et réflexions.
Maddison a appliqué à
l’histoire les méthodes de la comptabilité nationale (population, durée du
travail, capital fixe, fonction de production, PIB, exportations et
importations, consommation et épargne etc.). Il a ainsi évalué sur quelques
siècles les comptes du monde, des continents et des nations. Cela lui a fourni
des séries longues dont l’examen est instructif.
Une telle démarche a de quoi
faire frémir le statisticien qui connaît la fragilité des sources et qui,
surtout, s’inquiète de voir appliqué, à des systèmes économiques très
différents, un cadre conceptuel qui a été conçu à partir des années 1930 pour
décrire une économie très spécifique et datée. Mais cette rigueur, si on lui
obéit jusqu’au bout, invalide toutes les séries chronologiques longues et même
des séries relativement courtes, qui toutes s’obtiennent en plaquant un même
cadre conceptuel sur une réalité historique changeante. Il n’est pas illégitime
de s’en affranchir à titre d’exercice pour « voir ce que cela donne » tout en
gardant l’esprit critique.
L’évaluation quantitative, dans
sa froideur, contribue à éclairer des questions qui nous tracassent :
comparaison entre l’économie de la Chine et celle de l’Europe ; rôle de
l’esclavage ; déploiement, richesse puis régression de l’islam, de l’empire
espagnol ; conquête du monde par l’Angleterre, confortée par son
industrialisation ; transformations de la démographie etc.
Maddison voit dans la rupture
de 1973 la fin d’une période de croissance. Il ne perçoit pas le changement de
système technique dont cette rupture a été l’occasion, l’émergence d’une
synergie entre le logiciel et la microélectronique et l’automatisation qui en
est résultée. Il juge erronées les tentatives qui visent à tenir compte de
l’effet qualité dans l’évaluation du PIB en volume.
Comme il s’appuie sur la
comptabilité nationale, adéquate au système technique qui cultivait la synergie
entre la mécanique et la chimie, il est en effet désarmé pour décrire
l’économie, la société qui se construisent autour d’un système technique tout
autre. Il n’est pas le seul : dans cette économie, dans cette société,
n’avançons-nous pas à l’aveuglette ? |