Quand on réduit la taille des transistors, les circuits intégrés deviennent plus
puissants, plus rapides et dissipent moins de chaleur : l’essentiel des progrès
que décrit la
"loi de Moore"
résulte d’une miniaturisation qui a, par ailleurs, permis de concentrer la
mémoire et la puissance de calcul dans des volumes de plus en plus réduits.
Lorsque les dimensions se réduisent on passe
progressivement de la taille du micromètre µm (on l'appelait jadis "micron", il
mesure un millième de millimètre ou 10-6 m) à celle du nanomètre nm
(un millième de micromètre ou 10-9 m). On considère alors un univers
physique très différent de celui de notre vie courante :
- le nanomètre est l’ordre de grandeur des
molécules et des atomes ; il permet d’observer leur comportement individuel
alors que nous ne percevons d’habitude que le résultat statistique du
comportement de nombreux atomes, molécules et cellules ;
- à cette dimension le modèle qui décrit les
phénomènes physiques est celui de la mécanique quantique qui associe à chaque
particule une onde probabiliste, et on n’y voit pas grand chose : la limite en
dessous de laquelle tout apparaît flou est de 0,5 µm pour les microscopes
optiques ordinaires, de 0,2 nm pour les microscopes électroniques.
Les modèles qui rendent compte du nanomonde
sont donc spécifiques ainsi que les outils que l’on peut y utiliser et ceux
qu’il fournit.
* *
Les premières réalisations se situent dans
le prolongement de la microélectronique : il s’agit d’obtenir des circuits
intégrés toujours plus performants. Mais d’autres réalisations se profilent :
les nanotechnologies permettent une ingénierie moléculaire (comme par exemple la
production de nanotubes de carbone), et aussi, en jouant avec les protéines, une
« programmation » qui, en utilisant le vocabulaire des molécules d’ADN, semble
enjamber la frontière entre l’inerte et le vivant.
Ainsi s’ouvre un nouveau continent
technique. On peut utiliser les mécanismes de reconnaissance mutuelle que
mettent en œuvre les protéines pour réaliser des calculs qui sont difficiles
pour un ordinateur (par exemple, pour résoudre le problème du commis voyageur,
p. 182). Dans le nanomonde, la recherche exige que l’on enjambe les frontières
qui séparent les disciplines : chimie, physique et biologie se rejoignent. Des
implants procureront la vue aux aveugles, l’audition aux sourds, un dosage plus
précis et une action plus ciblée des médicaments.
La miniaturisation et l’ubiquité du réseau
permettront d’informatiser le corps humain, de le plonger dans
l'espace logique.
Ces possibilités nouvelles s’accompagneront d’autant de dangers nouveaux – il en
était de même lorsque les êtres humains ont inventé la parole, l’écriture,
l’imprimerie.
En lisant Jean-Louis Pautrat, on parcourt une étonnante
diversité de domaines et d’applications. La lecture n’est pas facile, parce que
chaque domaine possède une structure et un vocabulaire particuliers : pour que
l’on puisse se familiariser avec chacun d’entre eux et y poser des repères, il
aurait fallu un plus gros livre – ce qui est, sans doute, contraire aux
exigences des éditeurs d’aujourd’hui. |