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Commentaire sur :

Pascal Petit, Croissance et richesse des nations, La Découverte 2006


Pour lire un peu plus :

- e-conomie
- La richesse des nations (2005)

Ce petit livre est une somme. J'admire l'élégance, la clarté de l'écriture ainsi que l'ampleur des sujets évoqués. Tout y est : la croissance bien sûr, l’emploi, la mondialisation, les « nouvelles technologies », l’organisation des entreprises, la compétitivité et la spécialisation des nations, l’économie de l’information etc.

J'observe cependant une lacune qui me trouble. Si les phénomènes de l’économie contemporaine sont décrits, l’explication qui les relie fait défaut. C'est me semble-t-il comme si pour décrire une machine à vapeur on parlait de pistons et de bielles, de pression et de régulateur, mais non du foyer qui fournit l'énergie. Ou encore, c'est comme si l'on évoquait le changement climatique sans parler de l'effet de serre.

Or cette explication, Pascal Petit la connaît : la « fonction de production à coût fixe » avait servi de pivot à un groupe de travail du Plan auquel nous avons participé tous deux et dont les résultats ont été publiés dans e-conomie.

L’idée sous-jacente est que le coût de production d’un produit réside tout entier dans son coût de conception, autrement dit que le coût marginal est nul ou négligeable : cette hypothèse attribue une portée générale au rendement d'échelle croissant que l’on constate dans la production des circuits intégrés et, plus encore, des logiciels. Le travail n'intervient plus comme un flux mais comme un stock - c'est-à-dire comme un capital. Le marché s'équilibre sous le régime de la concurrence monopoliste. Il en résulte de profonds changements dans le fonctionnement de l'économie.

L'hypothèse mérite certes d'être nuancée et complétée, par exemple pour traiter le dimensionnement des réseaux ou rendre compte du rendement décroissant qui s'impose au plan macroéconomique. Mais aucune expérience ne l'a me semble-t-il jusqu'ici fondamentalement invalidée et elle permet d'expliquer (les économistes disent « endogénéiser ») nombre des phénomènes qu’évoque Pascal Petit (concurrence monopoliste, diversification des produits, déséquilibre du marché du travail, montée des services, mondialisation, retour en force de la prédation etc.). Elle permet aussi de substituer à des expressions trop vagues comme « économie de l'information » ou « économie du savoir » une autre, que je crois plus exacte, qui serait « économie de la conception » ou si l'on veut « économie du design ».  

J'ai bien aimé l’approche des institutions dans le chapitre VI, intitulé « Un capitalisme social mondial est-il possible ? ». Ce que Pascal Petit appelle « institution », c'est un ensemble de règles, d'habitudes, de structures de décision organisées autour des pôles de légitimité. Les institutions relèvent d'une autre logique que celle, physique, de la fonction de production, mais c'est par les institutions que doit passer l'adaptation à un nouveau système technique. Pascal Petit montre la nécessité et la difficulté de cette adaptation.

Mais n'aurait-il pas été opportun, puisqu'il faut mobiliser les volontés pour changer des règles et des habitudes, de regrouper un ensemble complexe de phénomènes autour d'une explication centrale relativement simple, fût-ce en la précisant, comme celle que fournit l’hypothèse du « coût fixe » ?