Cette fiche est une mise à jour
de La richesse des Nations (2003), à laquelle on la
comparera utilement.
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L’INED a publié « Tous les pays
du monde 2005 »,
qui fournit pour chacun des 205 pays les données démographiques disponibles ainsi que
l’estimation du PNB 2003
par habitant. Le PNB par habitant, mesuré ici en $ US p.p.a. (« en parité du
pouvoir d’achat »), évalue la richesse moyenne de la population du pays
considéré. Nous l'appellerons « richesse » tout court.
Certes, cet indicateur prête à
discussion :
- comme les pondérations utilisées pour le mesurer reflètent la structure de la
consommation dans les pays les plus riches, le PNB sous-évalue sans doute la richesse des autres pays ;
- le poids économique d’un pays doit être évalué non selon la richesse par
tête, mais selon la richesse totale (produit de la richesse par tête par la
taille de la population) ;
- la richesse par tête est une information insuffisante si on ne la complète pas par
la mesure des inégalités ;
- cet indicateur reflète une situation instantanée qu’il n'explique pas plus qu'il ne permet d'anticiper l'évolution future ;
- pour 39 pays, le PNB par habitant n'est pas indiqué : la comparaison ne peut
donc porter que sur les 166 pays restants. Ils représentent toutefois 97 % de la
population mondiale.
Il convient donc de prendre cet
indicateur pour ce qu’il est : une photographie imparfaite, incomplète, qui
demande à être interprétée. Nous allons cependant tâcher de le faire parler.
Distribution de la richesse entre pays.
Considérons d’abord la courbe
cumulative de la richesse en mettant en abscisse la population cumulée, en
ordonnée la richesse cumulée (les pays sont empilés dans l’ordre de la richesse
décroissante). Cette courbe donne une vue synthétique de la répartition de la
richesse mondiale entre pays.
A eux seuls les Etats-Unis, qui
représentent 5 % de la population, produisent 22 % de la richesse mondiale. La
moitié de la richesse est produite par des pays qui représentent 13 % de la
population. Les pays les plus pauvres, 20 % de la population, se partagent 3 % de
la richesse.
Classement des pays les plus riches
Pour recouper richesse et
démographie, il faut se fixer un seuil de taille : certains pays, concentrés
autour d’une ressource spécifique (minière, géographique ou institutionnelle),
constituent des exceptions : si la région Île-de-France était un pays, ce pays
serait l’un des plus riches. Le Luxembourgeois, dont le pays s'est spécialisé
dans la finance, a le revenu le plus élevé du monde.
La mesure de la richesse sera plus significative si on considère une population
de grande taille. En fixant le seuil à 20 millions d’habitants on conserve 52
pays parmi les 205 pays du monde, et 88 % de la population mondiale.
Pour cinq de ces pays la
mesure du PNB n’est pas disponible : Myanmar (Birmanie), Afghanistan, Irak,
Corée du Nord et Taïwan. Il reste finalement 47 pays représentant 86 % de la
population mondiale. Nous allons examiner sur cet ensemble quelques
corrélations significatives.
Regardons d'abord comment a évolué dans
cet ensemble le classement des pays les plus riches. J’ai consulté pour cela
quatre éditions de « Tous les pays du monde », et obtenu le graphique suivant en
retenant les neuf pays les plus riches (le dixième pays dans l'ordre du
classement, la Corée du Sud, est nettement moins riche que le neuvième : alors
que le PNB par habitant est en 2003 égal à 22 150 $ pour l'Espagne, il est égal
à 18 000 $ pour la Corée du Sud).
La France (27 640 $)
figure parmi les neuf pays ayant plus de 20 millions d'habitants les plus riches. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de
misère en France, mais cette question concerne la distribution de la richesse et
non pas son niveau moyen.
La France était classée
quatrième en 1994 (après les Etats-Unis, le Japon et le Canada), sixième en 1999
(elle a été doublée par l’Australie et l’Allemagne), huitième en 2001 (elle a
été doublée par le Royaume-Uni et l’Italie), et de nouveau sixième en 2003 (elle a doublé
l'Allemagne et l'Italie). Toutefois ces fluctuations du classement n'ont pas une
grande signification : en fait le classement de ces neuf pays comporte un leader
qui mène la course en tête
(les Etats-Unis, 37 750 $), un traînard qui reste en queue (l'Espagne, 22 150 $) et, au
milieu, un peloton bien serré à l'intérieur duquel les écarts sont relativement petits.
Par ailleurs une population qui
comprend beaucoup de jeunes ou de vieux sera, à productivité égale, moins riche
qu’une population qui a peu d’enfants ou une durée de vie courte. Il faut pour
comparer les productivités considérer plutôt le PNB par personne d’âge actif. On
obtient le résultat suivant en ne considérant que la population dont l'âge se
situe entre 15 et 65 ans :
La France était selon ce
critère classée sixième
en 1994, quatrième en 1999, sixième en 2001 et cinquième en 2003. Par ailleurs,
le graphique fait apparaître que le peloton est encore plus resserré quand on ne
considère que la population d'âge actif. Au total, et
si l'on en croit la mesure du PNB, on ne perçoit pas de déclin de la
France...
Les évaluations ci-dessus sont
en dollar courant. Pour percevoir l'évolution du pouvoir d'achat, il faut tout
ramener aux prix de 2003 (d'après le Bureau of Labor
http://data.bls.gov/cgi-bin/cpicalc.pl ), un dollar de 1994 vaut 1,24 $ de
2003 etc.). L'évolution des PNB en volume a alors l'allure suivante :
Richesse et croissance de la population
Quand on met en relation le PNB
par tête et le solde naturel (naissances moins décès) en pourcentage de la
population, on voit que la population des
pays riches croît lentement ou même décroît (Allemagne et Italie) alors que la
population des pays pauvres croît rapidement (Yémen, Congo ex-Zaïre). Un
raisonnement économique « à la Adam Smith » voudrait que les personnes qui sont
le plus « à l’aise » fussent celles qui ont le plus d’enfants, mais il est contredit par les faits. Cela s’explique par des raisons culturelles, des
traditions - et aussi par le fait que, dans un pays pauvre, avoir des enfants est une
façon de se garantir l’équivalent d’une retraite.
On ne pourra donc pas compter sur la
démographie pour résorber les inégalités entre pays : toutes choses égales
d’ailleurs, plus la croissance démographique est rapide moins la richesse
s’accroît.
Les anciens pays de l’Est
(Ukraine, Russie, Roumanie) font exception : leur solde naturel est négatif
alors qu’ils sont pauvres. Ce sont des pays dont l'économie est en convalescence
et qui rejoindront sans doute dans quelques années le peloton des pays riches.
Les Etats-Unis font eux aussi
exception : leur croissance naturelle est forte alors qu’ils sont de loin le
pays le plus riche. On remarque aussi la croissance de la population de l'Arabie
Saoudite.
Dans le peloton des pays
riches, la croissance de la population de la France est forte : elle n’est
dépassée que par les Etats-Unis et l’Australie.
Richesse et espérance de vie à la naissance
L’espérance de vie dans les
pays les plus pauvres (moins de 5 000 $) s’étale de 43,5 ans (Nigeria) à 73 ans
(Venezuela). Au dessus de 5 000 $, l’espérance de vie est fortement corrélée
avec la richesse ; elle est maximale au Japon (81,5 ans). La France se
trouve dans le peloton des pays à fort PNB par tête et forte espérance de vie
(80,5 ans).
On note deux exceptions à la
tendance générale : l’Afrique du Sud, où l’espérance de vie (51,5 ans) est faible
en regard du PNB par tête, et les Etats-Unis où l’espérance de vie (77,5 ans) est
plus faible que dans les autres pays riches.
Sexe et espérance de vie à la naissance
Au niveau mondial, l’espérance
de vie est de 65 ans pour les hommes, 69 ans pour les femmes, soit un écart de 4
ans (nous considérons ici tous les pays, quelle que soit leur taille). En
France, elle est de 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes, soit un
écart de 7 ans.
L’écart est particulièrement
fort dans certains pays : il est de 13 ans en Russie, 12 ans en Lituanie et en
Biélorussie, 11 ans en Ukraine : l’alcoolisme masculin est la première
explication qui se présente à l’esprit.
Dans certains pays, l’espérance
de vie des femmes est plus basse que celle des hommes : c’est le cas du
Kenya (- 2 ans), de la Zambie et du Lesotho (- 1 an). Ces deux derniers pays sont fortement touchés par le SIDA.
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