L'Expansion m'a demandé un texte de 1500
signes pour
le Forum "Comment la France peut sortir du déclin"
. J'ai envoyé la contribution ci-dessous.
Le discours sur le déclin de la
France m'inspire un sentiment de honte : sommes-nous à ce point inconscients de
la pauvreté du monde, pour geindre de la sorte ? Que devraient dire les pays qui
sont, eux, confrontés pour de vrai à la misère ? (voir
La richesse des Nations).
* *
On parle du « déclin de la
France » parce qu’on la compare à un passé idéalisé. L’insécurité, la crise
politique, le retard économique seraient nouveaux ? Relisons de Maistre,
Chateaubriand, Stendhal, Barrès, Péguy, Maurras, Bernanos : le
sentiment du déclin est,
comme le conflit entre générations, de toutes les époques. Cependant la
statistique, avec sa froide rigueur, montre que la France n’a globalement jamais
été plus riche, ce qui n’implique pas que la richesse soit bien distribuée.
Le sentiment du déclin
s’explique par notre histoire. La blessure de la Révolution n’est pas
cicatrisée. Nous sommes à la fois nostalgiques de l’ancien régime et amoureux de
la République. Nous avons créé de nouvelles aristocraties (de l’argent, du
diplôme, des médias) : chacun rêve de les décapiter tout en tentant de s’y
faufiler.
Notre État s’est construit en
imitant l’Église, nos entreprises imitent cet État : la
compétence y est moins
appréciée que le respect de la liturgie. L’Éducation Nationale, conçue pour
former des cadres possédant ces « bonnes manières » et un minimum de
compétences, a été déséquilibrée par une « démocratisation » qui n’a rien de
démocratique.
Le ressort de l’individualisme,
qui a propulsé l’économie des XIXe et XXe siècles, s’est
relâché depuis que la classe moyenne a atteint un bien-être raisonnable. Les
dirigeants, absorbés par le combat médiatique, négligent d’indiquer un autre
sens à notre société. L’Europe se construit sur l’économie sans élucider les
valeurs qu’elle entend promouvoir.
Il ne s’agit pas d’un déclin
conjoncturel mais de questions de fond. Certaines nous sont propres, certaines
communes avec d’autres. Dans son histoire millénaire, notre pays a relevé des
défis plus graves ! Plutôt que de déplorer un déclin imaginaire, ne ferions-nous
pas mieux de penser à reconstruire nos valeurs ? |