La religion a marqué nos
habitudes. Lors de nos réunions, nous croyons traiter des questions techniques de façon rationnelle. Mais nous nous y comportons comme
si nous participions à une cérémonie religieuse.
J'étais enfant de chœur dans les
années 50 à la paroisse Sainte Geneviève de Bordeaux. Le latin de la messe me revient à l'oreille,
comme dans une hallucination, pour transcrire ce qui se dit dans nos réunions.
Voici un échange
rituel :
Français |
Latin |
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DG :
« Il faut absolument réussir ce projet » |
Prêtre :
« Dominus vobiscum » |
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Participants :
« Nous sommes sûrs d'y arriver » |
Fidèles :
« Et cum spiritu tuo » |
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Certaines tirades convenues se déclenchent
automatiquement, tout comme celles que nous débitions au pied de l’autel :
DG :
« Ce qui compte c'est la bottom line, il faut faire grimper le cours
de l'action pour disposer des fonds propres nécessaires à la croissance,
nous devons tenir la dragée haute à nos concurrents, il faut mettre le
client au cœur de l'entreprise, etc. » |
Enfant
de chœur : « Suscipe Dominus sacrificium de manibus tuis, ad
laudem et gloriam nominis sui, ad utilitatem quoque nostram totiusque
Ecclesiae suae sanctae » |
Il arrive aussi que l’on chante les louanges du
Seigneur :
DG :
« J’ai vu le Président hier soir » |
Prêtre :
« Gloria in excelsis Deo » |
Participants :
« Que pense-t-il de notre projet ? » |
Fidèles :
« Et in terra pax hominibus bonae voluntatis » |
A la fin de la réunion, juste avant que les cahiers ne se
referment,
j’entends un dernier échange en latin :
DG :
« La réunion est terminée » |
Prêtre :
« Ite missa est » |
Participants :
« Dépêchons nous, la cantine va fermer ! » |
Fidèles :
« Deo gratias » |
La liturgie n'est à sa place que dans le culte.
Sa présence dans l'entreprise révèle que la volonté y a été remplacée par la
velléité.
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