L’INED vient de publier « Tous
les pays du monde 2003 »,
qui fournit pour chaque pays les données démographiques disponibles ainsi que
l’estimation du PIB 2001
par habitant. Le PIB par habitant, mesuré ici en $ US p.p.a. (« en parité du
pouvoir d’achat »), évalue la richesse moyenne de la population du pays
considéré. Nous l'appellerons « richesse » tout court.
Cet indicateur prête à
discussion :
- comme les pondérations utilisées pour le mesurer reflètent la structure de la
consommation dans les pays les plus riches, le PIB sous-évalue la richesse des autres pays ;
- le poids économique d’un pays doit être évalué non selon la richesse par
tête, mais selon la richesse totale (produit de la richesse par tête par la
taille de la population) ;
- la richesse par tête est une information insuffisante si on ne la complète pas par
la mesure des inégalités ;
- cet indicateur reflète une situation instantanée qu’il n'explique
pas, pas plus qu'il ne permet d'anticiper l'évolution future.
Il convient donc de prendre cet
indicateur pour ce qu’il est : une photographie imparfaite, incomplète, qui
demande à être interprétée. Nous allons cependant tâcher de le faire parler.
Distribution de la richesse entre pays.
Considérons d’abord la courbe
cumulative de la richesse en mettant en abscisse la population cumulée, en
ordonnée la richesse cumulée (les pays sont empilés dans l’ordre de la richesse
décroissante) : elle donne une vue synthétique de la répartition de la richesse
mondiale entre pays. A eux seuls les Etats-Unis qui représentent 5 % de la
population produisent 22 % de la richesse mondiale. La moitié de la richesse est
produite par des pays qui représentent 13 % de la population. Les pays les plus
pauvres, 20 % de la population, se partagent 4 % de la richesse.
Classement des pays les plus riches
Pour recouper richesse et
démographie, il faut se fixer un seuil de taille : certains pays, concentrés
autour d’une ressource spécifique (minière, géographique ou institutionnelle),
constituent des exceptions : si la région Île-de-France était un pays, ce pays
serait l’un des plus riches ; le Luxembourgeois, dont le pays s'est spécialisé
dans la finance, est plus riche que l’Américain.
La mesure de la richesse sera plus significative si on considère une population
de grande taille. En fixant le seuil à 20 millions d’habitants on conserve le
tiers des 205 pays du monde et 89 % de la population mondiale.
Pour cinq de ces pays cependant la
mesure du PIB n’est pas disponible : Myanmar (Birmanie), Afghanistan, Irak,
Corée du Nord, Taiwan. Il reste finalement 56 pays représentant 86 % de la
population mondiale. Nous allons examiner sur cet ensemble quelques
corrélations significatives.
Regardons comment a évolué dans
cet ensemble le classement des pays les plus riches. J’ai consulté pour cela
trois éditions de « Tous les pays du monde », et obtenu le graphique suivant en
retenant les neuf pays les plus riches :
La France (24 080 $)
figure parmi les dix pays ayant plus de 20 millions d'habitants les plus riches. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de
misère en France, mais cette question concerne la distribution de la richesse et
non son niveau moyen.
La France était classée
quatrième en 1994 (après les Etats-Unis, le Japon et le Canada), sixième en 1999
(elle a été doublée par l’Australie et l’Allemagne), huitième en 2001 (elle a
été doublée par le Royaume-Uni et l’Italie). Certains verront là un symptôme de
déclin. Cependant une population qui comprend beaucoup de jeunes ou de vieux
sera, à productivité égale, moins riche qu’une population qui a peu d’enfants ou
une durée de vie courte. Il faut pour comparer les productivités mesurer plutôt
le PIB par personne d’âge actif. On obtient le résultat suivant en ne
considérant que la population dont l'âge se situe entre 15 et 65 ans :
La France était classée sixième
en 1994, quatrième en 1999, elle est de nouveau sixième en 2001, année où le
peloton de tête est resserré si l’on excepte les Etats-Unis et l’Espagne.
Si l'on considère la productivité, on ne perçoit donc pas de déclin de la
France.
Richesse et croissance de la population
Quand on met en relation le PIB
par tête et le solde naturel (naissances moins décès), on voit que la population des
pays riches croît lentement ou même décroît (Allemagne et Italie) alors que la
population des pays pauvres croît rapidement (Yémen, Congo ex-Zaïre). Un
raisonnement économique « à la Adam Smith » voudrait que les personnes qui sont
le plus « à l’aise » fussent celles qui ont le plus d’enfants : il est contredit par les faits. Cela s’explique par des raisons culturelles, des
traditions - et aussi par le fait que, dans un pays pauvre, avoir des enfants est une
façon de se garantir l’équivalent d’une retraite.
On ne pourra donc pas compter sur la
démographie pour résorber les inégalités entre pays : toutes choses égales
d’ailleurs, plus la croissance démographique est rapide moins la richesse
s’accroît.
Les anciens pays de l’Est
(Ukraine, Russie, Roumanie) font exception : leur solde naturel est négatif
alors qu’ils sont pauvres. Ce sont des pays dont l'économie est en convalescence
et qui rejoindront dans quelques années le peloton des pays riches.
Les Etats-Unis font eux aussi
exception : leur croissance naturelle est forte, alors qu’ils sont de loin le
pays le plus riche. On remarque aussi la croissance de la population de l'Arabie
Saoudite.
Dans le peloton des pays
riches, la croissance de la population de la France est forte : elle n’est
dépassée que par les Etats-Unis et l’Australie.
Richesse et espérance de vie à la naissance
L’espérance de vie dans les
pays les plus pauvres (moins de 5 000 $) s’étale de 40 ans (Angola) à plus de 70
ans (Sri Lanka). Au dessus de 5 000 $, l’espérance de vie est fortement corrélée
avec la richesse ; elle est maximale au Japon (81 ans). La France se trouve dans
le peloton des pays à fort PIB par tête et forte espérance de vie (79 ans).
On note deux exceptions à la
tendance générale : l’Afrique du Sud, où l’espérance de vie (53 ans) est faible
en regard du PIB par tête, et les Etats-Unis où l’espérance de vie (77 ans) est
un peu plus faible que dans les autres pays riches.
Sexe et espérance de vie à la naissance
Au niveau mondial, l’espérance
de vie est de 65 ans pour les hommes, 69 ans pour les femmes, soit un écart de 4
ans (nous considérons ici tous les pays, quelle que soit leur taille). En
France, elle est de 76 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes, soit un
écart de 7 ans.
L’écart est particulièrement
fort dans certains pays : il est de 13 ans en Russie, 12 ans en Ukraine et en
Biélorussie, 11 ans dans les pays baltes : l’alcoolisme masculin est la première
explication qui se présente à l’esprit.
Dans certains pays, l’espérance
de vie des femmes est plus basse que celle des hommes : c’est le cas du Zimbabwe
et du Swaziland (- 3 ans), fortement touchés par le SIDA, et de l’Afghanistan
(-2 ans) où le sort des femmes est notoirement difficile.
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