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Commentaire sur Max Weber, Hindouisme et Bouddhisme, Flammarion 2003

24 avril 2008

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Pour lire un peu plus :

- Reconstruire les valeurs
Ce livre nous fait visiter un continent métaphysique, l'Inde.

Max Weber voulait élaborer une étude sociologique des diverses religions ; plus précisément, il voulait tirer au clair les implications sociologiques des diverses options religieuses. Il n'a pas pu remplir complètement ce programme, mais ce qu'il en a réalisé est impressionnant.

Hindouisme et Bouddhisme est un monument d'érudition, et si sa lecture n'est pas vraiment difficile elle n'est pas facile non plus. Les experts, qui connaissent toujours mieux que quiconque la tête d'épingle à laquelle ils ont consacré leur vie, ont relevé des erreurs dans ce livre ; mais sans doute n'auraient-ils pas été capables, tous tant qu'ils sont, d'une telle ampleur de vues, d'une telle pénétration.

L'Inde a été, est encore, un véritable chaudron métaphysique où cuisent, bouillonnent, s'élaborent, évoluent, toutes les orientations imaginables. On y découvre, non sans quelque étonnement, des dogmes et des mythes qui ressemblent beaucoup à ceux de la Grèce antique et du judaïsme dont nous sommes les héritiers. Y aurait-il eu, à travers la Perse, une influence de l'Inde sur l'Asie mineure et la Grèce ? Cela semble vraisemblable.

La vie intérieure dépend des options métaphysiques, et la vie pratique dépend de la vie intérieure. Ceux qui croient en la métempsychose, par exemple - option qui se situe au-delà de toute démonstration comme de toute expérience et qu'il est donc également impossible de prouver et de réfuter - n'auront pas sur leur vie le même regard que ceux qui, comme dans la tradition chrétienne, croient que chacun n'aura qu'une vie.

Si l'on pense, en effet, que cette vie-ci n'est qu'une des vies par lesquelles il faudra passer avant de parvenir enfin (quel soulagement !) à la toute dernière, on estimera qu'il faut accepter cette vie-là comme elle se présente, l'essentiel étant de se comporter de façon à acquérir des mérites pour progresser dans le cycle des vies successives. Ainsi on adhèrera à la caste dans laquelle on est né (pour cette vie-là), et on se comportera conformément à ses règles.

Certaines castes imposent une honnêteté scrupuleuse et leurs membres, considérés comme les plus fiables des négociants, font fortune dans le commerce. D'autres imposent la générosité, la bienveillance dans les rapports avec les êtres humains : le propos est proche alors des injonctions évangéliques mais il est fondé sur une conception toute différente du destin de la personne.

Par rapport à la floraison métaphysique indienne notre propre tradition, aussi diverse qu'elle puisse être, paraît bien monotone et son dogmatisme bien stérile. Si l'on veut éclairer la diversité des orientations qui, structurant en profondeur les personnalités, déterminent leur volonté, leurs capacités et finalement leur action, si l'on veut comprendre sa propre orientation, ses propres options métaphysiques - que souvent l'on ignore car elles sont masquées par l'évidence même que nous leur attribuons - il est salubre de se plonger dans la lecture de ce livre - voire même dans la relecture, car à coup sûr une seule lecture ne suffit pas pour tirer pleinement parti de ce déferlement.