Le vent de la mode a tourné : le bling-bling est mort .
Les riches ne donnent plus le ton. Il ne convient plus de voyager
en avion privé, de se prélasser sur un yacht, de se meubler somptueusement,
d'occuper de luxueuses résidences, d'employer une nombreuse domesticité, de ne
manger que dans de célèbres mangeoires. C'est ringard, c'est ridicule ! Fini les
Maserati, les montres Patek Philippe, les suites dans les grands hôtels.
Certes les riches ont toujours de l'argent, mais avec la crise
le pouvoir leur a glissé des mains pour passer dans celles des quelques diplômés
laborieux qui, en fixant le montant du prêt, ou de la subvention ou de la
recapitalisation, décident du sort des entreprises en capilotade.
Supposons que vous soyez président d'une grande entreprise que
vous avez menée au fond du gouffre. Le gouvernement ne souhaitant pas
nationaliser votre entreprise, ils vous laissent votre place ; mais ils ne vous
pardonneraient pas de vous servir de somptueux bonus ni de conserver un train de
vie dispendieux et ostentatoire.
La mode est donc désormais celle qu'imposent ces
fonctionnaires qui ne gagnent pas la lune, habitent des logements modestes, font
eux-mêmes leur ménage et se soucient surtout des études de leurs enfants.
Elle s'impose à tous les riches, et pas seulement à ceux qui
ont ruiné leur entreprise ; c'est un ton, c'est un climat, c'est une ambiance.
En temps de crise, il ne faut pas avoir trop d'éclat.
* *
Chers riches, il vous faut donc devenir modestes. Un peu
d'austérité ne vous fera d'ailleurs aucun mal : peut-être en effet aviez-vous
fait fortune trop vite, peut-être cette mode clinquante n'était-elle que du
mauvais goût de nouveau riche. Peut-être allez-vous enfin découvrir cette
sobriété dans laquelle réside le chic véritable, qui rayonne sans qu'on le
remarque.
Il sera intéressant d'observer la volte-face des bling-bling
qui, naguère, vous admiraient au point de vouloir être de vos amis, qui rêvaient
même de s'enrichir pour pouvoir passer dans vos rangs. N'ayant pas d'autre
boussole que la mode, ils vont pour suivre celle-ci devoir se mettre à la
modestie et à la discrétion. Ces balourds vont nous donner là un bien amusant
spectacle.
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David
Brooks, "Ward
Three Morality", The New York Times, 2 février 2009 |