« Bling-bling » est une onomatopée du bruit
que font, s’entrechoquant quand elle bouge, les bijoux d’une personne opulente. Les néologismes ne sont pas tous utiles.
Celui-ci l’est éminemment.
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La mode adulait le petit milieu où l'on
dispose de bateaux de croisière et d’avions à réaction privés, où l'on porte des
vêtements et objets d’un luxe coûteux et voyant, où l'on est fier d’avoir de
gros revenus. Traders speedés à la cocaïne, dealers de quartier à la voiture
rapide, dirigeants surpayés : les prédateurs avaient la cote.
Le père et la mère de famille, le
travailleur consciencieux, étaient méprisés parce que banals : il convenait d'être
« déjanté », « foutraque », « insolite », « perturbé » etc. Mais trop de
contraste tue le contraste : cette accumulation d’originalités produisait de la
monotonie. Pour s'en sortir, on ne savait pourtant que réclamer davantage
encore d’originalité…
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Avec « bling-bling » la mode se retourne :
pour découvrir le ridicule, voire l’odieux, de comportements que l’on admirait
tant hier, il a suffi de leur accoler un adjectif .
Va-t-on donc découvrir la valeur du travail
consciencieux et discret, de la vie de famille équilibrée ? Va-t-on pouvoir
savourer les choses que l’on a crues fades parce qu’elles sont simples et
quotidiennes ? Saurons-nous cultiver nos plaisirs au lieu de chercher à briller
aux yeux d’autrui, à l’épater par notre étrangeté ?
Les Français, disait Stendhal, n’obéissent
qu’à la peur du ridicule. "Bling-bling" les oriente dans une direction
raisonnable. |