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Le chinois tel qu’on le parle

Même si vous n’êtes pas sinologue - ce que je ne suis pas non plus - vous pourrez goûter cet article sur l’évolution du langage en Chine publié par Libération.

Nous pourrions nous intéresser davantage, me semble-t-il, à l'évolution du français parlé et de ses relations avec la langue écrite. La norme du français écrit, c'est une version dégradée du français que l'on parlait à la cour au XVIIIème siècle (dégradée, parce que si ce français-là nous sert de modèle nous sommes loin d'atteindre à sa sobre élégance). La norme du français oral varie selon le milieu social du locuteur et les circonstances.

Faites un exercice : enregistrez au magnétophone une conversation familiale ou professionnelle. Transcrivez exactement par écrit ce qui s'est dit. Décortiquez le vocabulaire, la syntaxe de chacun ; recommencez souvent l'exercice, construisez des classifications ... vous approcherez la connaissance du français oral, moins construit et plus grossier que ne l'est le français écrit. Pour voir le français oral de l'extérieur, voir le manuel de Geneviève.

L'évolution du chinois parlé nous en apprend plus, sur l'évolution des mentalités, qu'un traité de science politique...

*  *

C'est un dialogue de sourds qui s'est instauré entre les générations. Les Chinois de 7 et 77 ans ne parlent plus la même langue. Bien sûr, c'est toujours du chinois, mais truffé d'expressions radicalement différentes. Au travers de ce panorama du langage courant, transparaissent les bouleversements profonds de la société.

Poule sauvage

Ainsi il est désormais exceptionnel d'appeler quelqu'un Tongzhi (camarade). Les vieilles appellations des années 30 sont réapparues et l'on précise poliment après le nom de famille Xian Sheng (personne née avant moi, donc plus savante et, par extension, Monsieur), Nû Shi (femme respectable, Madame). Un cuisinier ou un chauffeur de taxi se fera appeler Shifu (maître). Toute une série d'expressions campagnardes sont également apparues sous l'influence des Yu Min (la population flottante), ces paysans sans terre qui viennent tenter leur chance dans les grandes cités. Ils s'adressent à une femme plus âgée qu'eux en l'appelant Da Jie (grande soeur) et aux hommes dans la même situation (précaire), ils donnent plutôt du Ge Men (mon frère, mon pote). L'expression Xiao Jie (petite soeur, Mademoiselle), qui était jusque là utilisée pour parler aux serveuses ou vendeuses, est en train d'évoluer, prenant un sens péjoratif, car elle sous-entend désormais qu'il s'agit d'une fille qui se vend.

Mais il ne s'agit pas encore d'une Ji ou Ye Ji (poule ou poule sauvage), terme réservé aux prostituées. La basse-cour inspire d'ailleurs beaucoup cette petite société, car les gigolos sont surnommés Ya Zi (canards).

Des expressions inimaginables voilà quelques années sont également révélatrices des nouveaux styles de vie. Un homme expliquera ainsi qu'il Bao Er Nai (nourrit une seconde femme) pour annoncer qu'il a une concubine. S'il s'agit de sa secrétaire, le cas le plus fréquent, il l'appellera Xiao Mi (petite secrétaire ou petit sucre). A l'inverse, celle-ci dira qu'elle Bang Da Kuan (s'appuie sur un gros chat, un homme riche).

Faire griller un poulpe

Seuls les vieillards posent encore la question de politesse, lorsqu'ils rencontrent pour la première fois quelqu'un: "Chi Hao Le Ma ?" ("Avez-vous mangé?"), suivie presque immédiatement de: "Ni Shi Shenme Dan Wei ?" ("A quelle unité de travail appartenez-vous ?"). Dans le monde du travail, on parle maintenant de Xia Hai (plonger dans la mer, entrer dans le secteur privé), Xia Gang (descendre de son poste, chômeur), Da Gong (abattre un travail, sous-entendu difficile et précaire), Jiao Cao (sauter d'un abreuvoir à l'autre, changer de travail), Chao You Yu (faire griller un poulpe, expression venue de Canton qui signifie : virer un employé). Dans le cadre de la lutte anticorruption, le mot d'ordre est: Da Cang Ying, Ye Da Lao Hu (tuer les mouches mais aussi les tigres, les petits et les grands corrompus). Ceux qui jouent en Bourse diront que la conjoncture est Niu Shi (forte comme un boeuf) ou Xiong Shi (mauvaise comme un ours).

De nombreuses expressions sont également dérivées d'anglicismes. Un homme ou une femme à la mode est Ku (de l'anglais cool), mais celui qui est très élégant devient Ku Ji Le, (ce qui signifie aussi : qui tue, tellement il est beau). Les internautes sont, quant à eux, des Wang Chong, des insectes de l'Internet, car ils passent leur temps devant l'ordinateur.

Enfin une série de prénoms, très en vogue dans les années 60, ne se donnent plus aux enfants, comme Guo Qing (fête nationale), Wei Hong (défenseur des rouges), Wei Guo (défenseur du pays). Comment va votre petit Yuan Chao (soutien à la Corée du Nord) ? Très bien, il joue avec ses copains Wen Ge (Révolution culturelle), Jian Jun (soutien de l'armée) et Jian Guo (soutien du pays). Mais rien ne vaut ce cher Gong She (commune populaire) et surtout Wei Xing (satellite).