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Le roi, le premier ministre et les vaillants chevaliers

24 août 2005

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Pour lire un peu plus :

- Almost Perfect

Nous avons tous côtoyé dans l'entreprise des virtuoses amateurs de vitesse et de prouesse. Toujours prêts à l'action, ils s'impatientent lorsqu'on leur explique quelque chose - ils ont compris avant que vous ne commenciez à parler - et détestent donner des explications. Ils dépotent des problèmes, c'est utile, mais ils sont inaptes au travail en équipe. Certains, parmi eux, souffrent d'une hypertrophie de la première personne du singulier. J'ai connu une prima donna dont beaucoup de phrases commençaient par "Moi, personnellement, je pense que...".

Les prime donne trouveraient tout naturel que, pour récompenser leur efficacité - parfois réelle, parfois altérée par la superficialité et la précipitation - l'entreprise leur confiât la direction des autres personnes. Il m'est arrivé de devoir leur dire que ce n'était pas possible, ce qui a provoqué des crises et ruptures pénibles.

J'ai trouvé dans Pete Peterson, Almost Perfect, Prima Publishing 1994 (p. 45 du format pdf) une fable qui sera utile si vous rencontrez la même situation. En voici la traduction.

*  *

Il était une fois un bon roi qui avait un premier ministre et des chevaliers. Les chevaliers étaient braves et loyaux. Ils aimaient à sauter sur leurs blancs palefrois pour aller tuer des dragons ou sauver de nobles demoiselles. Ils réalisaient ces exploits sans les avoir planifiés et n'en rédigeaient pas de compte rendu, mais leur bravoure et leur énergie compensaient ces lacunes. Quant au premier ministre, il était excellent. Il veillait à ce que les impôts fussent collectés, les dépenses judicieuses et la trésorerie bien gérée.

Un jour le premier ministre mourut. Pour lui succéder, le roi choisit le plus brave de ses chevaliers. Mais celui-ci préférait sauter sur son blanc palefroi plutôt que s'occuper des affaires du royaume. Il continua à galoper ici et là pour tuer des dragons chaque fois que l'occasion s'en présentait, et il négligea le recouvrement des impôts, les investissements, les améliorations et les réparations. Bien vite, les caisses du royaume furent vides et les paysans se révoltèrent. Finalement le royaume s'effondra.

On peut comparer les braves chevaliers aux meilleures des personnes que l'entreprise emploie à la DG. Elles aiment à sauter dans l'avion pour tirer l'entreprise de situations difficiles, pour signer une grosse vente ou inventer quelque chose de nouveau. Leur premier réflexe est d'agir, de tirer au but ; souvent elles atteignent leur cible.

Mais une telle démarche ne convient pas pour traiter les problèmes qui réclament une planification soigneuse et l'attention au détail. Ces braves chevaliers se débrouillent mal quand on les affecte à des fonctions de gestion. Ils sont trop accaparés par la crise urgente du moment pour passer du temps à encadrer d'autres personnes ou à planifier le futur. Ils ne sont pas assez patients pour aider leurs collaborateurs à se former.

Les bons premiers ministres sont de meilleurs gestionnaires que les chevaliers. Leur premier réflexe est de réfléchir, de définir un plan avant de dépenser de l'énergie. Ils restent tard au bureau pour terminer le travail de gestion et ils savent toujours exactement combien d'argent ils dépensent.

Une entreprise a besoin de superstars mais aussi de bons gestionnaires qui préparent les décisions, font attention aux détails et consacrent du temps à ceux qu'ils encadrent. Pour que l'entreprise puisse connaître un succès durable il faut ou bien que ses superstars fassent l'effort de devenir de bons gestionnaires, ou bien qu'elles laissent le pouvoir à d'autres.