A propos de :

Jean-René Fourtou

9 juillet 2002

Jean-René Fourtou appartient à la promotion 60 de l'X, promotion de chahuteurs et de rouspéteurs mais pépinière de dirigeants de l'économie française. 

Nous nous étions connus en Taupe à Bordeaux. J'avais pour lui le respect que tout 3/2 doit à un bon 5/2. Il était maigre, pâle, l'œil noir et concentré, le nez aigu, le cheveu tombant en diagonale sur le front, assez semblable au total à Bonaparte au pont d'Arcole tel que le montre le tableau de Gros, un Bonaparte dont l'uniforme aurait été toutefois remplacé par la blouse grise de l'interne.

Il était excellent en chimie alors que j'étais nul malgré mes efforts. Je lui ai demandé son secret. Il m'a répondu obligeamment : "Il faut connaître par cœur la table de Mendeleïev. Après quoi il est facile, par interpolation entre les lignes et colonnes, de classer et mémoriser les réactions et même d'évaluer à peu près la quantité de chaleur qu'une réaction dégage".

Nous nous sommes rencontrés une ou deux fois après l'École et j'ai retrouvé le même homme : moins maigre bien sûr, toujours obligeant, avec un bon sourire que je ne lui avais pas connu en Taupe. J'ai observé de loin le travail de Fourtou à Rhône-Poulenc, puis la fusion avec Hoechst (je me tiens éloigné des dirigeants : cela me permet, lorsque l'un d'entre eux demande mon avis, de le lui donner en toute indépendance).

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J'avais pensé à Jean-Marie Messier, entre autres, en rédigeant la lettre ouverte à un dirigeant français. Maintenant qu'il est à terre, il serait indécent de le critiquer - et je n'ai pas aimé les flagorneurs qui se sont transformés en tueurs lors de la chasse à l'homme dont il fut la cible.

L'arrivée de Fourtou à la tête de Vivendi sera marquée par le retour aux fondamentaux [1]. Les banques, qui n'ont aucun intérêt à faire crouler le groupe, l'aideront à surmonter la crise de liquidité des prochains mois. Ensuite il construira. Il appartient à la catégorie des entrepreneurs, des bâtisseurs. Ce n'est pas une de ces vedettes médiatiques qui cherchent à séduire et restent au niveau des apparences. S'il existe dans Vivendi des parties solides (ce n'est pas douteux), il s'appuiera dessus pour renforcer le reste patiemment, prudemment, modestement. 

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Nota Bene : Le corps de l'inspection des Finances, qui aime tant à placer ses hommes aux postes de commande, laisse la place à d'autres quand il faut réparer la casse. Jean-Yves Haberer et Jean-Marie Messier sont inspecteurs des Finances ainsi que Michel Bon, mais ni Jean Peyrelevade ni Jean-René Fourtou ne sont du corps. 

 

Je parie que le successeur de Michel Bon à France Telecom n'en sera pas non plus.

[1] cf. Robert J. Shiller, "The Share-Price Scandals", The Wall Street Journal Europe, 27 juin 2002, p. A10 : "Control over corporations shifted away from teams of managers who worked together over long periods of time and towards charismatic visionaries, often recruited from outside the corporation, who focused on increasing the share price over all else. The recruitment process of these 'corporate saviors' developed its own celebrity culture (...) This new selection (...) for top management (...) turned managers into market manipulators, (...) acting out phony new-paradigm fantasies, boosting the market price at the expense of real fundamental values, and even occasionally fudging earnings. (...) The selection process for managers needs to put more weight on their experience with and loyalty to the firm, and less on their charisma and celebrity status."