L’image est souvent révélatrice mais il faut être attentif.
La télévision montrait un jour le
responsable d’une association de défense des riverains de Roissy. Debout devant
sa maison, il disait à quel point le bruit des avions lui rendait la vie
pénible. Ma femme compatissait. « As-tu vu sa maison ? lui ai-je dit. Elle est
neuve. Ce Monsieur a fait construire près de l’aéroport, dans un endroit où
le terrain est dévalorisé. Il savait qu’il y aurait du bruit. Il voudrait
maintenant qu’il n’y en ait plus : il ferait une plus-value… »
Dans les années 70, j'évoquais à l'INSEE le comportement colonialiste de
certains
« hippies »
dans les Cévennes.
« Tu exagères », dit Alain Desrosières en
me montrant dans la revue Annales de la Recherche un article illustré
d'une photo bucolique : une jeune femme gardant une chèvre devant une maison en
pierres sèches. « Regarde bien la photo, dis-je cependant à Desrosières. On
voit, posé sur l'herbe à côté de la dame, le haut-parleur d'une chaîne Hi Fi :
avec ça, elle inonde de pollution sonore toute une vallée. »
* *
Avez-vous vu le vote des salariés de la RTM à
Marseille ? La poursuite de la grève est votée à mains levées. Cela a
pu vous échapper, le journaliste n’a pas fait de commentaire.
Si vous étiez l’un de ces salariés et si, dans
votre for intérieur, vous préfériez reprendre le travail, oseriez-vous ne pas
lever la main ? Il vous faudrait du courage…
Lorsque le préfet des Bouches-du-Rhône a suggéré
un vote à bulletins secrets, les dirigeants syndicaux ont protesté contre cette
« atteinte au droit de grève ».
Mais l’atteinte au droit de grève ne
réside-t-elle pas plutôt dans le vote à mains levées, propice à toutes les
intimidations ? J’entrevois ce qui se passe : pour ces
dirigeants syndicaux, la « lutte » se livre en partie contre les patrons, en
partie contre le gouvernement, et en partie aussi contre le troupeau des salariés.
Les enjeux sont à la fois symboliques, politiques, stratégiques ; la masse des
salariés est un bélier que l’on lance en avant pour défoncer les
positions de l'adversaire.
Mais que l’on n'évoque pas la démocratie, ni le
respect du droit de grève, quand on manœuvre de la sorte. |