Réponse de Jérôme Cabouat à "La
fracture numérique"
24 mars 2001
Ton article sur la fracture numérique me semble
ouvrir une brèche intéressante dans la "pensée unique".Quelques
idées en vrac autour de ce sujet :
1) sur la définition : je m'étais fait (peut-être
à tort) de la fracture numérique une représentation plus
"programme" que "matériel" - c'est-à-dire que pour moi,
cela réfère à ceux qui accèdent - ou non - au contenu d'Internet, plutôt
qu'à ceux qui savent - ou non - se servir d'un ordinateur.
2) sur l'accès à Internet : c'est extrêmement
coûteux (300 F par mois pour un accès haut débit : le seul qui permettent réellement
de tirer profit du réseau; plusieurs dizaines de francs par mois de coûts de
communications et - pas forcément, mais souvent - un abonnement à un
fournisseur d'accès), et inaccessible pour une large majorité de la
population
3) une analogie : que ce serait-il passé si en
1955, au début de la télévision, il y avait eu seulement une télévision
payante (du style Canal +) : elle aurait exacerbé un sentiment d'appartenance
chez ses "abonnés" ... je sais bien qu'on peut répondre d'aller
regarder QUI a acheté la télévision en premier, et ce n'était pas "l'élite",
au-delà des "early adopters" (désolé pour l'anglicisme, je n'ai
pas d'équivalent français)
4) une idée : il n'est pas du tout du même ordre
d'acheter
a) un objet (une télévision, un ordinateur : le
produit de substitution qui a tué les encyclopédies en 20 volumes, non parce
qu'on s'en sert pour accéder à la culture, mais parce qu'ils comblent le même
besoin de se donner bonne conscience sur le fait qu'on donne à nos enfants
tous les moyens de réussir dans la vie (alors qu'on est peut-être parfois négligent
...) : cet objet est toujours présent, il rassure, on peut le toucher ...
b) un abonnement à un flux d'information : il
"s'use" même si on ne s'en sert pas, ...
==> c'est pour cela que je pense qu'il y a
effectivement un risque de fracture numérique entre ceux qui voudront /
pourront disposer d'un accès aux programmes, et ceux qui ne pourront pas
5) sur la formation des cadres supérieurs, une
autre analogie : ceux de nos (arrière ?)-grands-parents qui pouvaient
s'offrir les services d'un chauffeur ne risquaient pas d'être des exclus de
la fracture automobile (ie. : ceux qui se déplaçent et ceux qui ne se déplacent
pas : ne confondons pas l'objet et le service rendu par l'objet), même s'ils
ne prenaient pas la peine d'apprendre à conduire !
Il ne me semble pas qu'on soit en désaccord sur
le fond, bien que ces idées soient une à une plutôt décalées avec ce que
tu as écrit.
|