A travers volle.com, dialogue entre
deux (grands) experts à propos de "l'intelligence des ordinateurs"
Expert A : Intrigué par ton interrogation sur "l'intelligence des ordinateurs", je viens de
parcourir ce texte qui me désole, venant de toi. Il est digne de figurer dans mon
bêtisier ! L'automate programmé Volle a des bugs. Dans 10 à 20 ans, l'ensemble des
ordinateurs interconnectés aura des capacités intellectuelles qui dépasseront l'homme
dans tous les domaines. Et dans 100 ans sera-t-on toujours si sûr de pouvoir débrancher
le système ?
Expert B (à
propos du message ci-dessus) : Bêtisier pour
Bêtisier ....ton interlocuteur s'est mis dans
le pire des pétrins, le pauvre: un pétrin récursif . J'avais lu ton texte ce
matin, je m'apprêtais à dialoguer avec toi là dessus. Un premier point sur
lequel je suis 100% d'accord, c'est le COUPABLE manque d'esprit critique des
"philosophes" (Serre et Lévy, et, hélas, Edgar Morin qui n'est pas plus lucide
sur le sujet) dès que les "computers" montrent le bout de leur nez. Cela me
désespère, car je commence à boire leurs pages sur la complexité, la biologie,
le chaos, la culture etc., et puis,
patatras, les voilà qui deviennent des midinettes ou des buveurs du café du commerce.
Quand je suis arrivé à Grenoble en 1967 pour commencer mes études en Informatique, nous
avons eu un exposé sur la traduction automatique. On nous a expliqué que le problème
était pratiquement réglé, listings à l'appui, en particulier pour le couple des
langues Russe/Français (c'était l'époque des Grandes Commissions
Franco-Soviétiques). Les gens qui disaient ça étaient TRES bons, TRES forts. C'est entre autres d'eux que j'ai presque tout appris de
l'informatique. Ma conviction profonde est que depuis cette fin des années 60 à peu
près rien n'a été inventé en software qui ait permis de faire mieux. Ils travaillaient
sur des machines de deuxième génération, dont le coefficient "taille
mémoire * vitesse / prix" s'est amélioré depuis d'un facteur 10 puissance 12
(douze).
Alain Colmerauer, l'inventeur de Prolog - révélé en 1969, et dernière grande
invention logicielle - était leur élève. Une
question très sérieuse que tu pourrais poser à ton interlocuteur : "pourquoi
l'échéance des prévisions météo n'augmente que (faiblement) linéairement, alors que
la vitesse des ordinateurs utilisés augmente (fortement) exponentiellement ?" S'il
comprenait ça, il ne dirait pas ce qu'il dit.
Expert A (réponse à l'expert B) : Je n'ai pas compris qui était
qui. Le fait que de nombreuses personnes aient dit de très nombreuses âneries
en informatique ne disqualifie pas tout le monde. Sans remonter au Déluge, j'ai
expliqué en février 99 que le bug de l'an 2000 ne provoquerait rien.
Quelques remarques en vrac... Ce que les gens
oublient, c'est les effets de seuil. Entre un film passé à 2 images par
seconde ou à 20 images par seconde, il n'y a plus qu'un rapport 10, il y a
l'illusion du mouvement. Entre les capacités
du cerveau d'un singe ou d'un être humain, ce n'est pas seulement une question
de rapport de nombre de cm3. La
traduction automatique ou la reconnaissance des formes sont de bons exemples.
Pour traduire correctement ou reconnaître les visages, ce que sait faire
un enfant de quelques mois, il faut une base de données considérable largement
sous-estimée par les informaticiens. Cependant, dès que le seuil est atteint,
d'un seul coup tout change....
Heureusement qu'on a progressé en logiciel
depuis 1969 : programmation structurée, événementielle, puis objets.
L'interconnexion de tous les ordinateurs du monde, inenvisageable pour l'an 2000
en 1969, est là. La promesse du HTTP/XML de faire causer entre eux les
ordinateurs sans intervention humaine va devenir une réalité dans les 5 à 10
prochaines années. Quand à la météo, tout
le monde sait bien, j'espère, que - depuis le problème des 3 corps de
Poincaré - même si les conditions initiales étaient connues avec la plus extrême
précision, ce n'est pas le calcul aussi précis soit-il qui apporterait la
solution.
|