Vous est-il arrivé de connaître
une situation où, quoi que vous puissiez faire, on vous donnait tort ?
Vous étiez alors un réprouvé.
Pour produire ses boucs émissaires
la réprobation ne manque pas de prétextes. Vous êtes réprouvé parce que
vous êtes jeune, vieux, grand, petit, gros, maigre, homo ou hétérosexuel,
brun, blond, blanc, noir, français, allemand, américain, juif, chrétien,
musulman, homme, femme, ou que l'on vous trouve bourgeois, peuple, maladroit, retors, affectif,
distant etc. : l'éventail recouvre
l’ensemble des qualificatifs, des professions, des nationalités.
Le réprobateur vous a classé et
ne veut voir que l’étiquette qu’il a plaquée sur vous comme sur une
bouteille. Il est disposé à mal juger ce que vous faites, ce que vous pensez,
ce que vous êtes, et pour pouvoir vous contredire il fera sur vos propos les
contresens les plus étonnants. A peine avez-vous d'ailleurs prononcé quelques
mots, il vous coupe la parole : il ne veut pas vous entendre. Dès
que vous apparaissez son visage devient sévère, son regard hostile, son sourcil
froncé. Il serait vain d’argumenter
! Démontreriez-vous l’inanité d’un reproche, un autre arriverait immédiatement.
Vous contrariez, vous agacez, vous exaspérez : vous êtes "bizarre"....
Le mécanisme de la réprobation
est celui du racisme : au lieu de considérer l’autre comme un être
humain, le réprobateur le classe dans une catégorie puis plaque sur lui, en
fonction de cette catégorie, un jugement préfabriqué. Soyons précis : le racisme ne réside
pas dans le classement (il faut bien déterminer, selon les apparences, si la
personne à qui l’on a affaire est jeune ou vieille, un homme ou une femme
etc., et d'ailleurs l'on ne peut penser qu'avec des classes) mais dans le caractère automatique, impersonnel, implacable
et fermé de la relation entre
classement et jugement.
- * *
- Parfois le réprobateur est une personne que
vous estimez, ou même que vous aimez, et avec qui vous auriez voulu dialoguer. Alors vous souffrez.
Pourquoi êtes-vous un réprouvé ?
C’est peut-être parce que, ayant conservé un peu de la fraîcheur enfantine,
vous n’êtes pas conforme à ce que l’on attend de quelqu’un de
« bien ». Peut-être aussi, sans que vous vous en rendiez compte,
votre apparence a-t-elle quelque chose de provoquant.
Le plus souvent, en fait, la réprobation ne s’adresse pas
vraiment à la personne que
vous êtes, et qu'elle veut ignorer. Elle a une source secrète dans l’intimité du réprobateur.
Certains hommes ont fait souffrir cette Dame : vous lui êtes insupportable
simplement parce que vous êtes du sexe masculin. Ce Monsieur a été roulé
en affaires par quelqu’un qui avait des cheveux bouclés : comme c’est
aussi votre cas, il vous soupçonne d’être un escroc. Si vous êtes sensible
ou peu patient, il ne vous reste qu’à prendre vos distances avec ces
personnes pour éviter les
contrariétés.
- * *
- Les Tziganes ont toujours été soupçonnés de voler les poules et d’enlever
les petits enfants. Ce sont nos frères en réprobation, les réprouvés par
excellence. Laissez-vous enivrer par leur musique... à la fois
traditionnelle et improvisée, elle n’a pas été en effet,
comme le jazz, intellectualisée par l’enregistrement ou l’écriture. Elle est
fluide et souple comme le vol du
martinet .
En l'écoutant, le nomade s’éveille en vous, et il part ! le spectacle de la nature,
si libéralement offert à tous, vous libère de la prison où la réprobation voulait
vous enfermer.
Quel plaisir enfin, convenez-en, lorsque
vous rencontrez quelqu’un de bienveillant, quelqu'un qui
s’efforce de comprendre ce que vous voulez dire, y répond, et avec qui vous
pouvez partager les plaisirs de la conversation !
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