Chapitre X : Transport aérien
(extrait de Michel
Volle, e-conomie, Economica 2000)
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La compagnie aérienne est l’une des entreprises les
plus complexes, les plus contraintes qu’il soit possible d’imaginer. S'il n'est
pas simple de concevoir un réseau de télécommunications, une fois construit il
fonctionne comme un automate, les interventions humaines se limitant à la
supervision et à la maintenance. Dans le transport aérien s'enchaînent, sous une
contrainte de coordination stricte, des processus nécessitant un flux continu de
décisions et impliquant des corps de métier divers (vendeurs, mécaniciens,
manutentionnaires, pilotes, hôtesses, etc.). La condition de la réussite, c'est
la coordination opérationnelle de ces activités, et en particulier la qualité du
système d'information supportant les processus opérationnels.
La présentation du transport aérien selon un modèle en
couches permet de percevoir à la fois la nature de cette plate-forme de service et ses
exigences en termes de coordination opérationnelle.
A la difficulté physique de lactivité sajoute une
difficulté économique. La concurrence a bousculé des habitudes commerciales paisibles
et mis à mal les tarifications confortables du temps où le transport aérien était un
produit de luxe destiné à lélite de largent. Les profits sont devenus
aléatoires, léquilibre entre qualité du service et maîtrise des coûts plus
difficile à assurer, alors même que la croissance du volume de lactivité et son
changement de nature bouleversaient les cultures dentreprises.
Des compagnies aériennes prestigieuses en sont mortes (Pan Am).
Dautres se sont créées et ont prospéré en cultivant des formules originales
(Southwest). Toutes ont été contraintes dutiliser les nouvelles technologies pour
accroître leur efficacité et diminuer leurs coûts. Les systèmes de réservation en
temps réel sont une des plus importantes réalisations de linformatique ; ils
ont été complétés par les systèmes de fidélisation, le " yield
management ", et des tentatives de personnalisation et de diversification du
service.
Ainsi, le transport aérien est un bon exemple de ce que peut
donner lutilisation des nouvelles technologies - plus dailleurs dans son
système dinformation et son marketing que dans ses avions, car comme les appareils
ont une durée de vie de lordre de vingt ans rares sont, parmi les avions en
exploitation, ceux qui bénéficient des derniers progrès de linformatique et des
réseaux.
Mis en position défensive par la concurrence et les
difficultés financières, certains transporteurs aériens ont cherché à se concentrer
sur leur " cur de métier ". Cette préoccupation, légitime
certes car il nest pas dentreprise sans conscience des priorités, est
toutefois souvent mal orientée quand elle est motivée par la défensive : on voudra
alors rassembler les énergies autour dun consensus que lon cherchera du
côté des thèmes traditionnels (et donc conservateurs) de la profession (ici
" la ligne ", avec les figures de Mermoz et Saint-Exupéry), en
laissant la part du modernisme aux trivialités du " business is
business ".
Pour dégager le " cur de métier ",
cest-à-dire la priorité stratégique dun transporteur aérien, il faut
écarter quelques fausses évidences. Ce n'est pas, n'en déplaise aux amoureux de
l'aéronautique, de faire voler des avions (cela, ce serait le cur de métier d'un
aéroclub). Ce n'est pas non plus, comme le croient les nostalgiques de " la
ligne ", de transporter du courrier, des passagers et du fret, car le
transporteur n'offre pas à ses clients seulement du transport, mais des services :
confort du siège, plateau-repas, vente à bord ou en escale, réservation de chambre
d'hôtel, location de voiture, gestion des " miles " du programme de
fidélisation, tenue de la comptabilité des voyages etc. La priorité, c'est donc
d'exploiter une plate-forme de services autour du transport. Il ne s'agit pas d'une nuance
académique car certains, focalisés sur le seul transport, négligent l'offre de services
qui seule dans un contexte concurrentiel peut conforter la valeur ajoutée. Comme des
grands latifundiaires pratiquant lagriculture extensive, ils laissent en friche une
grande part de leur domaine.
***
Lexploitation dune compagnie aérienne suppose
larticulation de quatre couches, que nous allons parcourir successivement en
commençant par le bas : ressources, réseau, services et commerce. La compréhension
du fonctionnement suppose que lon sache dune part comment chacune de ces
couches fonctionne pour son propre compte, dautre part comment elles
sarticulent entre elles et par quelles interfaces elles communiquent.
Pour se représenter cette articulation, il faut se figurer la
diversité sociologique des personnels qui travaillent au rythme de
lexploitation quotidienne : techniciens de la maintenance ; pilotes, hôtesses et
stewards ; commerciaux des agences ; exploitants des escales ; experts du
marketing, de la relation clientèle, du " yield management " ;
opérateurs des plateaux téléphoniques de réservation, superviseur du " quart
opérations " etc. Chacun de ces métiers a son langage, sa culture
professionnelle, son échelle de valeurs. Il faut que lentreprise parvienne à les
articuler pour assurer de façon fluide un service sans couture.
Ressources
Cette couche rassemble les ressources nécessaires à
l'exploitation, qu'il s'agisse des avions, du personnel navigant (technique et
commercial), du personnel au sol, des créneaux horaires (" slots "),
des installations en escale, etc. Elle garantit leur qualité (formation des pilotes,
entretien et maintenance des avions), ainsi que l'évolution des équipements techniques
à bord et au sol.
Un transporteur aérien peut partager des ressources avec
d'autres transporteurs, qu'il s'agisse de la flotte, des pilotes, de la maintenance.
British Airways par exemple dit vouloir devenir une " compagnie virtuelle
".
La structure de la flotte doit répondre aux besoins du
programme de vols tout en optimisant la pyramide des âges des avions (un avion ancien est
plus coûteux en exploitation et en maintenance), et en recherchant l'homogénéité (une
flotte homogène est plus facile à exploiter et permet des économies en formation des
pilotes). Les politiques d'achat font l'objet de négociations sur les prix et le choix du
fournisseur, parfois sous la pression de pouvoirs politiques qui veulent favoriser les
fournisseurs nationaux.
La maintenance de la flotte est une industrie lourde travaillant
sous une stricte contrainte de synchronisation avec l'exploitation, à qui elle doit
livrer à heure dite des appareils en bon état. Elle doit garantir la sécurité des
avions, optimiser la gestion des stocks, définir et contrôler une politique de
sous-traitance.
Les créneaux horaires sont un actif immatériel important. Les
aéroports les plus importants étant saturés (en Europe: Londres, Francfort, Amsterdam
etc.), il s'agit d'une ressource rare dont l'attribution est surveillée avec vigilance
par les concurrents et par les instances réglementaires.
Dans le personnel on distingue le personnel au sol (PS) et le
personnel navigant, qui comprend le personnel navigant technique (PNT : commandants de
bord, copilotes et mécaniciens navigants) et le personnel navigant commercial (PNC :
hôtesses, stewards). Chacune de ces catégories obéit à des règles spécifiques de
qualification, de formation et de contrôle médical ; elles sont particulièrement
sévères et coûteuses pour le PNT.
Les relations sociales, notamment avec le personnel navigant,
sont l'un des points les plus difficiles du transport aérien. La grève, qui outre
l'immobilisation des équipements entraîne une perte de confiance dévastatrice de la
part des clients, est une arme puissante entre les mains des syndicats. L'art des managers
est de gérer un compromis économiquement et socialement acceptable en jouant sur les
rémunérations et carrières, les attributions d'actions, la répartition du pouvoir dans
le cadre d'un accord de " corporate governance ", etc.
Réseau
On regroupe sous le terme de " network management "
les décisions relatives au réseau, constitué ici par le programme des vols (routes,
horaires, types d'avion, classes, prix).
Le transport aérien était autrefois organisé par "
lignes ". Dans les années 80, les architectures fondées sur le principe " hub
and spokes " s'imposent sur le marché américain puis dans le reste du monde. Pour
accroître au moindre coût le nombre des destinations offertes, le transporteur confère
en effet à un aéroport le rôle de " hub " de son réseau, et y organise
les horaires de départ et d'arrivée de sorte que la durée de l'escale soit brève pour
le voyageur en correspondance. Cela réduit le nombre de segments à desservir mais
nécessite une gestion délicate du synchronisme et un traitement des perturbations
(notamment celles provoquées par les conditions météorologiques). Certaines compagnies
américaines (Delta, American Airlines) exploitent un réseau " multi - hub
" dont la supervision nécessite des méthodes très élaborées.
Southwest a choisi une autre logique et n'exploite que des
liaisons point à point à bas tarif. Cela ne l'empêche pas de réussir ; il semble
donc que le transport aérien puisse s'équilibrer selon deux logiques polaires :
- réseau " hubé " aspirant du trafic courte distance
(" feeders ") pour l'injecter dans les liaisons à longue distance,
- réseau " point à point " assurant des liaisons
transversales à courte ou moyenne distance avec une fréquence élevée (" navettes
").
Dans le cas du réseau " hubé " le
programme ne se construit plus selon la logique des lignes, mais selon une approche par
" origine et destination " (O&D) analogue à celle que lon rencontre
dans les télécoms lorsque lon considère la " matrice de trafic offert
". L'offre perçue par le client s'exprime en termes de couples O&D et
d'horaires ; la demande est très sensible à l'offre (sur moyen courrier, elle
augmente avec la fréquence des vols). Le transporteur peut étendre son catalogue et
améliorer la présentation de son offre sur les systèmes de réservation en construisant
avec d'autres transporteurs des partenariats permettant de multiplier le nombre des
destinations offertes (" code sharing ").
La géographie du réseau, les fréquences et la concentration
des dessertes, le dimensionnement de la flotte, les effectifs nécessaires à son
exploitation, sont à déterminer sur la base d'une anticipation de la demande O&D en
optimisant la structure des routes et en garantissant la réactivité du réseau aux
fluctuations de la demande. Cette modélisation implique en retour des contraintes sur
l'exploitation (durée des demi-tours, gestion des passagers en correspondance etc.).
Le découpage en classes, ainsi que le choix des tarifs
pratiqués (" pricing "), découlent de la segmentation de la demande et de
lanalyse des politiques des concurrents. Le " yield management " est une
forme d'offre inventée dans le transport aérien. Il part de la constatation suivante :
le coût d'un vol étant à court terme un coût fixe, l'essentiel est de maximiser la
recette moyenne par siège offert afin qu'au bout du compte la recette totale au moins
équilibre le coût, au mieux dégage du profit. Mieux vaut de ce point de vue vendre un
siège à bas prix que de transporter un siège vide ; mais il faut éviter que ce siège
ne soit acheté par un passager qui aurait pu payer le prix fort. L'astuce est de
segmenter l'offre en définissant des classes tarifaires qui canalisent la demande.
En effet pour un même siège, les passagers de la classe
économique sont prêts à payer des prix différents. Des classes de réservation
différenciées sont donc définies sur la base de critères objectifs (délai de
réservation, billet non remboursable, date de retour fixée), et les effectifs de ces
classes évoluent, selon la dynamique de la demande, depuis la mise du vol sur le marché
jusqu'au jour du départ. Ceci implique bien sûr de vendre des sièges identiques à des
prix différents, ce qui surprend souvent les passagers.
L'invention du Yield Management
Crandall avait une sorte de " brain trust "
informel qui se réunissait presque tous les matins vers six heures pour discuter les
principaux problèmes de marketing auxquels la compagnie devait faire face. Lors
dune de ces réunions, pendant que les participants discutaient loffre de
charters dAmerican Airlines, Crandall regardait un avion que quelquun avait
dessiné sur le tableau noir. " Pourquoi, se demanda-t-il à voix haute,
American devrait-elle exploiter des vols charters alors que ses vols réguliers sont à
moitié vides ? Pourquoi ne pas dire que la moitié vide de lavion est un
charter ? "
Quelquun sapprocha du tableau noir (il se peut que ce soit
Crandall qui ait fait cela, mais personne ne se le rappelle exactement) et dessina une
ligne à travers lavion. Lidée nétait pas de segmenter
lavion en classes de services supplémentaires, mais de réduire fortement le prix
de certains sièges. Le problème, évidemment, était de parvenir à vendre ces sièges
à des voyageurs sensibles aux prix, tout en vendant le plus grand nombre possible de
sièges au prix fort à des gens qui voyagent quel que soit le prix.
Les gens qui partent en vacances font dhabitude leurs prévisions
plusieurs semaines à lavance, alors que les voyageurs daffaire décident
leurs vols au dernier moment. Les vacanciers restent une semaine ou plus sur leur lieu de
destination, alors que les voyageurs daffaire ne le font pratiquement jamais.
American pouvait donc demander aux personnes qui achètent des billets à bas prix de
réserver des semaines à lavance, et de rester une semaine ou plus à leur lieu de
destination, exactement comme le faisaient les charters.
Crandall se concentra sur une question encore plus délicate :
comment la compagnie pourrait-elle déterminer le nombre de sièges à vendre en
avance ? Si elle en vendait trop, elle risquait de perdre des voyageurs
daffaire qui paient le prix fort, mais font leurs projets à la dernière minute.
Mais si elle fermait trop tôt la vente de billets à prix réduit, les avions
continueraient à partir avec des sièges vides. Perfectionner les estimations pouvait
accroître le profit de plusieurs millions de dollars, mais demandait une puissance
informatique presque inimaginable. En attendant que lon mette en place des calculs
précis, des règles de pouce rudimentaires pourraient suffire.
Services
Cette couche décrit les services associés au transport :
réservation, différenciation en classes, vente à bord, service au sol, fidélisation,
association avec des partenaires hors transport aérien (loueurs de voitures, hôtels,
opérateurs télécoms), croisement de l'offre avec d'autres commerces (" frequent
buyer program "), etc.
Le service au sol (accueil téléphonique, fluidité de
l'enregistrement, information en cas de retard, traitement des litiges bagages,
orientation des passagers en transit) est l'un facteurs de qualité auxquels les passagers
sont le plus sensibles. La vente à bord, éventuellement associée au commerce
électronique, permet d'accroître la valeur produite sur chaque siège d'avion.
Les systèmes de réservation (GDS) sont historiquement parmi
les premières réalisations du commerce électronique. Leur utilisation, après avoir
fait l'objet de manipulations visant à privilégier l'affichage d'une compagnie sur
l'écran de l'agence de voyage (" screen science "), est maintenant soumise à
une déontologie. Ils sont exploités par des entreprises spécialisées (Sabre, Amadeus
etc.).
Statistiquement, un certain pourcentage de passagers ayant
réservé ne se présente pas à l'enregistrement (" no show "), et un
pourcentage plus faible se présente au dernier moment sans avoir réservé (" go
show "). Il en résulte une incertitude sur le taux de remplissage d'un vol. Les
transporteurs minimisent leur perte en pratiquant le " surbooking " : ils
réservent plus de places que l'avion n'en comporte, au risque de devoir parfois laisser
au sol (en les dédommageant) des passagers qui ont dûment réservé. La gestion
statistique du " surbook " est l'un des points délicats de la réservation, et
le traitement des passagers " surbookés " est lun des points
délicats de la relation avec la clientèle.
Les systèmes de fidélisation (Fréquence Plus à Air France)
attribuent des " miles " gratuits aux passagers en fonction de leur
consommation passée. Ainsi un salarié qui voyage aux frais de son entreprise accumule
des miles qu'il peut utiliser à des fins personnelles. Les transporteurs espèrent ainsi
fidéliser le salarié, qui orientera la réservation vers sa compagnie préférée.
Certaines entreprises s'y opposent, et réclament à bénéficier elles-mêmes de cet
intéressement.
Les transporteurs aériens ont ainsi appris à gérer une offre
diversifiée, destinée à une clientèle segmentée. Leur connaissance des clients
(entreprises et individus) leur permet de définir une offre personnalisée, " one to
one ". Cela les qualifie pour ambitionner un rôle de médiateur dans l'organisation
du commerce électronique. Le " frequent buyer program " croise les
programmes d'intéressement de divers fournisseurs, et peut faire entrer le client dans un
" grand magasin " virtuel. Il y trouvera des services qui l'intéressent et
pourra réutiliser auprès de l'un les bons d'intéressement obtenus auprès de l'autre :
miles du transport aérien, unités télécom, primes diverses offertes lors d'achats
d'essence, de repas au restaurant, etc. Des " monnaies marquées " se
mettent en place, supportées par des systèmes à carte spécifiques ; l'échange entre
les diverses formes d'intéressement se fait selon des rapports d'équivalence et facilite
la consommation des droits accumulés par le client.
Les consommations associées au voyage (chambres d'hôtel,
location de voiture, télécoms) sont les premières cibles de ces partenariats, mais ils
peuvent s'étendre à presque tous les types de consommation.
Commerce
Cette couche comporte les canaux utilisés pour vendre les
services, ainsi que la relation avec la clientèle et le traitement des réclamations.
Elle comporte des outils divers correspondant à la diversité de l'offre et de la
clientèle.
La vente des billets d'avion se fait majoritairement par le
biais des agences de voyage qui utilisent les systèmes de réservation auxquels elles
sont connectées. Les services " voyage " des grandes entreprises
confient la gestion des vols à des personnes (" implants ") installées dans
leurs locaux et dépendant de grands voyagistes (Carlsson, Wagons Lits). Ces
intermédiaires sont en même temps des prescripteurs qui peuvent orienter les clients
vers leurs compagnies préférées. Toutefois les commissions qui rémunèrent leurs
services coûtent cher et certains transporteurs cherchent à développer la vente
directe.
La vente directe peut se faire à travers les plateaux
téléphoniques, le Minitel, l'Internet ; un transporteur peut d'ailleurs fidéliser les
entreprises clientes en négociant des ristournes et en s'associant avec l'exploitant d'un
système à carte pour offrir la tenue de la comptabilité voyage et la gestion des
déplacements des cadres ; des versions ergonomiques du système de réservation peuvent
être mises à la disposition des entreprises de taille moyenne, offrant un " implant
virtuel " pour la gestion de leurs dépenses de voyage. Le rôle des nouvelles
technologies est important dans cette diversification des services.
Enfin le traitement des réclamations se personnalise et se
systématise. Des compensations sont accordées, selon une logique " one to one
", à des clients qui ont eu à subir des retards ou d'autres incidents (retards dans
l'acheminement des bagages, déclassement, surbooking etc.).
La concurrence dans le transport aérien, cas type du STC
Dans " Hard Landing " Thomas Petzinger, journaliste au "
Wall Street Journal ", raconte l'histoire du transport aérien américain. Il nous
fait participer aux réflexions de ceux qui ont inventé le Yield Management, le
ticketless etc. Cette approche " génétique " rend familière la démarche des
inventeurs.
L'innovation s'est faite sous un impératif de survie. Un transporteur
aérien chemine en effet sur la crête entre deux gouffres : le conflit social et la
concurrence par les prix. Beaucoup sont tombés (Braniff, Eastern, Pan Am, Air Florida,
People Express, etc.) et la plupart des grands acteurs de cette histoire ont quitté la
scène (Lorenzo, Burr, Borman, Ferris etc.) à l'exception de Wolf, Crandall et Kelleher.
La galerie de portraits est haute en couleur. Wolf, énigmatique,
minutieux, méthodique, dote United de routes " incroyablement efficaces " C'est
l'expert du réseau... et des stock-options qui lui font faire fortune. Crandall, au
physique de garde du corps et au langage plus qu'énergique, est colérique mais
cérébral. Il couple le système d'information à l'analyse marketing. Il invente le
yield management, qui lui permet d'afficher un tarif plus bas que ceux de la concurrence
tout en pratiquant un prix moyen plus élevé, et le " b-scale " qui impulse la
croissance d'American. Burr construit People Express sur " l'amour du prochain
", sans que l'on puisse discerner chez lui la part de la manipulation et celle de la
sincérité. Il ne comprend pas assez vite l'importance du système d'information et se
fait évincer du marché après un démarrage rapide.
Bryan et Borman forment un couple digne de la tragédie grecque.
L'affrontement entre ces deux hommes de pouvoir, l'un syndicaliste combatif, l'autre
dirigeant autoritaire, conduit selon une pente fatale à la disparition d'Eastern.
Lorenzo, as de la finance, construit un empire à coup d'effets de levier, liquide ses
amis, et finit par tout perdre. Kelleher, grand viveur, grand fumeur, grand buveur, meneur
d'hommes, construit Southwest sans se prendre au sérieux mais avec rigueur. L'économie
de cette compagnie originale est fondée sur la fréquence, la standardisation (des Boeing
737) et l'exploitation de liaisons courtes en point à point. Ni hub, ni informatique (au
début), ni réservation, etc. Marshall redresse British Airways en corrigeant les travers
d'une compagnie plus que traditionnelle, puis en tirant parti d'un réseau impérial et
d'une position privilégiée à Heathrow.
Ces pionniers partagent deux passions: l'aéronautique et le marketing.
La passion de l'aéronautique ruine ceux qui, pour posséder un bel avion, achètent des
Boeing 747 qu'ils ne parviennent pas à remplir ; la passion du marketing, quand elle les
guide pour structurer leur réseau, est plus rentable. Ils se distinguent par leurs
passions secondaires : système d'information, finance ou manipulation des hommes (clients
et salariés). Chacun se bat avec les armes de son choix : le système d'information pour
Crandall, le gilet pare-balles et le pistolet 9 mm pour Borman, les sermons pour Burr.
Ce sont des hommes de courage et de pouvoir qui manquent d'humour et
d'humanité, à l'unique exception de Kelleher. Ils ninspirent donc pas la
sympathie, mais de la compassion, car ils sont confrontés à un destin implacable. Ce ne
sont pas des intellectuels au sens qu'a ce mot en France ; leur intellect est un moteur à
intuition, imagination et réflexion dont leur passion est la source d'énergie.
Ils ont inventé de nouveaux outils qui constituent un ensemble
cohérent comme les cases, pièces et règles du jeu d'échecs : système de réservation,
yield management, réseau en " hub and spokes ", ticketless, systèmes à
carte, FFP, partenariats, co-branding, code-sharing, b-scale, point à point " low
cost ", etc. Ils ont appris à jouer sur cet échiquier, à y définir leur
stratégie et à user de tactique.
Leur " business " est un western mental. Le gagnant est celui
qui dégaine le plus vite son concept, qui construit le plus vite la représentation
permettant d'interpréter la partie. Le pragmatisme, ce n'est pas ici s'adapter au cadre
institutionnel existant, mais inventer rapidement la réponse à un contexte juridique,
économique et technique en évolution.
Système dinformation
La relation entre les diverses couches de lentreprise est
assurée par le système dinformation, qui en tant que réseau organique joue des
rôles analogues à celui de la circulation sanguine (alimenter les activités
opérationnelles) et de linflux nerveux (transmettre les observations au décideur
et répercuter les décisions de celui-ci vers les organes dexécution).
La gestion des réservations est lune des opérations les
plus difficiles pour un transporteur aérien. Dès les années 30, le travail nécessaire
pour confronter en permanence létat des réservations et celui du stock de sièges
disponibles était énorme et très coûteux. Dans les années 40, chaque réservation
pour un vol en correspondance demandait 20 communications téléphoniques, et les
compagnies aériennes étaient les plus grands utilisateurs de liaisons téléphoniques
louées. Des tentatives dautomatisation furent faites dans les années 50, et en
1962 le système informatique Sabre fut mis en service par American après des années de
développement. Il représentait la réalisation informatique la plus complexe de
lépoque et une première dans le domaine du temps réel.
Outre son efficacité pour la réservation, Sabre a fourni à
lentreprise une information détaillée, objective et quotidienne sur les
opérations. Il a donné à American un tel avantage sur ses concurrents que toutes les
compagnies aériennes ont dû se convertir à la réservation électronique.
Dautres systèmes sont venus compléter la panoplie :
la programmation des vols, le yield management, la gestion des avions et des équipages,
la gestion des stocks de pièces détachées, la maintenance, sont autant de domaines
impliquant une utilisation pointue et cohérente de linformatique. Dans le courant
des années 90, des systèmes dinformation commerciaux ont vu le jour, conjuguant la
gestion des programmes de fidélisation avec une politique qui tend vers le
" one to one ", des techniques spécifiques
(" ticketless ") et une pratique de plus en plus poussée du
partenariat.
Annexe du chapitre X : Fonction de coût du transport
aérien
Alors que les calculs de coût du transport aérien utilisent
traditionnellement une approche ligne par ligne, nous partons ici du réseau
constitué par l'ensemble des nuds (aéroports), arcs (vols) et ressources (flotte,
personnel navigant, " slots ", etc.).
On observe des similitudes avec le réseau de
télécommunications: on peut représenter la demande par une matrice (matrice de trafic
dit " offert " dans les télécoms, matrice "Origine et Destination
(O&D) " dans le transport aérien) ; le réseau est caractérisé par des arcs
(lignes, vols) et des nuds (commutateurs ou aéroports); la fonction de coût
dépend de la structure géographique du réseau et du dimensionnement physique des
ressources, qui obéit à des règles d'ingénierie. L'introduction de la concurrence dans
les télécommunications a accru la ressemblance avec le transport aérien en créant
l'incertitude dans les prévisions de demande.
Cette analogie a cependant des limites. La fonction de coût n'a
pas la même forme, les unités d'uvre et règles de dimensionnement sont de nature
différente. La disponibilité du transport aérien dépend de la fréquence des vols,
alors que le réseau télécoms est disponible à tout moment (il serait semblable à un
réseau de transport aérien " à fréquence infinie "). Le comportement de la
demande n'est pas le même : l'utilité de la communication téléphonique ne dépend pas
du nombre de commutateurs traversés, alors que l'utilité d'un voyage aérien dépend
négativement de sa durée, du nombre des escales et de la présence d'une correspondance
(hub) sur le parcours. Le raisonnement ne peut donc pas se transposer exactement d'un type
de réseau à l'autre.
Notre évaluation du coût se situe dans une perspective de
moyen terme où les règles du métier sont supposées stables, ce qui l'affranchit de
certaines contraintes d'actualité qui altéreraient l'intelligibilité des résultats.
Par exemple, nous retenons des règles simplifiées d'utilisation et de rémunération du
PNT qui, sans respecter la complexité du réel, conservent ses ordres de grandeur
(utilisation bornée par un nombre d'heures de vol annuel maximum, rémunération
composée d'un salaire fixe et d'un traitement à l'heure de vol). Les effets de
l'utilisation des PNT sont ainsi linéarisés et les résultats des variantes deviennent
interprétables.
Schéma général
Le coût du réseau est calculé à partir de données d'entrée
exogènes. Un bouclage manuel permet de les réviser afin d'explorer des variantes.
Les données d'entrée concernent la demande, la géographie
(superficies, distances, activités économiques régionales, répartition des
aéroports), le positionnement de la compagnie étudiée, les coûts unitaires des
composants du réseau.
Le cur du modèle est une suite d'opérations aboutissant
au calcul de la fonction de coût. Certains des paramètres calculés lors de cette
démarche peuvent être considérés comme des résultats intermédiaires (par exemple, la
composition de la flotte). Les coûts de revient peuvent être exprimés de diverses
façons : coût des postes composant le réseau, coût d'un passage O&D selon
lorigine et la destination, etc.
Découpage en zones géographiques
La faisabilité du modèle résulte d'une simplification
essentielle : il s'affranchit de la diversité des pays originaires ou destinataires du
trafic, et utilise un petit nombre de zones géographiques tout en conservant des
proportions réalistes pour la demande et l'architecture du réseau.
Identification des zones
Le territoire terrestre (hors océans et mers) est découpé en
zones composées de pays limitrophes. Leurs frontières sont en général définies par
celles des pays qui les composent.
Un premier découpage est celui des plaques continentales. Puis
on découpe dans chaque plaque des zones regroupant les pays selon le PIB par habitant.
Une considération " culturelle " doit également être introduite : suivant le
type d'activité prépondérant dans une région (tourisme ou industrie), elle drainera
des voyageurs correspondant à des classes tarifaires différentes. Il faut donc
distinguer les zones où les voyages sont à vocation touristique de celles où les
voyages sont à vocation daffaire.
Chaque zone est caractérisée par son PIB (montant et taux de
croissance), sa population (effectif), sa superficie, ses distances aux autres zones, sa
densité en aéroports. À partir du PIB et du taux de croissance, il est possible
d'estimer le volume de la demande future. La densité de demande (nombre de passagers)
croît avec le PIB/habitant, mais la recette unitaire décroît (plus le PIB/habitant est
fort, plus le transport aérien est " démocratisé ", donc plus la recette par
passager est faible).
Enfin, la diversité des coûts unitaires suivant les zones est
un critère de découpage : c'est pourquoi nous avons découpé l'Amérique du Nord
en deux.
La superficie de chaque zone permet d'évaluer la dispersion
géographique de la demande, notion utile au dimensionnement des ressources de desserte;
la matrice des distances entre zones intervient dans le calcul du coût des liaisons.
Nous retenons finalement le découpage suivant en 19 zones :
Matrice des distances
On prend les distances entre les centres de gravités des zones.
Ce ne sont pas des distances orthodromiques car elles ne sont pas toujours parcourues par
les avions (ils doivent tenir compte des perturbations atmosphériques, des courants de
vents etc.) ; on retient donc des " distances routes " (moyenne
des longueurs des routes possibles entre chaque couple de zones).
Topographie du réseau
Chaque zone contient des aéroports que l'on considère comme
des " macroclients ". Nous ne retenons que les aéroports principaux
desservis par les lignes régulières des compagnies majeures. La densité d'aéroports
principaux est une caractéristique de chaque zone.
À l'intérieur d'une même zone, les aéroports peuvent être
reliés par des liens maillant la zone (liaisons entre centres urbains), et par des liens
de desserte locale. Il y a recouvrement des aires locales de desserte, c'est-à-dire des
régions sur lesquelles des aéroports sont en concurrence. On est ainsi amené à
distinguer deux niveaux dans l'architecture du réseau : un réseau maillé d'origines et
destinations inter-zones et une desserte intra-zone en étoile.
Cette représentation reflète l'organisation d'un réseau
architecturé en " hub and spokes ".
Demande globale et matrice O&D
On part d'une estimation de la demande mondiale. Le scénario de
positionnement délimite ensuite le marché de la compagnie étudiée.
La variation saisonnière du trafic suivant les diverses O&D
est prise en compte en distinguant lété et lhiver. La répartition
journalière du trafic est prise en compte dans le calcul du dimensionnement.
Pour étudier la marge, nous distinguons deux classes tarifaires
:
-
haute contribution : classes C (Business), F (First) et R (Concorde) ;
-
basse contribution : classe Y (économique).
La demande adressée au transport aérien dépend de plusieurs
facteurs : activité économique mondiale et locale (PIB), tarifs (recette unitaire),
offre (sièges offerts, fréquence), commercialisation du service (systèmes de
réservation, Ticketless, fidélisation etc.), considérations géopolitiques et
sociologiques (mobilité, gestion du temps, etc.) Les deux premiers facteurs sont les plus
importants à court terme. Dans une première approche, nous supposons la recette unitaire
constante ; l'évolution de la demande par zone géographique est alors fonction de
la variation tendancielle du PIB.
Scénario de positionnement
Le positionnement d'une compagnie dépend des exogènes suivants
: choix des relations O&D que la compagnie dessert, part de marché cible par
relation, type d'acheminement, fréquence. Dans chaque relation O&D la part de marché
de la compagnie dépend du nombre d'aéroports qu'elle dessert sur chaque zone concernée.
Les aéroports sont de taille inégale. Un petit nombre
d'aéroports (moins de 10 % des aéroports internationaux) regroupe plus de 50 % de la
demande sur une zone. Nous approchons cette distribution par une fonction continue.
L'acheminement d'une demande O&D peut être soit direct,
soit avec correspondance. Nous introduisons un coefficient d'attractivité reflétant la
désutilité d'une correspondance. Le positionnement de la compagnie doit donc définir
les nombres de zones aéroportuaires principales desservies en direct, desservies avec une
correspondance et non desservies. Les hubs sont un cas particulier de zone aéroportuaire
de correspondance pour lesquelles une compagnie définit ses horaires de façon à donner
la priorité à l'accrochage entre vols arrivée et vols départ. Nous évaluerons, pour
tenir compte de " l'effet hub ", un " indice d'accrochage " précisant
le coefficient d'attractivité des correspondances.
Les trois premiers paramètres du positionnement (choix
d'O&D, nombre d'aéroports desservis et type d'acheminement) définissent la part
de marché potentielle de la compagnie. Sur chacune des relations O&D, et en
tenant compte du nombre d'aéroports desservis, la part de marché cible est la
part de marché moyenne que décide de prendre la compagnie.
Le comportement de la clientèle dépend de plusieurs
paramètres : motif du voyage, prix, durée du voyage. La durée du voyage comprend
le temps bloc d'un vol mais également les temps d'accès aux aéroports et d'embarquement
et, dans une certaine mesure, le délai entre l'horaire effectif et l'horaire idéal pour
le voyageur (effet fréquence). D'autres facteurs interviennent dans le choix du voyageur
: habitude et intéressement (rôle des programmes de fidélisation), disponibilité de
l'offre (influencée par le yield management), qualité de service (en termes d'accueil,
de commissariat, etc.). Nous n'en tenons pas compte dans cette approche.
L'augmentation de la fréquence réduit le délai moyen entre
horaire effectif et horaire idéal, et accroît donc l'utilité du transport. La demande
globale est peu élastique au temps car l'utilité d'un voyage est dictée par sa
finalité (affaires ou tourisme) ; le prix est un facteur de décision de "
l'utilité " d'effectuer un voyage ; par contre, le temps intervient comme une
contrainte que le voyageur cherche à optimiser une fois prise la décision de voyager. La
sensibilité de la demande à la fréquence est donc importante lorsqu'il s'agit de
choisir entre des moyens concurrents. Le voyageur choisit entre des compagnies aériennes
sur une destination long courrier ; il considère aussi d'autres modes de transport (rail,
route) pour un déplacement court ou moyen courrier.
L'effet de la fréquence sur la demande globale est faible
lorsque l'offre est déjà développée sur lO&D considéré. Par contre
l'élasticité de la part de marché à la fréquence est élevée. Ainsi, l'analyse de
l'effet fréquence doit comparer les fréquences de la compagnie aux fréquences de ses
concurrents.
L'effet fréquence doit être traité séparément pour au moins
deux segments de marché : professionnel et tourisme. Le segment professionnel est
demandeur en priorité de disponibilité de l'offre (en termes de capacité) et de
possibilités de choix (en termes d'horaire), le segment tourisme est demandeur de bas
tarifs.
Composants élémentaires et coûts unitaires
Le coût du réseau comprend un coût de fonctionnement annuel
(maintenance, exploitation technique, etc.) et un coût d'investissement, le cycle de
renouvellement des équipements dépendant de leur durée de vie. Il faut calculer un
coût annuel représentant la somme du coût de fonctionnement et de léquivalent
annuel du coût d'investissement. Nous traitons les coûts indirects comme un coût fixe
relatif à l'ensemble de la compagnie, et nous évitons de le ventiler pour ne pas
altérer l'évaluation des coûts marginaux.
Nous retenons le coût des composants élémentaires agrégés
par zone géographique ou par type de module (catégorie avion) sans considérer des
détails comme les tarifs du catalogue d'Airbus ou le prix du carburant sur les divers
aéroports. Hormis le prix du carburant, l'hypothèse la plus prudente est de supposer une
stabilité des coûts unitaires.
Avions (acquisitions)
Nous considérons pour divers avions représentatifs les prix
moyens auxquels un acheteur peut négocier un lot de quelques avions (en dollars convertis
en francs). Ces coûts sont traduits en annuités équivalentes. Le taux d'actualisation
est un paramètre du modèle et on peut le modifier selon l'hypothèse retenue sur le taux
d'intérêt réel.
Entretien des avions
L'entretien d'un avion comporte :
-
la grande visite (GV) a lieu tous les 4 à 8 ans ou toutes les 100 000 heures
environ. Son coût est ramené à un forfait annuel propre à chaque catégorie d'avion ;
-
l'entretien block a lieu tous tout les 3, 6 ou 18 mois suivant l'utilisation de
l'avion. Son coût est considéré comme une fonction linéaire de l'utilisation de
l'avion. On retient donc pour chaque catégorie d'avion un coût moyen par heure de vol ;
-
l'entretien cycle a lieu après chaque cycle. Il est comptabilisé comme une part
des coûts d'escale et différencié par catégorie d'avion.
Assurances
Le coût annuel de l'assurance des avions est égal à 5 % de
l'annuité équivalente à l'investissement.
Carburant
Le prix du carburant dépend de la zone géographique. Ce poste
de coût sera influencé par la consommation des avions qui dépend de leur catégorie.
PNT
Deux cas de figure peuvent se présenter : soit le programme des
vols est assez dense pour une utilisation maximale du PNT, et le coût du PNT est fonction
linéaire du nombre d'heures de vol ; soit le programme est peu dense, et le coût du PNT
comporte un salaire fixe auquel sajoutent une rémunération au prorata des heures
productives et des primes d'heures de vol, ainsi que des coûts d'hébergement et de
formation.
Nous retiendrons que le coût unitaire d'un PNT se compose d'un
coût fixe (salaire brut fixe + minimum garanti + charges patronales), et d'un coût à
l'heure de vol entre des seuils mensuel minima et maxima.
Il faut tenir compte enfin des contraintes introduites par la
spécialisation des PNT par type d'avion.
PNC
Les PNC sont mobiles d'une ligne à l'autre au sein d'une
région donnée. Nous considérons que leur salaire est forfaitaire. Leur utilisation est
contrainte par un nombre d'heure de vol maximum. Il faut ajouter au coût salarial les
coûts d'hébergement et de formation, et tenir compte du nombre de PNC par catégorie
d'avion indépendamment du remplissage de l'avion.
Coûts de touchée
Les coûts de touchée sont pondérés pour chaque catégorie
d'avion. Les coûts unitaires de touchée sont ensuite évalués par zone géographique.
Redevance aéroport
Les redevances aéroports correspondent aux services
dassistance aux décollages et atterrissages, aux parking, locaux, etc. fournis par
les aéroports. Elles sont approximativement proportionnelles à la masse certifiée au
décollage (MTOW).
Redevance route
Les redevances routes rémunèrent les services d'assistance en
vol par les organismes d'État gérant les espaces aériens. Elles sont approximativement
proportionnelles à la distance parcourue et à la racine carrée de la MTOW. Elles sont
perçues par chaque territoire survolé lors d'un vol.
Redevance passagers
La redevance passager est une taxe forfaitaire versée aux
aéroports pour chaque passager transporté.
Commissariat
Le coût du commissariat (plateaux repas) dépend de la nature
du vol : vol domestique, vol moyen courrier ou vol long courrier.
Règles de dimensionnement
Ayant mis en forme les informations sur le trafic, défini la
demande que la compagnie désire traiter et caractérisé les composants élémentaires de
son réseau, il faut dimensionner celui-ci (quantité et taille des composants) pour en
calculer le coût. Ce mécanisme, qui se fonde sur les règles d'ingénierie du métier,
est le "moteur " du modèle.
Acheminement : cas général
Disposant en entrée de données sur la demande O&D, il faut
" descendre " au niveau physique pour le dimensionner et en évaluer le
coût. En effet, la demande O&D est une notion logique à laquelle il convient de
répondre par un support physique. Un passage O&D se décompose en une succession de
segments.
Dans le cas général, un passage O&D se décompose en
quatre segments :
-
acheminement du passager d'un aéroport local vers une zone aéroportuaire
internationale (éventuellement assuré par un autre mode de transport),
-
vol vers une deuxième zone aéroportuaire internationale qui sera une
plate-forme d'interconnexion (éventuellement un hub),
-
vol vers un aéroport international de la zone de destination,
-
acheminement local vers le lieu de destination (éventuellement assuré par un
autre mode de transport).
Nous supposons qu'il existe au plus un point de transit par une
zone tierce (différente de la zone origine et de la zone destination).
Dans le cas général, à chacun des points de transit peut
correspondre, soit une correspondance on-line, soit une correspondance inter line.
Il faut décomposer une O&D en successions de segments,
" l'acheminement " (lors de cette décomposition, il sera possible de partager
les segments composant un itinéraire avec d'éventuels partenaires), puis énumérer les
segments et calculer le trafic entre une zone A et une zone B (somme des demandes O&D
incluant AB dans leur acheminement), enfin calculer la demande par " vol " et
dimensionner les ressources (choix de module, PN, etc).
On calcule d'abord le dimensionnement des vols inter-zones, puis
celui des dessertes intra-zone (incluant le trafic domestique).
Acheminement inter-zones
Le principe peut être résumé de la façon suivante : pour
chaque couple (zone i, zone j), il existe des segments correspondant aux acheminements
directs. Leur nombre est fonction du nombre d'aéroports desservis en direct (la notion de
desserte directe est alors relative à chaque couple de zones). Ces segments vont servir
à l'acheminement de trois types de trafic O&D ; ils vont regrouper le trafic
acheminé directement (par exemple, Paris-New York), le trafic acheminé via une
correspondance locale dans la zone origine, dans la zone destination ou dans les deux (par
exemple Nice-Paris-New York-Boston), le trafic acheminé avec une correspondance dans une
zone différente (par exemple New York-Paris-Rome). On ne s'intéresse à ce niveau qu'aux
segments inter-zones pour chaque couple de zones considéré (par exemple, le segment
Paris-New York pour le couple zone France/zone AMN).
Le trafic devant être acheminé entre chaque couple (zone i,
zone j) est ensuite réparti sur les segments. Pour dimensionner les ressources (avions,
PN, etc.) nécessaires à l'acheminement du trafic sur les segments, il faut calculer le
trafic à la charge de chaque vol. Par " vol " nous entendons un
trajet effectué sur un segment donné. La fréquence est le paramètre qui permet de
calculer la part du trafic annuel acheminée par un vol : en prenant en compte les
saisons été et hiver, et en considérant la variation journalière du trafic, le trafic
annuel est réparti sur les tranches horaires couvertes par chaque vol.
La ressource qui structure le dimensionnement de la plupart des
autres est l'avion. La taille des avions est déterminée en choisissant la catégorie de
module (capacité) suffisante pour contenir le trafic par vol, sous la contrainte que le
rayon d'action soit suffisant pour le parcours considéré. Le nombre total d'avions
nécessaires est déterminé par le ratio entre durée d'utilisation et durée de
disponibilité des avions sur chaque couple de zones. Nous supposons qu'un avion peut
être affecté uniquement aux segments reliant une zone i donnée à la zone France. Les
autres segments (entre deux zones quelconques sauf la zone France) sont des prolongations
de ligne (par exemple, Singapour - Sydney prolonge le segment Paris - Singapour) ; les
avions desservant ces segments sont pris dans la flotte affectée au segment prolongé.
Ayant déterminé les modules et leur quantité pour les
segments d'une liaison entre zone i et zone j, il est facile de déterminer les autres
ressources (carburant, PN, taxes, etc.).
Acheminement intra-zone
Les réseaux intra-zones ont une architecture en étoile :
chaque aéroport ne possédant pas de liaison directe inter-zones est desservi à partir
d'une zone aéroportuaire de transit, qui possède les liaisons vers d'autres zones. De
plus les zones aéroportuaires de transit sont maillées entre elles.
La démarche est similaire à celle utilisée pour le
dimensionnement des acheminements inter-zones en considérant qu'un segment intrazone peut
acheminer du trafic domestique (c'est-à-dire des demandes O&D interne à la zone) et
des demandes O&D inter-zones dont les segments intra-zones constituent les dessertes
locales.
Résultats
Nous ne considérons que les coûts directement affectables à
la production du réseau de passage (nous ne ventilons pas les charges telles que frais
financiers, frais commerciaux, etc.). Les résultats sont exprimés en milliers de francs
constants 1996.
Ayant déterminé les nombres d'avions (par catégorie de
module) et d'heures de vol (par segment), le calcul des coûts des divers postes se
résume à une multiplication par des coûts unitaires.
Voici la répartition des coûts par poste de dépense pour une
compagnie européenne typique :
Si l'on compare la structure du coût en distinguant long
courrier, moyen courrier et court courrier, on obtient la comparaison suivante (cf.
graphique ci-après).
On voit que l'économie du long courrier est très différente
de celle du court ou du moyen courrier : dans le long courrier, le poste de coût le plus
important est l'avion et le carburant, alors que dans les court et moyen courrier c'est la
touchée. À cette différence de la structure des coûts correspond une logique
d'exploitation différente. L'articulation de ces deux logiques constitue une des
difficultés de l'exploitation d'un réseau mixte.
Ces données, obtenues par simulation à partir des hypothèses et
règles de dimensionnement, sont moins précises que les données comptables, mais elles
sont plus sûres et plus faciles à interpréter. En effet, la comptabilité traite de
façon différente les dépenses selon leur mode de financement : le coût des avions est
dispersé dans les comptes selon qu'il s'agit d'avions en cours d'amortissement, d'avions
affrétés auprès d'autres compagnies, d'avions loués, etc. Il en résulte des
complications qui peuvent entraîner des erreurs. Le calcul réalisé ici à partir des
unités d'uvre du réseau passe au-dessus de ces distinctions accessoires et va
droit à l'essentiel.
Rôle de la distance dans la fonction de coût
Certains postes de coût sont fixes relativement à la distance,
d'autres varient avec la distance. Pour isoler ce paramètre, on pose que la fonction de
coût est de la forme :
C(x) = a.x + b
où x est la distance en km, b représente le coût fixe
(amortissement avions, assurance, entretien GV et cycle, coût de touchée, redevances
aéroportuaires, redevance PAX, commissariat, PNC et une partie du coût du PNT), et a
représente les coûts variables (entretien block, carburant, redevance route et une
partie du coût du PNT).
Les coûts unitaires des composants diffèrent selon que l'on
considère des lignes court courrier, moyen courrier ou long courrier (ils dépendent du
module utilisé et ce dernier est contraint par son rayon d'action). Les coefficients a et
b de la fonction de coût diffèrent donc eux aussi ; on les observe à travers un
échantillon de faisceaux de lignes de longueurs diverses.
Le temps block d'un vol se décompose en temps de montée, temps
de vol à la vitesse de croisière de l'avion et temps de descente. Les coûts relatifs
aux temps de montée et de descente (donc les coûts relatifs aux distances
correspondantes) sont invariables quel que soit le vol considéré. Ils sont donc
intégrés au coût fixe.
C(X) = a(X + X0) + b = aX + c,
où X est la distance de vol parcourue à la vitesse de
croisière (typiquement, X est la distance de route totale diminuée de 300 km).
Pour disposer de résultats comparables, on ramène l'expression
de la fonction au siège offert. Le graphe ci-dessous présente la partie fixe du coût
pour les divers segments de l'échantillon. On observe que cette partie fixe n'a pas la
même valeur selon la longueur du segment considéré (plus la distance est grande, plus
la partie fixe est grande).
Par contre, la partie variable de la fonction de coût est
semblable quelle que soit la distance considérée (elle est en fait légèrement plus
grande pour des distances plus petites; la pente de la fonction de coût est plus
importante pour le court courrier et moyen courrier que pour le long courrier). Le
graphique suivant présente les fonctions de coût pour un échantillon de segments
(chaque fonction de coût est obtenue par une variation de 500 km autour de la valeur
centrale).
On en déduit que, toutes choses égales par ailleurs
(c'est-à-dire, lorsque le type avion, la fréquence, etc., sont fixés), la variation de
la distance a une influence relativement faible sur le coût par siège. Par contre, le
coût fixe à considérer diffère beaucoup selon le type de ligne auquel on s'intéresse
(moyen ou long courrier).