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Economie des nouvelles technologies

Chapitre 1 

Vue d’ensemble

 

Eléments du modèle
STC, automatisation, coûts fixes
Différenciation, concurrence monopoliste
L’emploi réside dans la conception et la distribution
Nouvelle distribution de la richesse
Commerce électronique et médiation
Une économie risquée
Partenariats
Réponse éthique à la violence
Changements de l’organisation des entreprises
Mondialisation de l’économie
Crise d'adaptation
Représentation : modèle en couches
Schéma d'ensemble du modèle

Par la force des choses, le présent ouvrage repose sur une compilation d’études éclairant chacune une partie du propos. Il est donc nécessaire de montrer, d’une façon cursive, ce qui en constitue l’unité.

Eléments du modèle

STC, automatisation, coûts fixes

Nous partons de la synergie technique propre au STC (1) (microélectronique, automatisation, informatique). Elle confère à la fonction de production une structure " à coûts fixes ".

Différenciation, concurrence monopoliste

Il en résulte, de façon endogène, que la production se différencie. Sinon la fonction de production à coûts fixes impliquerait pour chaque bien un monopole naturel ; les nécessités de la survie des entreprises les incitent donc, pour rester sur le marché, à pousser la différenciation de l'offre autant qu'elles le peuvent, c'est-à-dire autant que la demande peut le supporter (pour que l'on différencie, il faut bien sûr qu’une demande de produits différenciés puisse se manifester). Elles construisent ainsi sur chaque variété de bien leur petit monopole particulier, aux frontières duquel elles se trouvent en concurrence avec les fournisseurs de variétés voisines.

Le régime de concurrence monopoliste est endogène au modèle : à l’équilibre, le nombre de variétés produites est déterminé, ainsi que la quantité vendue et le prix de chaque variété.

La symbolique paisible propre à tout modèle d’équilibre ne doit pas masquer ici les phénomènes de destruction et création, d’apprentissage, d’entrées et sorties qui renouvellent les acteurs de cet équilibre. Ces phénomènes ne font pas ici l’objet d’une modélisation à proprement parler, mais ils sont illustrés par les exemples sectoriels que nous évoquons.

Le constat des échanges croisés entre pays atteste que cette différenciation se produit effectivement : si les automobiles n’étaient pas différenciées, le commerce des automobiles n’existerait pas entre la France et l’Allemagne.

L’emploi réside dans la conception et la distribution

L’automatisation de la production supprime les emplois physiquement liés à la production. Il ne reste dans les usines automatiques que quelques emplois de maintenance et de conditionnement. Des emplois hautement qualifiés sont nécessaires pour concevoir les nouvelles variétés, les nouveaux produits, et la mise en œuvre de techniques de production compétitives. Des emplois qualifiés sont également nécessaires pour assurer la distribution de ces produits et tenir la " première ligne " face à la clientèle.

Ainsi l’emploi s’organise pour l’essentiel en trois couches : la conception, concentrée dans des bassins géographiques limités, et la distribution qui est répartie partout, au plus près des clients, constituent les deux couches les plus nombreuses. L’emploi fourni par la production est faible, voire négligeable (2).

Cette structure de l’emploi est endogène au modèle.

Nouvelle distribution de la richesse

L’économie du STC est plus riche qu’aucune autre auparavant, car la production automatisée fournit en abondance le consommateur en biens nécessaires ou agréables. Cependant la distribution de cette richesse ne va pas de soi. Le salariat l’assurait de façon automatique dans l’économie mécanisée antérieure qui nécessitait de nombreux emplois dans la production. Il ne peut plus remplir le même rôle.

Le sous-emploi, avec la rupture de cohésion sociale qui l’accompagne, est un risque dans cette économie : rien ne garantit a priori que la somme des emplois de distribution et de conception assure le plein emploi.

De nouvelles formes de distribution de la richesse, plus proches de la rente, sont alors nécessaires pour assurer à toutes les personnes composant la société un accès équitable à la richesse.

La recherche de cette équité suppose une action volontaire, car la seule mécanique du STC peut aussi bien, et avec une assez forte vraisemblance, conduire à une société très inéquitable.

Commerce électronique et médiation

La population est segmentée selon les diverses familles de besoins, et elle est confrontée à une production diversifiée. Il n’est pas simple pour les consommateurs de s'y retrouver, et de choisir les variétés répondant le mieux à leurs besoins. La formation de la demande, qui résulte conjointement de l’identification des besoins et de la connaissance de l’offre possible, en est rendue difficile. L’abstraction qui consiste à prendre la demande comme point de départ de l’économie comporte une simplification qui serait ici excessive.

La médiation est la forme de commerce endogène à cette économie : le médiateur est celui qui est capable de trouver l'offre correspondant aux besoins de tel client (il contribue donc à la formation de la demande), et de minimiser les coûts de transaction. Il facilite la personnalisation de la relation commerciale nécessaire pour trouver rapidement l’offre correspondant au besoin d’un client.

La médiation emprunte les canaux du commerce électronique : réseaux, ordinateurs, cartes à puce, plateaux téléphoniques, bases de données etc. La baisse des coûts de production de ces technologies est le moteur du STC, et elles attirent à la fois la production et le commerce.

Une économie risquée

La fonction de production à coûts fixes implique un risque élevé pour l’entreprise, puisque la totalité du coût de production est dépensée avant que la première unité du bien ne soit vendue. Par ailleurs, la délimitation des plages de marché propres à chaque variété différenciée du bien (et à l’entreprise qui la produit) obéit à une dynamique, les frontières entre plages faisant l’objet d’une concurrence par les prix et par l’innovation. L’investissement le mieux ourdi risque de ne pas trouver sa récompense sur le marché si un concurrent rafle la demande sur laquelle l’entrepreneur comptait.

Partenariats

Un ressort puissant est tendu dans la fonction de production à coûts fixes. Il se détend dans des situations de concurrence vive et de risque extrême, dont le corollaire est de la part des entreprises une recherche de sécurité aboutissant à la conclusion de partenariats.

Réponse éthique à la violence

Les entreprises sont tentées par des manœuvres illégales visant à se garantir des marchés. La violence de la concurrence, le retour à des formes " féodales " dans les relations entre entreprises, sont endogènes au modèle. En résulte un besoin de clarification concernant les questions éthiques, déontologiques, ainsi que le cadre législatif et les pratiques judiciaires.

Changements de l’organisation des entreprises

L’organisation des entreprises subit une modification endogène au modèle. La généralisation des micro-ordinateurs et des réseaux, suscitée par la baisse de leur prix et l’efficacité qu’ils apportent, facilite l’émergence de formes d’organisation transverses impliquant une limitation du nombre de niveaux hiérarchiques, une décentralisation jusqu’à la base même d’un droit de décision au coup par coup, la mise en place de procédures de contrôle et de compte rendu a posteriori.

L’évolution du système d’information se fait vers la personnalisation de la relation avec la clientèle et vers l’intégration du client dans le système d’information de l’entreprise : ce sont d’autres composantes de la médiation, qui entraînent une transformation également endogène de la relation commerciale.

Mondialisation de l’économie

La mondialisation de l’économie est elle aussi endogène, car le coût du transport a subi une baisse importante en bénéficiant du STC. Les barrières qui résultaient du coût du transport s'effacent ou s'estompent.

Si l’on suppose, pour pousser l’idée à l’extrême, que les coûts de transports sont nuls, et que la fonction de production est à coûts fixes, aucune limite géographique ne s’oppose à l’ubiquité des biens. Restent des barrières institutionnelles que l'on peut contourner en installant des unités de production au-delà des frontières : comme leur localisation est indifférente dans le modèle (puisque le transport comme la production ne coûtent rien), il est facile d'installer des unités de montage ou même de production qui fabriquent des modèles de voitures ou d'ordinateurs à l’étranger. La mondialisation ne fait donc pas partie du contexte, des exogènes : l’économie du STC la sécrète comme une glande endocrine sécrète une hormone.

Crise d’adaptation

Les transformations que nous avons évoquées rapidement constituent un ensemble cohérent, même si elles sont de natures diverses. Elles impliquent un bouleversement par rapport à la situation actuelle. En effet nos institutions (crédit, distribution et redistribution, formation, assurances etc.) résultent d’une mise au point adaptée à l’économie industrielle mécanisée, donc à une fonction de production et à une forme d’équilibre de marché qui ne sont plus celles de l’économie d’aujourd’hui.

Il est alors naturel que les sociétés industrielles soient confrontées à une pénible crise d’adaptation. Cette crise est endogène au modèle, une fois que l’on mesure l’écart entre les conditions d’équilibre de l’économie du STC et celles que procurent les institutions héritées du passé proche (3).

Représentation : modèle en couches

Il importe de disposer d’un schéma de représentation qui permette, pour limiter les dégâts, de penser à la fois la situation future, la situation présente et la transition. Ce schéma, nous le construirons en utilisant un modèle en couches.

Le modèle en couches a été inventé, sous la pression de la nécessité, pour représenter l’architecture des ordinateurs et des réseaux de télécommunications. Il est donc corrélatif du STC et de l’économie à coûts fixes.

Il permet de penser précisément et simultanément l’articulation des diverses composantes également nécessaires à l’exécution d’un programme ou à la communication, et d’éviter les questions stériles mais toujours renaissantes sur le classement des diverses couches par ordre d’importance.

 

***

 

Nous disposons, avec ce modèle, à la fois d’un schéma explicatif (la liste et la diversité des endogènes le montrent) et d’un outil de représentation qui lui correspond.

Cependant tout n’est pas endogène à ce modèle. Il ne rend pas compte d’exogènes comme les ressources naturelles et la démographie, dont l’évolution impose des chocs qu’une analyse pratique doit considérer. Il n’ambitionne pas, même de loin, de recouvrir la totalité du problème moral, culturel ou philosophique.

Le constat de telles lacunes ne saurait être invoqué pour le réfuter : un modèle ne peut prétendre tout expliquer et représenter. Il a rempli sa fonction s’il éclaire convenablement un espace limité mais bien choisi, et si la frontière de validité qui entoure cet espace est définie sans ambiguïté.

Schéma d’ensemble du modèle

wpe1.jpg (33316 octets)

(1) système technique contemporain
(2) Pascal Petit " Technologie et emploi : ce qui a changé avec les TIC " Cepremap 1997
(3) Pascal Petit et Luc Soete " Is a biased technological change fueling dualism ? " Cepremap 1997