| 
Frédéric Lefebvre-Naré, consultant, a été directeur scientifique et technique de 
Médiamétrie, puis conseiller de François Bayrou. Il a rédigé 
pour La Jaune et la Rouge, revue de l'association des anciens élèves de l'École 
Polytechnique, la recension ci-dessous.  *     
* Michel 
Volle est l'un des lapins blancs qui nous font passer à pied, comme en 
rêve, du monde que nous vivons à sa représentation. Le statisticien 
méthodologue, auteur du manuel d'Analyse des données 
qui a guidé mes premiers pas dans ce secteur, est aussi, depuis sa jeunesse, 
citoyen engagé pour ce qu'on appelle aujourd'hui une mondialisation plus juste. Dans 
l'économie nouvelle, "économie du risque maximum" expliquait déjà Michel 
dans "e-conomie" (2000), les monopoles sont 
endogènes. Dans l'ancienne économie des rendements décroissants (à laquelle 
nos décideurs et étudiants restent intoxiqués), la rentabilité venait de la 
productivité horaire ; aujourd'hui la rentabilité s'obtient en capturant 
une part de marché, donc au besoin en "achetant les acheteurs". L'échange 
équilibré, sur un marché libre et pleinement informé, caractérisait l'économie 
classique : la prédation le remplace comme norme. "Le prédateur n’est ni plus 
ni moins rationnel que les autres agents économiques". Les seigneurs de la 
guerre de l'ultra-capitalisme sont dans une situation stratégique comparable, 
non à celle des ingénieurs-entrepreneurs fordistes, mais à celle des féodaux du 
Moyen-Âge. 
Choisir la civilisation contre la barbarie demande, comme au Moyen-Âge, de "réduire 
la rentabilité de la prédation en lui opposant des obstacles qui accroissent son 
coût. S'indigner ne ferait qu’inciter à la démission. Il faut comprendre". 
C'est dire l'importance de ce livre. La vision de l'historien, convoquant 
Saint-Simon et Bloch, Adam Smith et Clausewitz, s'y conjugue avec le talent du 
modélisateur pour mettre en mots simples et en petits schémas rétrocommissions 
et innovation, pression médiatique et dérégulation. Dans 
un monde mal compris, les comportements rationnels des décideurs conduisent leur 
entreprise au suicide ; une efficacité durable passe par la lecture du monde à 
laquelle "Prédation et prédateurs" nous introduit. |